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Récemment, la presse (“source presseocean.fr“, repris dans “cimetiere-de-France.fr“ : “Saint-Nazaire : Erreur irréparable lors de la crémation du corps d'une défunte“) nous expose le tragique fait divers suivant : Une nonagénaire fut crématisée à la place d’un homme trouvé mort sur la voie publique. La famille témoigne : “Maman nous avait dit maintes fois son souhait d’être inhumée dans un cimetière nazairien et de ne surtout pas être crématisée“. Or, la veille de l’inhumation, lorsque la famille souhaita une dernière fois voir son défunt, il apparut que ceci était impossible. L’erreur s’expliquerait par le fait que l’identité du défunt n’aurait pas été vérifiée par le policier car la housse n’a pas été ouverte. C’est en tout cas ce que, de nouveau, relate la famille : “À ce qu’on nous a dit, ça n’a pas été fait“, explique ainsi l’une des enfants de la nonagénaire. Une plainte a été déposée. La famille, témoigne encore, après que les cendres de leur défunt ont été placées dans un cercueil et inhumées : “Mais quand je vais sur sa tombe, j’ai l’impression qu’elle n’est pas là“ ; “et penser que son corps a été crématisé devant une famille qui n’était pas la sienne est douloureux“.

En somme, le sentiment que la fin de leur histoire avec leur mère – et ainsi sans doute le début de leur travail de deuil – leur a été volée. Que doit nous enseigner cette tragédie du recueillement bafouée par l’incurie humaine ? Tout d’abord, que les obligations juridiques existent justement pour que ces faits ne surviennent pas. En effet, le nouvel art. L. 2213-14 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), issu de la loi du 16 février 2015, est désormais le suivant : “Afin d'assurer l'exécution des mesures de police prescrites par les lois et règlements, les opérations de fermeture et de scellement du cercueil lorsqu'il y a crémation s'effectuent :
- dans les communes dotées d'un régime de police d'État, sous la responsabilité du chef de circonscription, en présence d'un fonctionnaire de police délégué par ses soins ;
- dans les autres communes, sous la responsabilité du maire, en présence du garde champêtre ou d'un agent de police municipale délégué par le maire“.
 
Tandis que l’art. R. 2213-2-1 dispose que : “En tous lieux, l'opérateur participant au service extérieur des pompes funèbres mentionné à l'art. L. 2223-23 munit, sans délai, le corps de la personne dont le décès a été constaté d'un bracelet plastifié et inamovible d'un modèle agréé par arrêté du ministre de l'Intérieur comportant les nom, prénom et date de décès ou, à défaut, tous éléments permettant l'identification du défunt“.

Il convient de remarquer que, si ces obligations de surveillance ont été considérablement allégées dans le CGCT, c’est bien pour que l’on se concentre sur l’essentiel, pour prévenir les erreurs irrémédiables… Puis, au-delà de ces faits, que les acteurs du funéraire, policiers inclus, ne doivent pas trier dans leurs obligations - c’est bien la totalité d’entre elles qui se justifient - pour ne plus tendre aux gazettes de tels bâtons pour se faire battre…


Maud Batut
Rédactrice en chef

Pas de ça chez moi (Not in my backyard) !

Les règles de vie en société sont généralement acceptées, du moins en théorie, avec facilité. Là où le bât blesse est quand se pose le moment de les appliquer. Chacun convient qu’un équipement public est nécessaire, mais personne n’en veut chez lui. C’est que les Anglo-Saxons appellent l’effet “Nimby“ (Not in my backyard).

Le secteur funéraire n’échappe pas à ce mal des temps modernes, où l’individualisme forcené veut prendre le pas sur les intérêts de la société. Ainsi peut-on lire que, récemment (La Voix du Nord du 25 novembre 2014), des riverains ont fait circuler une pétition contre l’installation dans leur rue d’une chambre funéraire, susceptible, selon eux, de dévaloriser leur patrimoine immobilier, ou de provoquer une circulation routière gênante. N’oublions pas que cet équipement relève du service public extérieur des pompes funèbres et comme tel, justement, est d’intérêt général. D’autre part, que les riverains se rassurent, les règles entourant la création d’un tel équipement vérifieront bien sûr l’impact de celui-ci sur leur environnement puisque existe une procédure de “porter à connaissance“, certes plus légère qu’une enquête publique en bonne et due forme, mais néanmoins rigoureuse, à l’issue de laquelle le préfet devra autoriser la création ou l’extension de la chambre (R. 2223-47 CGCT).

Il convient néanmoins de noter que ce contentieux est peu abondant, les textes précisant que l’autorisation ne peut être refusée qu’en cas de trouble à l’ordre public ; et que les riverains se rassurent de nouveau, le juge a déjà estimé que cette atteinte pouvait résulter de problèmes de circulation sur la voie publique (CAA Marseille, 17 janvier 2005, req. no 01MA01894) : “Considérant, en quatrième lieu, que le préfet pouvait légalement se fonder sur un motif tiré de la sécurité de la circulation sur les voies publiques pour considérer que le projet de chambre funéraire présenté par M. X portait atteinte à l'ordre public ; qu'il ressort en l'espèce des pièces du dossier que les conditions de circulation et de stationnement aux abords de l'établissement projeté par le requérant, situé à l'intersection de voies sur lesquelles circulent de nombreux véhicules, était susceptible, eu égard au faible nombre de places de stationnement disponibles pour les convois funéraires, de constituer un risque sérieux pour la sécurité des usagers empruntant ces voies ; que M. X n'est dès lors pas fondé à soutenir que la décision litigieuse serait entachée d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation.“ Néanmoins, il apprécie strictement cette notion.

Ainsi, la cour administrative d’appel de Douai (CE, 3e et 8e sous-sections réunies, 6 mars 2014, no 357208, SCI C) ne pouvait limiter le nombre de salons d’une chambre funéraire, au motif de sa localisation apparemment trop proche d’un voisin. La cour aurait dû se fonder uniquement sur des considérations relevant de l’ordre public ou de la salubrité, ce qu’elle a omis de faire.

 


Maud Batut
Rédactrice en chef

 

 

La crémation : réflexions pastorales et liturgiques !

C’est au cours du XXe siècle, "lorsque la crémation ne parut plus relever exclusivement d’un rejet de l’espérance chrétienne", que l’Église catholique va assouplir sa sévérité à l’endroit de ce mode de funérailles, notamment par l’instruction du Saint-Office du 8 mai 1963. Or, à cette époque, la pratique crématiste représentait moins de un pour cent. Avec un taux actuel de trente pour cent et l’annonce, à l’aube de 2020, d’un décès sur deux concerné par ce mode opératoire, force est d’admettre que de nouvelles réflexions s’imposaient.

