La loi n° 93-23 du 8 janvier 1993, modifiant le titre VI du livre III du Code des communes et relative à la législation dans le domaine funéraire, dite loi Sueur - à l’époque secrétaire d’État aux collectivités locales, M. Sueur est aujourd’hui président de la commission des lois du Sénat - a créé, il y a désormais vingt années, les conditions d’une libre concurrence entre opérateurs habilités sur l’ensemble du territoire. L’effectivité de cette liberté a néanmoins été reportée au 10 janvier 1998, date de la fin de la seconde période transitoire (la première - de deux années - visait les concessions [ancêtres des délégations de service public] accordées par les communes) prévue par le législateur pour les régies communales.
Était ainsi abandonné un monopole qui, en pratique, n’était d’ailleurs plus respecté sous l’influence du droit de l’Union européenne et de la violation qu’il constituait aux principes de la libre concurrence, comme le consacrera plus tard le Conseil d’État (CE, Sect., 3 nov. 1997, Sté Million et Marais).
Si le service extérieur des pompes funèbres devient un service public industriel et commercial, pour l’exercice duquel existe une libre concurrence entre les régies, associations et entreprises titulaires d’une habilitation délivrée par le préfet, le texte vise également à mieux organiser la profession par une nouvelle exigence en termes de formation, exigence qui permettra, quinze années plus tard, de poser les bases d’un diplôme national ayant nécessairement pour vertu de valoriser la profession. Un service public mieux défini, des monopoles abandonnés (pour le service des pompes funèbres mais également des chambres funéraires), un principe de neutralité clairement posé, une distinction nette avec le service public hospitalier (notamment par la distinction claire entre chambres mortuaire et funéraire), des bases permettant - par l’institution d’un nouveau monopole - d’instituer un service public de la crémation… les apports de cette réforme fondamentale de 1993 sont indubitablement remarquables.
Néanmoins, avec un recul de vingt années, peut-être conviendrait-il de dresser un inventaire et de s’interroger sur les problèmes non encore réglés… Si la publication d’une récente circulaire, reproduite dans cette édition, rappelle la volonté du législateur de permettre aux communes de mettre à la disposition des familles des devis types et les difficultés des pouvoirs publics à régler des questions pourtant importantes en termes de normalisation et de consommation, il demeure que certaines difficultés restent entières. Ainsi, comme l’a relevé récemment un opérateur (F. Michaud Nérard, “Une révolution rituelle - Accompagner la crémation“, Les éditions de l’atelier 2012, p. 145), pourquoi n’existe-t-il toujours pas de schémas régionaux d’implantation des crématoriums assurant une rationalisation des investissements et l’égal accès au service public de la crémation, alors que le chiffre des crémations en France d’un décès sur trois semble sur le point d’être atteint ? De même, comment se préserver - plutôt que la ralentir comme en 2004 – de l’emprise des banques et assurances sur ce secteur par la commercialisation de la prévoyance obsèques ? Enfin, last but not least, pourquoi la direction générale des collectivités locales, qui est censée assurer son secrétariat (CGCT, art. R. 1241-7), paraît-elle se désintéresser du Conseil National des Opérations Funéraires ? Le ministère de l’Intérieur n’obéit en effet même plus aux obligations imposées en la matière par l’art. L. 1241-1 du Code Général des Collectivités Territoriales, concernant la publication de son rapport, qui selon le législateur devait être publié tous les deux ans depuis 1993.
Maud Batut
Rédactrice en chef
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