Pas de ça chez moi (Not in my backyard) !
Les règles de vie en société sont généralement acceptées, du moins en théorie, avec facilité. Là où le bât blesse est quand se pose le moment de les appliquer. Chacun convient qu’un équipement public est nécessaire, mais personne n’en veut chez lui. C’est que les Anglo-Saxons appellent l’effet “Nimby“ (Not in my backyard).
Le secteur funéraire n’échappe pas à ce mal des temps modernes, où l’individualisme forcené veut prendre le pas sur les intérêts de la société. Ainsi peut-on lire que, récemment (La Voix du Nord du 25 novembre 2014), des riverains ont fait circuler une pétition contre l’installation dans leur rue d’une chambre funéraire, susceptible, selon eux, de dévaloriser leur patrimoine immobilier, ou de provoquer une circulation routière gênante. N’oublions pas que cet équipement relève du service public extérieur des pompes funèbres et comme tel, justement, est d’intérêt général. D’autre part, que les riverains se rassurent, les règles entourant la création d’un tel équipement vérifieront bien sûr l’impact de celui-ci sur leur environnement puisque existe une procédure de “porter à connaissance“, certes plus légère qu’une enquête publique en bonne et due forme, mais néanmoins rigoureuse, à l’issue de laquelle le préfet devra autoriser la création ou l’extension de la chambre (R. 2223-47 CGCT).
Il convient néanmoins de noter que ce contentieux est peu abondant, les textes précisant que l’autorisation ne peut être refusée qu’en cas de trouble à l’ordre public ; et que les riverains se rassurent de nouveau, le juge a déjà estimé que cette atteinte pouvait résulter de problèmes de circulation sur la voie publique (CAA Marseille, 17 janvier 2005, req. no 01MA01894) : “Considérant, en quatrième lieu, que le préfet pouvait légalement se fonder sur un motif tiré de la sécurité de la circulation sur les voies publiques pour considérer que le projet de chambre funéraire présenté par M. X portait atteinte à l'ordre public ; qu'il ressort en l'espèce des pièces du dossier que les conditions de circulation et de stationnement aux abords de l'établissement projeté par le requérant, situé à l'intersection de voies sur lesquelles circulent de nombreux véhicules, était susceptible, eu égard au faible nombre de places de stationnement disponibles pour les convois funéraires, de constituer un risque sérieux pour la sécurité des usagers empruntant ces voies ; que M. X n'est dès lors pas fondé à soutenir que la décision litigieuse serait entachée d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation.“ Néanmoins, il apprécie strictement cette notion.
Ainsi, la cour administrative d’appel de Douai (CE, 3e et 8e sous-sections réunies, 6 mars 2014, no 357208, SCI C) ne pouvait limiter le nombre de salons d’une chambre funéraire, au motif de sa localisation apparemment trop proche d’un voisin. La cour aurait dû se fonder uniquement sur des considérations relevant de l’ordre public ou de la salubrité, ce qu’elle a omis de faire.
Maud Batut
Rédactrice en chef
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