Publié par le Secrétariat général de la conférence des évêques de France, le document (coll. Documents Épiscopat, no 6/2014) intitulé "Accueillir et accompagner la pratique de la crémation – Évolutions en cours et réflexions liturgiques", établi sous la responsabilité de Mgr Bernard-Nicolas Aubertin, mérite de retenir l’attention pour plusieurs raisons.

D’abord parce que ce document (de belle facture) contient d’intéressants constats, notamment statistiques, sur les funérailles célébrées à l’Église ou hors de celle-ci, et surtout une analyse particulièrement stimulante des évolutions de la société concernant tant la conception du corps et sa survalorisation, que le regard sur la mort et la notion de "bien mourir". La naissance de rites autour de la crémation est également clairement évoquée ; le document relevant que désormais, au crématorium, il ne s’agit plus seulement d’un geste technique, mais a été mise en place (à partir de 1986 au Père-Lachaise) une cérémonie avec notamment recueillement, musique, paroles, gestes d’hommage…

De même, le défunt ne décédant qu’exceptionnellement à domicile, sont rappelées la "complexification des circuits funéraires" et la "simplification" que représente la réalisation d’une cérémonie au crématorium.

La diversité de la réponse de l’Église s’explique par le fait que la décision dépend de chaque diocèse. Souvent on y optera pour la présence (décidée et organisée) de l’Église au crématorium, dans le cadre d’un "partenariat" avec les professionnels du funéraire afin de rendre aux familles un réel service. Mais demeurent évidemment dans ce cadre des questions ou difficultés que le document ne tente pas de cacher et analyse objectivement. Par ailleurs, parfois, l’Église décide et motive son absence du crématorium.

Ensuite, ce document aborde l’intéressante question du corps du défunt dans la célébration des funérailles. S’y trouvent notamment évoquées les questions relatives à la dignité du corps dont témoigne le rituel, ainsi que la tonalité eucharistique des funérailles chrétiennes. Enfin, le document s’achève sur la problématique de la célébration au crématorium, en distinguant réflexions pastorales et réflexions liturgiques.

Cette réflexion menée par l’Église s’avère particulièrement intéressante et montre un réel questionnement sur sa situation dans un paysage funéraire nouveau. Il est notamment possible d’y trouver une approche de l’absence ou de l’insuffisance de rites autour de la crémation, carence qu’ont dénoncée, chacun à leur manière, Damien Le Guay et François Michaud-Nérard, dans leurs ouvrages parus en 2012. Ce questionnement est d’ailleurs particulièrement relayé, comme l’a montré, par exemple, l’intéressante journée d’étude sur les funérailles, organisée le 2 décembre dernier par la Faculté de droit canonique de l’Institut Catholique de Paris.


Maud Batut
Rédactrice en chef

 

Pour la préservation du repos ultime !

Les récentes profanations de sépultures ayant eu lieu en Alsace et en Normandie, et pour lesquelles, en tout cas pour celles perpétrées en Alsace, la confession juive des défunts semblerait, au dire du procureur de la République, le motif de ces actes ignobles, nous interpellent et nous rappellent l'efficience de notre droit à ce sujet.

Au-delà de la morale la plus élémentaire, le droit pénal trouvera à s’appliquer, puisque en effet l’art. 225-17 du Code pénal érige en délit ces comportements : "La violation ou la profanation, par quelque moyen que ce soit, de tombeaux, de sépultures, d'urnes cinéraires ou de monuments édifiés à la mémoire des morts est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende", tandis que l’art. 225-18 dispose que : "Lorsque les infractions définies à l'article précédent ont été commises en raison de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, des personnes décédées à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, les peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et à 45 000 € d'amende pour les infractions définies aux deux premiers alinéas de l'art. 225-17 et à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 € d'amende pour celles définies au dernier alinéa de cet article".

Car, même si les dépouilles ne sont pas profanées, les sépultures, comme d’ailleurs les monuments édifiés à la mémoire des morts, sont également protégés. Il convient de rappeler qu’il faudra attendre la loi du 3 février 2003 pour que cette circonstance aggravante de faits racistes, précocement appliquée au droit funéraire, soit généralisée à d’autres infractions ; soulignons aussi que tous les rapports sur le sujet pointent le fait que la quasi-totalité de ces profanations frappent les sépultures chrétiennes, même si le retentissement médiatique est plus fort lorsqu’elles touchent une autre religion, ce qui est évidemment compréhensible par la proportion des unes et des autres dans nos cimetières.

Nous relèverons qu’un rapport de 2008 des députés Flageolet et Poisson ("Du respect des morts à la mort du respect") souligne le fait que, lorsqu'elles sont commises par de jeunes adultes, c’est quasiment toujours en réunion, ce qui d’ailleurs ne constitue pas une infraction en l’espèce, et surtout qu’elles sont quasiment toujours des dégradations causées aux sépultures sans atteinte aux cadavres.

Enfin, il convient de préciser que cette infraction peut être constituée aussi pour des actes dont la gravité semble moindre, mais dont le juge retient la volonté de violer le respect dû aux morts ; il en va ainsi, par exemple, quand la famille détruit systématiquement les fleurs fraîches et les pots qui ont été déposés par la concubine du défunt (Crim. 8 février 1977, n° 76-92772).

Ainsi, les divisions des vivants ne doivent pas perturber le repos des défunts…

 

 


Maud Batut
Rédactrice en chef

 

Droit à inhumation…

L’actualité la plus récente a permis au grand public et aux médias de
(re)découvrir le caractère obligatoire du cimetière, et la compétence liée du maire quant au droit à inhumation. Ce sont bien entendu des épouvantables évènements terroristes qui ont endeuillé la France au mois de janvier qu’il s’agit. En effet, incidemment, s’est posée la question du devenir de la dépouille des trois assassins, dont on se doute bien que les communes à se mettre sur les rangs pour leur donner une sépulture ne furent pas légion. C’est là que le droit à inhumation affirmé par l’article L. 2223-3 du Code général des collectivités territoriales a pris de nouveau tout son sens : La sépulture dans un cimetière d'une commune est due :
1- Aux personnes décédées sur son territoire, quel que soit leur domicile ;
2- Aux personnes domiciliées sur son territoire, alors même qu'elles seraient décédées dans une autre commune ;
3- Aux personnes non domiciliées dans la commune, mais qui y ont droit à une sépulture de famille ;
4- Aux Français établis hors de France n'ayant pas une sépulture de famille dans la commune et qui sont inscrits sur la liste électorale de celle-ci.

On remarquera que la numérotation posée dans cet article induit qu’il existe un ordre de priorité. C’est donc tout naturellement la commune du lieu de décès qui doit offrir la sépulture en terrain commun, le maire y est obligé, sauf raison d’ordre public. Les familles disposant, elles, du choix parmi cet éventail de possibilités. Encore faut-il s’entendre sur ce qu’est le lieu de décès. En droit, ce ne peut être que le lieu où le décès a été constaté par la rédaction du certificat de décès par un médecin.

