La crémation : réflexions pastorales et liturgiques !
C’est au cours du XXe siècle, "lorsque la crémation ne parut plus relever exclusivement d’un rejet de l’espérance chrétienne", que l’Église catholique va assouplir sa sévérité à l’endroit de ce mode de funérailles, notamment par l’instruction du Saint-Office du 8 mai 1963. Or, à cette époque, la pratique crématiste représentait moins de un pour cent. Avec un taux actuel de trente pour cent et l’annonce, à l’aube de 2020, d’un décès sur deux concerné par ce mode opératoire, force est d’admettre que de nouvelles réflexions s’imposaient.
Publié par le Secrétariat général de la conférence des évêques de France, le document (coll. Documents Épiscopat, no 6/2014) intitulé "Accueillir et accompagner la pratique de la crémation – Évolutions en cours et réflexions liturgiques", établi sous la responsabilité de Mgr Bernard-Nicolas Aubertin, mérite de retenir l’attention pour plusieurs raisons.
D’abord parce que ce document (de belle facture) contient d’intéressants constats, notamment statistiques, sur les funérailles célébrées à l’Église ou hors de celle-ci, et surtout une analyse particulièrement stimulante des évolutions de la société concernant tant la conception du corps et sa survalorisation, que le regard sur la mort et la notion de "bien mourir". La naissance de rites autour de la crémation est également clairement évoquée ; le document relevant que désormais, au crématorium, il ne s’agit plus seulement d’un geste technique, mais a été mise en place (à partir de 1986 au Père-Lachaise) une cérémonie avec notamment recueillement, musique, paroles, gestes d’hommage…
De même, le défunt ne décédant qu’exceptionnellement à domicile, sont rappelées la "complexification des circuits funéraires" et la "simplification" que représente la réalisation d’une cérémonie au crématorium.
La diversité de la réponse de l’Église s’explique par le fait que la décision dépend de chaque diocèse. Souvent on y optera pour la présence (décidée et organisée) de l’Église au crématorium, dans le cadre d’un "partenariat" avec les professionnels du funéraire afin de rendre aux familles un réel service. Mais demeurent évidemment dans ce cadre des questions ou difficultés que le document ne tente pas de cacher et analyse objectivement. Par ailleurs, parfois, l’Église décide et motive son absence du crématorium.
Ensuite, ce document aborde l’intéressante question du corps du défunt dans la célébration des funérailles. S’y trouvent notamment évoquées les questions relatives à la dignité du corps dont témoigne le rituel, ainsi que la tonalité eucharistique des funérailles chrétiennes. Enfin, le document s’achève sur la problématique de la célébration au crématorium, en distinguant réflexions pastorales et réflexions liturgiques.
Cette réflexion menée par l’Église s’avère particulièrement intéressante et montre un réel questionnement sur sa situation dans un paysage funéraire nouveau. Il est notamment possible d’y trouver une approche de l’absence ou de l’insuffisance de rites autour de la crémation, carence qu’ont dénoncée, chacun à leur manière, Damien Le Guay et François Michaud-Nérard, dans leurs ouvrages parus en 2012. Ce questionnement est d’ailleurs particulièrement relayé, comme l’a montré, par exemple, l’intéressante journée d’étude sur les funérailles, organisée le 2 décembre dernier par la Faculté de droit canonique de l’Institut Catholique de Paris.
Maud Batut
Rédactrice en chef
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