La découverte du funéraire par les nouveaux maires
La tradition française en matière de funérailles est en effet marquée par une forte publicisation, puisque, outre le service de l’état civil dont le maire est officier, après l’instauration du monopole communal des lieux d’inhumation au début du XIXe siècle, c’est encore aux communes que fut confié, sous la forme d’un monopole, le service extérieur des pompes funèbres (loi du 28 décembre 1904). Si ce dernier monopole a laissé la place à une libre concurrence entre opérateurs habilités avec l’adoption de la loi Sueur (loi du 8 janvier 1993), ce texte n’a nullement eu pour objet d’écarter de ce secteur les communes, qui peuvent, notamment, poursuivre l’exécution de ce service à destination des familles par le maintien ou l’organisation de régies, le recours à l’intercommunalité, voire l’économie mixte.
La mention expresse du caractère de service public du service des pompes funèbres ainsi que le caractère exclusivement public des cimetières viennent, s’il en était besoin, rappeler la place essentielle que doivent tenir les collectivités locales dans ce domaine, et semble indispensable l’émergence d’un véritable pôle public du funéraire, ce qui n’exclut d’ailleurs nullement la collaboration avec les professionnels du secteur privé, souvent particulièrement sensibles aux valeurs qui accompagnent le service apporté aux familles.
Il importe à cette fin que les élus locaux, et plus particulièrement les maires, soient sensibilisés aux nouveaux enjeux du secteur funéraire. Ce secteur est en effet l’objet de profondes mutations, qui tiennent tant à l’augmentation prévue du nombre annuel de décès et au développement de la crémation (alors que les parlementaires commencent à alerter les pouvoirs publics sur des questions techniques relatives à l’impossibilité d’accéder à ce service public pour des personnes atteintes d’obésité; Rép. min. no 19617, JOAN Q 11 mars 2014, p. 2405), qu’aux questions liées à l’urbanisation (et le problème de la place disponible pour recevoir des sépultures de plus en plus nombreuses), à la communautarisation (et les demandes de plus en plus nombreuses adressées aux maires pour que soient créés des carrés, voire des cimetières confessionnels) et à la précarisation (notamment en raison de l’obligation qui incombe aux communes de prendre financièrement en charge l’inhumation des personnes dépourvues de ressources suffisantes).
Outre l'aspect financier (le marché du funéraire représente aujourd’hui plusieurs milliards d’euros), il est essentiel d’appréhender les autres enjeux, qu’ils soient juridiques ou liés à la communication locale. Nombreuses sont les obligations juridiques qui s’imposent aux autorités locales concernant les pouvoirs de police du maire sur les funérailles et les lieux de sépulture, le service de l’état civil, la gestion des cimetières, la création et la gestion des crématoriums… Au sein de ces enjeux, le cimetière occupe une place importante. D’abord, cet espace public doit être totalement repensé afin de répondre aux attentes des familles, tant du point de vue des sépultures traditionnelles (et la nécessité de renverser la prédominance du minéral sur le végétal) que du développement de la crémation (il importe que le cimetière accueille les cendres par la création de sites cinéraires adaptés). Ensuite va s’imposer une redéfinition de ses fonctions. Le cimetière n’est pas seulement un lieu pour les morts, il est aussi un lieu pour les vivants. Les communes ont trop souvent tendance à ignorer l’importance de l’accueil du public, et la richesse de ce lieu en tant qu’espace du souvenir, de l’histoire, de la culture et de l’architecture. Cet élément du patrimoine communal est souvent insuffisamment valorisé.
Enfin, le cimetière et, de façon plus globale, le secteur funéraire doivent devenir un enjeu pour la communication locale. L'intérêt médiatique dont bénéficie ce secteur, notamment au moment de la Toussaint, ne peut être ignoré. Les initiatives locales n’auront aucune difficulté pour trouver un bon écho médiatique qui les valorisera, alors qu’à l’inverse, le caractère sacré des lieux de sépulture a pour conséquence que le désengagement et le désintéressement de la commune pour son cimetière, voire les dysfonctionnements éventuels, connaîtront souvent de graves conséquences en termes d’image.
Votre mandat vous permettra, Madame ou Monsieur le Maire, de comprendre aussi pourquoi c’est à la façon dont elle s’occupe de ses morts que l’on juge des hauts sentiments d’une société, tant l’humain et le vivant sont fondamentaux dans ses grandes missions de service public.
Maud Batut Rédactrice en chef |
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