Dans une autre affaire récente, celle du bébé rom inhumé dans la commune de Champlan, il convient de noter, à l’instar de ce que Damien Dutrieux a fort bien expliqué (http://www.lagazettedescommunes.com/310059/bebe-rom-le-refus-dinhumer-nest-pas-une-faute/), que le décès ne fut pas constaté dans cette commune mais à Corbeil, et que de surcroît la famille résidait à Champlan, mais était domiciliée dans une autre ville dans les locaux du Secours Catholique. Le maire de Champlan pouvait donc légalement refuser l’inhumation.

Justement, c’est de Damien Dutrieux que je voudrais vous parler maintenant, il vient de connaître un sérieux problème de santé, qui l’éloignera de nos colonnes quelque temps, nous lui adressons à lui et à sa famille tous nos plus sincères vœux de rétablissement. C'est Philippe Dupuis, son ami et collègue, qui viendra pendant sa convalescence nous apporter son analyse de l’actualité juridique du droit funéraire.

 


Maud Batut
Rédactrice en chef

 

 
Première lecture…
 
Le Sénat vient d’adopter, le 27 mai dernier, en première lecture, la proposition de loi no 123, déposée par le sénateur Jean-Pierre Sueur et le groupe socialiste, visant à instaurer un schéma régional des crématoriums. L’adoption de ce texte doit retenir l’attention des professionnels non seulement quant à son contenu, mais encore au regard des informations qu’il permet de recueillir, notamment au travers du rapport élaboré par le sénateur Jean-René Lecerf.
 
Quelques chiffres
Outre le pourcentage de crémations réalisées en 2011 (32,15 %), les travaux parlementaires révèlent qu’aujourd’hui fonctionnent 167 crématoriums alors que 32 sont en projet. Si 17 départements métropolitains n’étaient pas pourvus d’un tel équipement en 2006, ils ne sont désormais plus que 4 (le Cantal, la Lozère, la Haute-Marne et le Territoire de Belfort). Par ailleurs, seules 52 intercommunalités (au sein desquelles figurent les communautés urbaines et les métropoles pour lesquelles la compétence est de droit) disposent de la compétence, cette dernière demeurant donc essentiellement communale. Si le rapporteur relève que ce dernier chiffre ne représente que 2,42 % des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (que sont les communautés de communes, d’agglomération, urbaines, et les métropoles), force est d’admettre qu’il est difficile de comprendre qu’une telle compétence demeure communale, alors qu’un crématorium concerne toujours les populations des communes avoisinantes. Seuls l’ignorance de la possibilité de transférer volontairement la compétence et le fréquent désintérêt des questions funéraires chez les élus semblent expliquer ce chiffre limité.
 
Des justifications
Les espoirs déçus expliquent le retour de cette question du schéma, présente dès 2005 dans une proposition de loi du sénateur Sueur, reprise en 2006 dans les recommandations du riche rapport des sénateurs Sueur et Lecerf, intitulé "Sérénité des vivants et respect des défunts" (Rapp. No 372, Sénat, 31 mai 2006, 104 p.). En effet, les parlementaires avaient écarté l’idée d’un schéma, considérant que, l’autorisation préfectorale étant accompagnée d’une enquête publique, elle permettrait nécessairement la répartition rationnelle des équipements sur notre territoire ; pour le dire autrement, les députés avaient jugé que cette procédure d’autorisation serait suffisante pour réguler harmonieusement les projets d’implantation de crématoriums ; or, de l’aveu même du sénateur Lecerf (rapport no 545, p. 13), la situation actuelle montre que cette espérance a été déçue, puisque, selon lui, "elle reposait peut-être sur une mauvaise appréciation de l’enquête publique, qui porte avant tout sur l’impact environnemental du projet et non pas sur son adéquation avec les besoins de la population en matière de crémation". 
Le constat est néanmoins des plus clairs pour les sénateurs Sueur et Lecerf ; il s’agit, par ce schéma régional, de régler les deux vices du système actuel, à savoir une offre inadaptée aux besoins et parfois plus coûteuse pour les citoyens, et, pour les collectivités, un risque financier avéré. Outre l’exemple de Roanne, où deux crématoriums sont situés à moins de 8 km l’un de l’autre, le rapport relève qu’en Moselle, les crématoriums de Sarrebourg et de Saint-Jean-Kourtzerode sont distants de moins de 20 km, alors qu’ils se trouvent dans une aire urbaine qui comptait moins de 40 000 habitants en 2010. De la même manière, moins de 15 km séparent les crématoriums de Beaurepaire et de Marcilloles, dans l’Isère, créés le premier en 2007 et le second en 2009, comme ceux, en Seine-et-Marne, de Saint-Soupplets et de Mareuil-lès-Meaux, ce dernier étant actuellement en construction.
 
Amendements
Parmi les modifications apportées à la proposition, sera relevée la consultation désormais prévue du Conseil national des opérations funéraires, qui, grâce à la commission, voit ici son rôle (voire son existence !) rappelée, alors même que le ministère de l’Intérieur n’en publie plus les rapports et ne répond pas à la question parlementaire du sénateur Sueur sur le non-respect du Code Général des Collectivités Territoriales en la matière. De même, les communes de plus de 2 000 habitants et les établissements publics de coopération intercommunale seront consultés sur le projet de schéma. Ce schéma, révisé tous les six ans (pour coïncider avec la durée des mandats locaux), devra être instauré dans les deux ans de la publication de la loi (sa première révision intervenant toutefois au bout de trois ans).
Si la diminution annoncée (!) du nombre des régions n’aura "a priori" aucun effet sur cette proposition, demeure un aléa important lié à l’inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale du texte adopté par le Sénat, alors que l’on se souvient du temps qu’il a fallu pour d’autres propositions relatives à la législation 
 
Maud Batut

Maud Batut 

Rédactrice en chef

La découverte du funéraire par les nouveaux maires

 

Madame ou Monsieur le Maire, nouvellement élu, si vous vous attendiez, avant d’entrer dans le combat électoral, à rencontrer certaines questions et difficultés à l’occasion de la fonction à laquelle vous pouvez être fier d’accéder, sans doute en est-il une à laquelle vous ne vous attendiez pas avec autant d’évidence : le funéraire.

La tradition française en matière de funérailles est en effet marquée par une forte publicisation, puisque, outre le service de l’état civil dont le maire est officier, après l’instauration du monopole communal des lieux d’inhumation au début du XIXe siècle, c’est encore aux communes que fut confié, sous la forme d’un monopole, le service extérieur des pompes funèbres (loi du 28 décembre 1904). Si ce dernier monopole a laissé la place à une libre concurrence entre opérateurs habilités avec l’adoption de la loi Sueur (loi du 8 janvier 1993), ce texte n’a nullement eu pour objet d’écarter de ce secteur les communes, qui peuvent, notamment, poursuivre l’exécution de ce service à destination des familles par le maintien ou l’organisation de régies, le recours à l’intercommunalité, voire l’économie mixte.

La mention expresse du caractère de service public du service des pompes funèbres ainsi que le caractère exclusivement public des cimetières viennent, s’il en était besoin, rappeler la place essentielle que doivent tenir les collectivités locales dans ce domaine, et semble indispensable l’émergence d’un véritable pôle public du funéraire, ce qui n’exclut d’ailleurs nullement la collaboration avec les professionnels du secteur privé, souvent particulièrement sensibles aux valeurs qui accompagnent le service apporté aux familles.

Il importe à cette fin que les élus locaux, et plus particulièrement les maires, soient sensibilisés aux nouveaux enjeux du secteur funéraire. Ce secteur est en effet l’objet de profondes mutations, qui tiennent tant à l’augmentation prévue du nombre annuel de décès et au développement de la crémation (alors que les parlementaires commencent à alerter les pouvoirs publics sur des questions techniques relatives à l’impossibilité d’accéder à ce service public pour des personnes atteintes d’obésité; Rép. min. no 19617, JOAN Q 11 mars 2014, p. 2405), qu’aux questions liées à l’urbanisation (et le problème de la place disponible pour recevoir des sépultures de plus en plus nombreuses), à la communautarisation (et les demandes de plus en plus nombreuses adressées aux maires pour que soient créés des carrés, voire des cimetières confessionnels) et à la précarisation (notamment en raison de l’obligation qui incombe aux communes de prendre financièrement en charge l’inhumation des personnes dépourvues de ressources suffisantes).

Outre l'aspect financier (le marché du funéraire représente aujourd’hui plusieurs milliards d’euros), il est essentiel d’appréhender les autres enjeux, qu’ils soient juridiques ou liés à la communication locale. Nombreuses sont les obligations juridiques qui s’imposent aux autorités locales concernant les pouvoirs de police du maire sur les funérailles et les lieux de sépulture, le service de l’état civil, la gestion des cimetières, la création et la gestion des crématoriums… Au sein de ces enjeux, le cimetière occupe une place importante. D’abord, cet espace public doit être totalement repensé afin de répondre aux attentes des familles, tant du point de vue des sépultures traditionnelles (et la nécessité de renverser la prédominance du minéral sur le végétal) que du développement de la crémation (il importe que le cimetière accueille les cendres par la création de sites cinéraires adaptés). Ensuite va s’imposer une redéfinition de ses fonctions. Le cimetière n’est pas seulement un lieu pour les morts, il est aussi un lieu pour les vivants. Les communes ont trop souvent tendance à ignorer l’importance de l’accueil du public, et la richesse de ce lieu en tant qu’espace du souvenir, de l’histoire, de la culture et de l’architecture. Cet élément du patrimoine communal est souvent insuffisamment valorisé.

Enfin, le cimetière et, de façon plus globale, le secteur funéraire doivent devenir un enjeu pour la communication locale. L'intérêt médiatique dont bénéficie ce secteur, notamment au moment de la Toussaint, ne peut être ignoré. Les initiatives locales n’auront aucune difficulté pour trouver un bon écho médiatique qui les valorisera, alors qu’à l’inverse, le caractère sacré des lieux de sépulture a pour conséquence que le désengagement et le désintéressement de la commune pour son cimetière, voire les dysfonctionnements éventuels, connaîtront souvent de graves conséquences en termes d’image.

Votre mandat vous permettra, Madame ou Monsieur le Maire, de comprendre aussi pourquoi c’est à la façon dont elle s’occupe de ses morts que l’on juge des hauts sentiments d’une société, tant l’humain et le vivant sont fondamentaux dans ses grandes missions de service public.

Maud Batut

Maud Batut 

Rédactrice en chef

 

La dignité est-elle à géométrie variable ?
 
À l’heure où ces quelques lignes s’écrivent, une autre "affaire", - une de plus, me direz-vous -, vient défrayer la chronique médiatique dominicale de ce 11 mai. Une défunte reposant en chambre funéraire se fait dépouiller de quelques valeurs. Acte sordide s’il en est. Transférée à titre conservatoire dans une seconde chambre funéraire, une nouvelle violation sera réalisée quelques heures après. Le degré zéro de l’indécence est atteint.
 
Hasard ou acharnement ? L’enquête le dira.
 
Le respect et la dignité pour les personnes défuntes sont des devoirs fondateurs de notre humanité. Ces valeurs ne sont pas à géométrie variable, et selon le philosophe Paul Ricœur, cette notion de dignité renvoie à l’idée que "quelque chose est dû à l'être humain du fait qu'il est humain".
 
Apparemment, ce n’est pas compris par tout le monde.
 
Un petit rappel s’impose donc : le Conseil constitutionnel a élevé la dignité au rang de "principe à valeur constitutionnelle" au sujet de la loi dite "de bioéthique". La dignité est donc considérée comme partie intégrante des droits de la personnalité, qui sont, est-il besoin de le souligner, inaliénables.
 
La dignité est un devoir moral et une nécessité impérieuse. Kant, dans sa "Critique de la raison pratique", accorde ce concept à tout homme en tant que "qu’être raisonnable". Une nouvelle fois, on est en droit de se demander ce qui anime les individus se livrant à de tels actes répréhensibles, ou ceux qui, se prétendant spécialistes du funéraire, exercent leur profession de manière dévoyée, oubliant que la dignité en est la clé de voûte.
 
Mais, sommes-nous toujours dans le domaine du raisonnable ?
 
La dignité n’est pas un quelconque argument publicitaire de façade, elle ne s’applique pas au chronomètre de façon empirique pendant les heures d’ouverture et selon l’humeur du moment. La dignité est un état d’esprit, et pour ce qui est des métiers du funéraire, une réelle vocation professionnelle, la pierre angulaire de notre édifice. 
 
Aussi, il est triste, mais de notre devoir, de rappeler à l’ordre celles et ceux qui, personnellement ou professionnellement, semblent s’en affranchir pour des motivations variées. Il en va de la représentation de notre profession, de son image globale, de notre éthique d’accompagnants de familles en deuil.
 
Si la dignité est un état d’esprit, sa flamme s’entretient notamment par la sélection, l’apprentissage et la formation continue des dirigeants et des personnels. Honnêteté et probité, respect et dignité, accompagnement et loyauté, tels sont les mots qui guident nos quotidiens. 
Quand - ils - marchent dans la vallée de l’ombre de la mort, ils ne craignent aucun mal, car nous sommes les garants de leur dignité.
 
C’est notre devoir premier.
 
Maud Batut

Maud Batut 

Rédactrice en chef

L’obstacle constitutionnel !

 

Chacun se souvient du stratagème de Fauchelevent, afin de faire sortir Jean Valjean du couvent pour mieux l’y faire rentrer par la suite. Sortir dans un cercueil le corps de celui qu’il appelait M. Madeleine, alors qu’à la demande de la révérende mère le droit résultant du décret du 23 prairial an XII était délibérément violé, puisque la défunte - mère Crucifixion - allait être inhumée dans la chapelle. On se rappelle le dialogue entre la religieuse et le vieux Fauchelevent (Partie 2, livre 8, chapitre 3) :

  • Vous lèverez la pierre avec la barre au moyen de l’anneau.
  • Mais...
  • Il faut obéir aux morts. Être enterrée dans le caveau sous l’autel de la chapelle, ne point aller en sol profane, rester morte là où elle a prié vivante ; ç’a été le vœu suprême de la mère Crucifixion. Elle nous l’a demandé, c’est-à-dire commandé.
  • Mais c’est défendu.
  • Défendu par les hommes, ordonné par Dieu.

Dans le roman "Les Misérables" de Victor Hugo, le “héros“ Jean Valjean doit, en quelque sorte, son "salut" - et quelques années de répit aux poursuites de Javert - au conflit entre législation funéraire et convictions religieuses.

Si l’interdit ainsi bravé existe toujours (c’est l’art. L. 2223-10 du Code général des collectivités territoriales), la question des rapports entre le droit funéraire et la religion et, plus précisément, celui entre le droit des sépultures et les convictions religieuses des défunts perdure. La volonté de "ne point aller en sol profane" n’a pas réellement disparu. Si "aucune inhumation ne peut avoir lieu dans les églises, temples, synagogues, hôpitaux, chapelles publiques, et généralement dans aucun des édifices clos et fermés où les citoyens se réunissent pour la célébration de leurs cultes, ni dans l'enceinte des villes et bourgs", les demandes de respect des rites religieux visant au regroupement, dans les cimetières, des défunts et à l’orientation des tombes ne doivent-elles pas recevoir une réponse favorable, à laquelle le ministre de l’Intérieur invite les maires des plus clairement ?

Quel est donc le problème, alors que se multiplient rapports et circulaires qui, étonnamment, tendent tous vers la même réponse positive ?

L’obstacle - semble-t-il purement juridique - résiderait dans le principe constitutionnel de laïcité. Dès lors que la laïcité est affirmée par la norme située au sommet de l’ordre juridique français, les autorités ne peuvent distinguer entre les religions d’une part, et, d’autre part, entre la religion et l’absence de religion. La laïcité n’est pas, en droit français, l’absence de religieux, mais l’acceptation de l’ensemble des religions et de ceux qui refusent la religion.

Même si comparaison n’est pas raison, c’est ce même obstacle constitutionnel qui a dû être levé, lorsqu’il s’est agi de mettre en place une parité électorale, qui va notamment s’exprimer dans toutes les communes de 1000 habitants et plus aux prochaines élections municipales, et, aux élections des conseils départementaux, où les candidats se présenteront sous forme d’un binôme "homme-femme". Si l’égalité des sexes est proclamée dans la Constitution, il est interdit d’exiger un pourcentage de représentativité pour un sexe, sauf si la Constitution, modifiée en juin 1999, permet expressément ce que les Anglo-Saxons appellent "la discrimination positive" (voir l’alinéa 2 de l’art. 1er de notre Constitution).

À l’instar de l’égalité de sexes avant 1999, la consécration constitutionnelle de la laïcité interdit donc la distinction. Légiférer sur les carrés confessionnels implique alors de réviser préalablement la Constitution, obstacle qu’avaient rencontré dans leurs travaux les sénateurs Jean-Pierre Sueur et Jean-René Lecerf à l’occasion de leur important rapport en 2005.

Ces éléments expliquent la particularité des règles entourant les relations entre religion et sépulture, auxquelles nous avons consacré un dossier spécial "Laïcité et sépultures : aspects juridiques".

 

Maud Batut

Maud Batut 

Rédactrice en chef

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sites cinéraires : une obligation pour les unes et une nécessité pour les autres.

Initiatives parlementaires

 

Le 27 janvier dernier, sur le site Internet du sénateur Jean-Pierre Sueur 1, président de la commission des lois du Sénat, étaient publiées, sous le titre “Droit funéraire : deux nouvelles avancées“, les informations suivantes :
“À l’occasion du débat sur la simplification du droit, Jean-Pierre Sueur a inspiré et soutenu deux amendements du rapporteur, Thani Mohamed Soilihi.
- Le premier redéfinit les contrôles nécessaires lors de la fermeture des cercueils et permet que ces formalités soient faites par l’entreprise habilitée en présence de la famille ou par des agents de police ou gardes champêtres sous l’autorité du maire.
- Le second précise les conditions dans lesquelles toutes les entreprises habilitées devront déposer des devis conformes aux devis modèles définis par arrêté du ministre de l’Intérieur dans les communes où elles ont un siège et dans les communes de plus de 5 000 habitants du même département.
Le texte doit maintenant être examiné par l’Assemblée nationale“.
S’il n’est nul besoin de saluer chez Jean-Pierre Sueur son opiniâtreté en matière funéraire - qu’il a rappelée d’ailleurs au cours des débats de la séance du 23 janvier dernier devant la Chambre haute du Parlement évoquant les deux années nécessaires pour que sa proposition de loi soit adoptée en 2008 - force est d’admettre que les familles, comme les professionnels du funéraire, trouvent chez lui un écho favorable pour le règlement de difficultés concrètes rencontrées (est-il besoin de citer le cas de la restitution des corps après autopsie ?). Après le grand progrès que fut la simplification de la surveillance des opérations funéraires dans la loi du 19 décembre 2008, la proposition de simplification - qui, pour le Gouvernement, ne semble que viser à recentrer les forces de police sur leurs missions traditionnelles - va nécessairement dans le bon sens, dès lors qu’il n’y aura contrôle par la police qu’en cas de crémation. En effet, d’une part, il importe pour les sénateurs qu’il n’y ait plus de contrôle par la police en cas d’exhumation, et que, d’autre part, lorsque le corps est transporté d'une commune à une autre commune, ce soit l’entreprise qui soit chargée de procéder à la fermeture et au scellement du cercueil en présence de deux membres de la famille ou, en cas d'impossibilité ou d'absence de membres de la famille, d'un agent de police ou d'un garde champêtre, placés sous la responsabilité du maire. Parce qu’elle valorise la fonction de l’opérateur et qu’elle simplifie les choses pour les familles, cette proposition devrait recevoir un bon accueil.
Néanmoins, la lecture des débats parlementaires est troublante, en ce sens qu’est rappelé à juste titre que l’opérateur devra être habilité et que cela implique un contrôle efficace de l’habilitation par les préfectures. Or, l’inertie de certaines d’entre elles, face à la dénonciation des dérives parfois observées, pose toutefois de sérieuses questions sur la volonté de “l’exécutif“ (le préfet représente, avant tout le Gouvernement et les ministres dans le département) de donner un sens à cette habilitation.
Concernant la seconde proposition, il est possible d’être plus dubitatif. L’idée est loin d’être mauvaise, et, comme l’avaient observé deux universitaires de la faculté de droit de Poitiers - Emmanuel Aubin et Isabelle Savarit-Bourgeois - commentant la loi du 19 décembre 2008, il s’agissait alors de distinguer la compétence du ministre d’établir les modèles des devis, et de confier aux maires le soin de définir les modalités de consultation des devis types élaborés par les opérateurs funéraires. Néanmoins, on sait que les devis types attendus ne furent pas ceux livrés (n’a été publié finalement qu’un modèle…) et l’on s’interroge encore sur la bonne compréhension de la volonté du législateur par le ministre au regard de l’arrêté adopté (arrêté du 23 août 2010, JO du 31 août 2010).
De quoi parle-t-on finalement ? S’agit-il de permettre à des usagers de ce service public des pompes funèbres de connaître les propositions des entreprises en trouvant dans les mairies - un lieu neutre où l’information peut être obtenue - ou d’obéir à des impératifs relatifs à l’information sur les prix (c’est-à-dire l’objet de l’arrêté du 11 janvier 1999) ? Le texte est clair : imposer le dépôt des devis types par les entreprises ; mais ne convient-il pas d’abord de s’assurer que lesdits modèles seront effectivement proposés ? Si la volonté du législateur mérite effectivement la discussion et le débat, la volonté du Gouvernement d’accompagner efficacement les textes adoptés demeure malheureusement souvent la triste inconnue… Ensuite, il est possible de poser une fois de plus une question toujours négligée : alors que 70 % des décès ont lieu en milieu médicalisé, la mairie est-elle vraiment le lieu le plus propice à la délivrance d’une information aux familles ?
Enfin, et même si une telle question peut surprendre, quelles sanctions ? Contre l’opérateur qui ne déposera pas ses devis, on imagine que les sanctions liées au système de l’habilitation pourraient être utilisées… mais, outre une réelle volonté préfectorale, les textes le permettent-ils réellement ? Et, surtout, quelle sanction contre l’opérateur qui présentant les devis les plus “intéressants“ ne disposera plus, pas ou jamais des produits présents dans lesdits devis ?

 

 

 

 

Maud Batut

Maud Batut 

Rédactrice en chef

Schéma départemental ou régional des crématoriums : une nécessité ?

 

Dans le cadre d’une proposition de loi, déposée par le sénateur Jean-Pierre Sueur et plusieurs de ses collègues, et enregistrée sur le bureau du Sénat le 7 juillet 2005, était prévu un art. 8 visant à la création d’un "schéma départemental des crématoriums" arrêté conjointement par le préfet et le président du conseil général après avis de la commission départementale compétente en matière d’environnement, de risques sanitaires et technologiques. Cette initiative sera d’ailleurs reprise dans la proposition à l’origine de la loi du 19 déc. 2008, le schéma étant entre-temps devenu "régional".

Cette proposition semblait, comme le rappellera l’important rapport de
MM. les sénateurs Sueur et Lecerf (Bilan et perspectives de la législation funéraire - Sérénité des vivants et respect des défunts, n° 372, Sénat 31 mai 2006), avoir pour origine indirecte les tristes constats du professeur Dominique Lecomte dans son rapport sur les décès massifs lors de la canicule de 2003, qui proposait notamment d’élaborer un schéma départemental de recensement annuel des moyens funéraires (zones de dépôt, moyens de transport des corps, cimetières, crématoriums...). Si l’on comprend la nécessité d’un recensement en cas de période de crise et celle d’être en mesure de mobiliser les équipements disponibles, la proposition d’établir un schéma paraissait également répondre à un autre impératif visant une certaine forme de "rationalité" dans le choix de créer de nouveaux équipements. Il s’agissait en effet de s’assurer d’une répartition équilibrée des équipements sur l’ensemble du territoire d’une part, et, d’autre part, d’éviter - alors que la responsabilité demeure publique dans le cadre d’un monopole - que des décisions mal étudiées viennent fragiliser les importants investissements propres à de tels équipements, tant concernant le crématorium créé que celui ou ceux situés à proximité.

Pour le dire autrement, il convient d’éviter la création de crématoriums trop proches les uns des autres et n’atteignant pas un seuil de rentabilité suffisant, les crématoriums étant d’autant plus coûteux qu’ils sont désormais soumis à de nouvelles contraintes environnementales en matière de filtration.

On sait qu’à l’initiative du rapporteur devant l’Assemblée nationale, le député Philippe Gosselin, l’idée d’un schéma sera abandonnée. En effet, si ce parlementaire partageait le constat d’une nécessaire rationalisation des conditions de création des crématoriums, il considérait cependant que la loi en vigueur permettait déjà d’éviter les dérives en soumettant leur création à enquête publique. Ainsi, selon lui, plutôt que d’instaurer un schéma régional des crématoriums, avec une longue procédure d’élaboration et de consultation, il semblait préférable de mieux appliquer les instruments juridiques disponibles comme, par exemple, inciter les préfets, par voie de circulaire, à mener des enquêtes publiques plus approfondies pour contrôler l’opportunité de la création d’un nouvel équipement.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Est-on certain que l’enquête publique permet de régler ces difficultés et se trouve susceptible d’éviter un choix finalement dispendieux pour les collectivités publiques ? Alors que certains professionnels constatent la nécessité d’un tel schéma, d’autres paraissent plus sceptiques, s’interrogeant à juste titre sur la pertinence d’un échelon administratif (département ou région), alors qu’un crématorium créé dans une région peut indubitablement provoquer un déséquilibre dans l’exploitation d’un équipement situé dans la région voisine.

On laisse entendre que de nouvelles propositions en matière funéraire devraient voir le jour prochainement au Sénat… Peut-être l’occasion sera donnée de traiter cette importante question visant un équipement qui, au regard des statistiques, s’avère essentiel au respect de la volonté des défunts et de leurs familles.

 

 

 

 

 

 

 

Maud Batut
Rédactrice en chef  

Vingt ans : la maturité ?
 

La loi n° 93-23 du 8 janvier 1993, modifiant le titre VI du livre III du Code des communes et relative à la législation dans le domaine funéraire, dite loi Sueur - à l’époque secrétaire d’État aux collectivités locales, M. Sueur est aujourd’hui président de la commission des lois du Sénat - a créé, il y a désormais vingt années, les conditions d’une libre concurrence entre opérateurs habilités sur l’ensemble du territoire. L’effectivité de cette liberté a néanmoins été reportée au 10 janvier 1998, date de la fin de la seconde période transitoire (la première - de deux années - visait les concessions [ancêtres des délégations de service public] accordées par les communes) prévue par le législateur pour les régies communales.

Était ainsi abandonné un monopole qui, en pratique, n’était d’ailleurs plus respecté sous l’influence du droit de l’Union européenne et de la violation qu’il constituait aux principes de la libre concurrence, comme le consacrera plus tard le Conseil d’État (CE, Sect., 3 nov. 1997, Sté Million et Marais).

 

Si le service extérieur des pompes funèbres devient un service public industriel et commercial, pour l’exercice duquel existe une libre concurrence entre les régies, associations et entreprises titulaires d’une habilitation délivrée par le préfet, le texte vise également à mieux organiser la profession par une nouvelle exigence en termes de formation, exigence qui permettra, quinze années plus tard, de poser les bases d’un diplôme national ayant nécessairement pour vertu de valoriser la profession. Un service public mieux défini, des monopoles abandonnés (pour le service des pompes funèbres mais également des chambres funéraires), un principe de neutralité clairement posé, une distinction nette avec le service public hospitalier (notamment par la distinction claire entre chambres mortuaire et funéraire), des bases permettant - par l’institution d’un nouveau monopole - d’instituer un service public de la crémation… les apports de cette réforme fondamentale de 1993 sont indubitablement remarquables.

 

Néanmoins, avec un recul de vingt années, peut-être conviendrait-il de dresser un inventaire et de s’interroger sur les problèmes non encore réglés… Si la publication d’une récente circulaire, reproduite dans cette édition, rappelle la volonté du législateur de permettre aux communes de mettre à la disposition des familles des devis types et les difficultés des pouvoirs publics à régler des questions pourtant importantes en termes de normalisation et de consommation, il demeure que certaines difficultés restent entières. Ainsi, comme l’a relevé récemment un opérateur (F. Michaud Nérard, “Une révolution rituelle - Accompagner la crémation“, Les éditions de l’atelier 2012, p. 145), pourquoi n’existe-t-il toujours pas de schémas régionaux d’implantation des crématoriums assurant une rationalisation des investissements et l’égal accès au service public de la crémation, alors que le chiffre des crémations en France d’un décès sur trois semble sur le point d’être atteint ? De même, comment se préserver - plutôt que la ralentir comme en 2004 – de l’emprise des banques et assurances sur ce secteur par la commercialisation de la prévoyance obsèques ? Enfin, last but not least, pourquoi la direction générale des collectivités locales, qui est censée assurer son secrétariat (CGCT, art. R. 1241-7), paraît-elle se désintéresser du Conseil National des Opérations Funéraires ? Le ministère de l’Intérieur n’obéit en effet même plus aux obligations imposées en la matière par l’art. L. 1241-1 du Code Général des Collectivités Territoriales, concernant la publication de son rapport, qui selon le législateur devait être publié tous les deux ans depuis 1993.

 

 

 

maud-edito

Maud Batut
Rédactrice en chef

Qu’y a-t-il dans une urne cinéraire ?

 

La récente actualité bibliographique démontre, s’il en était besoin, que la crémation et les cendres demeurent au cœur des préoccupations du juriste, du philosophe, du professionnel de la pompe funèbre et même du théologien. Qu’il s’agisse des ouvrages de Colette Saujot (La mort : notre destin, L’Harmattan [ouvrage dont le sujet dépasse cependant la seule crémation pour étudier sous l’angle juridique également le corps et la sépulture]), de Damien Le Guay (La Mort en cendres, Cerf), de François Michaud-Nérard (Une révolution rituelle, Les éditions de l’atelier) ou de Piotr Kuberski (Le christianisme et la crémation, Cerf), la crémation est au centre de riches et pertinentes réflexions. Cette pratique de la crémation, qualifiée de double “révolution“ par M. Le Guay (“le corps en cendre et les urnes en mobilité“), amène un défunt - dont les restes sont réduits à l’état de cendres - à l’état d’un “sans domicile fixe“, pour reprendre l’expression du professeur Xavier Labbée, à l’opposé de la dépouille inhumée pour un repos éternel (À la différence des personnes inhumées qui ont, en quelque sorte, une perpétuelle demeure fixe (comme le droit immobilier dont elles font l’objet) les personnes incinérées seraient les “sans domicile fixe“ de l’éternité, n’ayant choisi par définition de ne laisser trace de leur passage terrestre que dans les cœurs et les esprits, sans qu’aucune matérialisation charnelle ne persiste“ : Les Petites Affiches 27 janvier 1999). Or, même si le corps est effectivement réduit à l’état de cendres, si le cadavre a été escamoté selon François Michaud-Nérard, il existe bien un élément matériel, l’urne cinéraire, protégée depuis la loi du 19 décembre 2008, tant par le droit pénal que par le droit civil.

 

Mais qu’est-ce qu’une urne cinéraire et, surtout, qu’y a-t-il dans une urne cinéraire ?

Le droit funéraire entretient une certaine ambiguïté autour du mot “urne“, assurément polysémique. Il semble simplement exister une confusion entre les termes “cendrier“ et “urne“. Le cendrier, en effet, est destiné à recevoir les cendres d’un défunt après l’opération de crémation. Cependant, les textes dénomment “urne“ ce qui est le “cendrier“, qui sera ensuite introduit dans une enveloppe dénommée également en pratique “urne“ et qui est acquise par la famille auprès d’un opérateur funéraire. Quand les textes prévoient que le gestionnaire du crématorium fournit l’urne, il s’agit bien du cendrier et non de l’enveloppe accueillant ce dernier. D’ailleurs, les nouvelles obligations issues de la loi précitée de 2008 imposent indubitablement, si le cendrier fourni par la famille est d’un volume insuffisant pour recevoir l’intégralité des cendres, que le “reliquat“ soit fourni dans une “urne“, c’est-à-dire un cendrier supplémentaire.

 

Que contient cette urne ?

Une fois encore, il importe de ne pas se tromper ; les éléments métalliques (clous, vis et autres agrafes du cercueil, mais également prothèses du défunt) sont récupérés, et les éléments organiques, ainsi que les cendres du cercueil, ne produisent que très peu de restes. Les cendres contenues dans une urne ne sont que le produit d’ossements broyés, à l’issue de la crémation les calcius sont en effet réduits en cendres (c’est d’ailleurs pourquoi la crémation d’enfants sans vie ou de jeunes enfants est souvent déconseillée, puisque cette opération ne produit pas de cendres…). Comme le rappelle François Michaud-Nérard, “c’est une sorte de sable grossier assez blanc dont le volume est très limité par rapport aux ossements, puisque l’ensemble tient généralement dans un réceptacle de deux à trois litres“, et, “les cendres sont composées essentiellement des sels minéraux qui confèrent aux os leur solidité et leur rigidité“. Dans l’urne, il s’agit donc bien du défunt, et non de ce qui reste du cercueil ou de ses effets personnels.

 

 

maud-edito

Maud Batut
Rédactrice en chef

Rassembler pour avancer

 

Le secteur du funéraire est, depuis 1993, un secteur concurrentiel avec actuellement près de 3 000 entreprises pour un volume limité de décès.

Au-delà des dissensions qui peuvent exister entre opérateurs et qui sont la conséquence naturelle de cette situation concurrentielle, toutes les entreprises funéraires exercent le même métier et rencontrent les mêmes difficultés dans l’exercice de leur activité funéraire. 

 

Le rôle des syndicats professionnels consiste à proposer des solutions et à convaincre les pouvoirs publics de la nécessité de faire évoluer certaines dispositions réglementaires ou législatives qui posent problème à la profession comme aux consommateurs que sont les familles.

 

Notre rôle consiste également à défendre notre métier, un métier pas comme les autres au service des autres, un métier difficile et parfois mal aimé, en recherche de reconnaissance sociale. C’est ce que fait la Confédération des Professionnels du Funéraire et de la Marbrerie (CPFM) depuis des années. 

 

Parmi les résultats obtenus, on peut citer : la simplification administrative des opérations funéraires (avec, par exemple, la suppression des contrôles et autorisations sur les transports avant mise en bière), le maintien de l’examen pratique de thanatopraxie (que le ministère de la Santé envisageait de supprimer), la création de diplômes funéraires et bien d’autres choses encore…

 

Au-delà du travail propre à chacun d'eux, il faut noter la volonté réelle des trois syndicats d’opérateurs, représentatifs de la profession, de se concerter pour rechercher une stratégie commune et élaborer des textes en commun. Ce qui a été le cas, l’année dernière, pour les diplômes funéraires puisque les trois fédérations ont travaillé ensemble au cours de plusieurs rencontres afin de présenter, au Conseil National des Opérations Funéraires (CNOF), une position commune sur les textes concernant ces diplômes. 

Faire du syndicalisme :

  • C’est être positif et construire l’avenir de la profession en proposant les évolutions nécessaires, mais ce n'est pas critiquer ce qui a été fait par d'autres quand on n'a, soi-même, rien fait au moment où il fallait agir.
  • C’est donner une image positive et valorisante de son métier.
  • C’est être fier de représenter et de défendre un métier, mais ce n'est pas dénigrer sa propre profession vis-à-vis des pouvoirs publics, des médias et des politiques.
  • C’est défendre un intérêt commun au-delà des intérêts personnels.

 

 

 

 Nelly-ChevalierRossignol

Nelly Chevallier-Rossignol

Déléguée Générale de la CPFM


 

 

maud-edito

Maud Batut
Rédactrice en chef

Respect dû aux morts ou mort du respect ?

 

Pour qui s’intéresse à la signification de cette expression de “respect dû aux morts“, il va tout d’abord s’agir de la retrouver, ainsi que sa sanction, au sein du droit pénal. Délit étonnamment placé dans la partie du Code pénal relative aux atteintes à la personne humaine - alors que le cadavre connaît la particularité de ne plus être, pour le juriste, une personne - les atteintes au respect dû aux morts figurent par surcroît dans un chapitre consacré aux atteintes à la dignité de la personne. Ainsi, la dignité de l’être humain n’est pas liée à la disparition de la vie, que celle-ci soit physique ou juridique. 

Il convient toutefois de comprendre la particularité du contexte de l’élaboration de ces textes dans le nouveau Code pénal de 1992 - entré en vigueur en 1994 - en cours de rédaction alors qu’étaient intervenues en 1990 de graves profanations de sépultures. On se souvient notamment des actes de vandalisme particulièrement choquants dans le cimetière de Carpentras - la destruction de trente-quatre stèles, l’exhumation et la mutilation d’un cadavre en raison de sa religion. 

Loin de disparaître, les profanations semblent se multiplier, comme l’ont constaté les parlementaires A. Flajolet et J.-F. Poisson dans leur rapport du 11 décembre 2008 - justement dénommé “Du respect des morts à la mort du respect ?“ - la question du respect ne cesse donc de se poser.

C’est ensuite au sein du droit civil, et précisément parmi les dispositions, après l’article 16 du Code civil, nées de la célèbre loi bioéthique - et modifiées en 2008 pour donner un statut civil aux cendres - qu’il conviendra de retrouver cet indispensable respect, à travers les termes de dignité et décence avec lesquelles doivent être traitées les dépouilles, y compris celles réduites en cendres à l’issue d’une crémation. Une thèse a été soutenue, il y a cinq ans, à la faculté de droit de Lille, assimilant notamment le cadavre à une chose “sacrée“.

Jamais cette obligation impérieuse de respect ne doit cesser ! Et c’est d’ailleurs ce que considère la chambre criminelle de la Cour de cassation, n’hésitant pas à condamner, le 25 octobre 2000, des fossoyeurs municipaux qui, il est vrai, à l’occasion d’exhumations administratives, avaient été surpris à sauter sur des cercueils ou à les forcer avec un instrument, pour y prendre des bijoux ou des dents en or (il s’agissait de corps inhumés depuis plus de cinquante ans).

Et pourtant, la gestion de certains cimetières ne laisse d’étonner, voire de choquer, lorsque se rencontrent des reventes de sépultures, alors même que les dépouilles inhumées dans celles-ci n’ont pas été exhumées, malgré l’obligation qui s’impose en la matière à l’autorité communale. C’est pourquoi les activités de fossoyage se trouvent souvent au centre de réelles difficultés. Lorsqu’il s’agit d’appréhender des pratiques qui oscillent entre négligence et incurie, la sévérité s’impose. Elles provoquent, cela s’est vérifié il y a peu, les foudres du Parquet, l’intérêt des médias et l’effroi du quidam… 

Si l’entrepreneur de pompes funèbres doit comprendre la nécessité - selon les moyens dont il dispose mais sans considérer la mission comme a priori impossible - de vérifier les modalités d’exécution des ordres donnés à ses employés, force est d’admettre que les autorités communales -  certes également en adéquation avec les moyens dont elles disposent – conservent aussi une responsabilité dans la surveillance du cimetière de façon à garantir la paix des morts… 

C’est également ainsi que sera assuré le respect du cadavre…


 

 

maud-edito

Maud Batut
Rédactrice en chef

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations