Nous avons vu dans nos précédents articles que progressivement les choses se clarifient en matière de prévoyance funéraire. La règlementation se précise et si les dispositions votées au Sénat sont adoptées par les députés, tout contrat obsèques devra obligatoirement être utilisé pour financer les obsèques du souscripteur, il ne devrait plus être possible de proposer des contrats obsèques qui se contentent de prévoir l’exécution des volontés essentielles, le contenu des prestations doit être détaillé et personnalisé. Reste un problème majeur
à régler celui de la revalorisation des contrats.
Où en est-on ?
Maurice Abitbol, directeur d'Obsèques Prévoyance.
Un contrat obsèques est un pari
Un contrat obsèques, c’est-à-dire un contrat qui permet au client de l’opérateur funéraire de préparer ses obsèques à l’avance, est une assurance-vie avec une garantie financière associée à un contrat de prestations funéraires financé par cette assurance-vie. Ce contrat doit le moment venu, permettre de faire face au financement des prestations choisies et éviter à ses proches tous soucis administratifs et financiers.
Les produits financiers servis par l’assurance doivent couvrir l’augmentation des prix des services funéraires, c’est en cela que le contrat obsèques est un pari. Comme les assureurs ne peuvent lier leurs contrats qu’à l’évolution des marchés financiers, il faut que les taux d’intérêt pratiqués sur ces marchés soient supérieurs à l’augmentation des prix des prestations funéraires. Et aujourd’hui c’est de plus en plus difficile car les prix des services funéraires évoluent plus vite que les taux d’intérêt.
Le législateur s’est inquiété de cette situation et a voulu y remédier en imposant une revalorisation minimum en référence au taux d’intérêt légal dans le cadre de la loi du 19 déc. 2008. Le ministre de l’Intérieur et des Collectivités territoriales a édité le 14 déc. 2009 une circulaire ayant pour objet la mise en œuvre de cette loi. Pour ce qui concerne la législation applicable aux contrats obsèques cette circulaire nous apprend que l’art. 8 de la loi prévoit que la revalorisation du capital versé au titre d’un contrat obsèques s’effectue à un taux au moins égal à celui du taux légal.
Le taux de l'intérêt légal est fixé par décret pour la durée de l'année civile. Il est égal, pour l'année considérée, à la moyenne arithmétique des douze dernières moyennes mensuelles des taux de rendement actuariel des adjudications de bons du Trésor à taux fixe à treize semaines. Il a été fixé à 0,65 % pour l'année 2010, 0,38 % pour l’année 2011, 0,71 % pour l’année 2012 et à 0,04 % pour l’année 2013.
L’objectif du législateur en imposant un taux minimum de revalorisation est tout à fait louable. Il s’agit de renforcer les garanties des familles endeuillées. Ces dispositions visent à assurer une revalorisation minimum des contrats prévoyant des prestations d’obsèques à l’avance de manière à essayer de couvrir le montant de la facture des obsèques. Mais les bonnes intentions ne permettent pas toujours d’atteindre le but visé. La référence au taux d’intérêt légal s’est révélé être un échec.
Que dit le Code des assurances ?
Un contrat d’assurance-vie, donc un contrat par lequel l’assureur prend l’engagement, en contrepartie du versement de primes ou de cotisations, de régler au souscripteur, à l’adhérent ou au tiers désigné, un capital ou une rente déterminée, en cas de décès de l’assuré ou en cas de survie de celui-ci, à une époque et pendant une durée définie dans le contrat. Un contrat obsèques est en principe un contrat souscrit pour la durée de la vie.
Les assureurs doivent constituer des provisions techniques destinées à faire face aux engagements qu’ils ont pris. Le capital qui devra être versé au terme du contrat correspond au cumul des primes encaissées, diminué des frais de gestion et de souscription du contrat et majoré des intérêts servis par l’assureur.
De manière générale la revalorisation des capitaux assurés est imposée par la loi, elle se décompose en deux éléments : le taux d’intérêt technique et la participation aux bénéfices. Le taux de revalorisation est égal au taux technique plus la participation aux bénéfices. Le taux technique est en quelque sorte le taux minimum que la loi impose aux assureurs et la participation aux bénéfices est le fruit de la qualité des placements effectués dans la sécurité par les assureurs.
Le taux d'intérêt technique est utilisé pour la tarification des contrats et pour le calcul des provisions mathématiques qui représentent la capitalisation des engagements de l'assureur à l'égard des assurés.
Comme le taux technique est intégré aux tarifs, ce qui va différencier la revalorisation des capitaux assurés c’est la participation aux bénéfices. Par exemple quand un souscripteur paie en prime unique un montant inférieur au capital assuré, cela signifie que l’assureur a anticipé dans son tarif le taux technique. Son contrat ne peut plus être revalorisé que de la participation aux bénéfices. Dans le cas de primes périodiques la transparence est beaucoup moins évidente mais le mécanisme est le même.
La revalorisation des capitaux assurés va dépendre aussi des frais de gestion et du prélèvement sur les produits financiers que la loi limite à 15 %. D’où l’importance de connaître le taux de chargement global du contrat d’assurance pour juger de sa qualité. Notons que la revalorisation du capital assuré va aussi être amputée du coût de la garantie assistance si celle-ci est incluse et financée sur les bénéfices du contrat. Limiter les frais de gestion et éviter les charges accessoires, donc avoir un taux de chargement le plus bas possible, permet d’avoir un capital versé le moment venu le plus haut possible.
Que proposent les sénateurs ?
La référence au taux légal s’étant révélée insatisfaisante pour garantir aux souscripteurs de contrats une revalorisation suffisante pour couvrir la totalité de la facture des obsèques, les sénateurs ont donc prévu de rédiger comme suit le second alinéa de l’art. L. 2223-34-1 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) :
"Tout contrat prévoyant des prestations d’obsèques à l’avance précise les conditions d’affectation des bénéfices techniques et financiers conformément à l’art. L. 132-5 du Code des assurances. Il lui est affecté chaque année une quote-part du solde du compte financier, au moins égale à 85 % de ce solde multiplié par le rapport entre les provisions mathématiques relatives à ce contrat et le total des provisions mathématiques. Il fait aussi l’objet d’une information annuelle conformément à l’art. L. 132-22 du Code des assurances. Un arrêté précise les modalités de calcul et d’affectation de cette quote-part".
La rémunération des fonds confiés à l’assureur au moyen du contrat obsèques devra être faite selon un barème défini, dont le souscripteur devra être tenu informé, et dont les intérêts pourront être recapitalisés sur le produit, cela afin d’éviter les contrats faiblement revalorisés. Les modalités de calcul devront être précisées par un arrêté ministériel. Même si cela représente une avancée par rapport à la situation présente, il est difficile pour l’instant de mesurer l’efficacité de cette disposition.
Rappelons simplement que la personne qui s’adresse à un opérateur de services funéraires pour financer ses obsèques à l’avance, souhaite en général prévoir l’organisation et le déroulement de ses funérailles et décharger sa famille de tout souci administratif et financier. Il faut donc lui proposer un contrat d’assurance lui apportant une garantie financière adossé à un contrat de prestations, qui lui apporte la garantie que les prestations qu’elle a choisies seront réalisées. Le contrat doit donc être spécialement étudié pour que les produits financiers générés par le contrat d’assurance couvrent dans la durée l’augmentation des prix des prestations funéraires.
En conclusion
Les contrats obsèques doivent respecter à la fois la règlementation funéraire prévue au CGCT et le Code des assurances. Si l’on veut améliorer la revalorisation des contrats obsèques, il faut des règles spécifiques compatibles avec ces deux Codes et accepter que l’objectif de la revalorisation soit l’augmentation des prix des services funéraires mesurée par l’INSEE.
Pour atteindre pleinement l’objectif de couverture dans la durée de l’augmentation des prix des prestations funéraires il faut plus de la transparence, plus de communication et de souplesse, et protéger le nom de "contrat obsèques".
Pour donner de véritables garanties aux souscripteurs d’un contrat prévoyant des prestations obsèques à l’avance il faut définir des règles de transparence qui fassent apparaître de manière claire :
- si le capital souscrit couvre intégralement les prestations obsèques et ce tout au long de la vie du contrat,
- si les ayants droit peuvent avoir à régler un supplément financier et dans quelles conditions,
- si les ayants droit peuvent percevoir la différence entre le capital majoré des intérêts produits et le coût des obsèques.
Tous les contrats devraient obligatoirement faire l’objet de communication à l’intention des proches du souscripteur notamment par la distribution de "cartes mémoire" afin de donner le maximum de garantie que le contrat soit effectivement utilisé le moment venu. Ces cartes pourraient porter aussi les coordonnées du fichier national des souscripteurs de contrats obsèques.
Il faut réserver le nom de "contrat obsèques" aux contrats distribués par les opérateurs funéraires qui répondent à ces règles de transparence et qui comportent un contrat d’assurance sur la vie lié à un contrat de prestations obsèques. Ces contrats doivent comporter une garantie financière et une garantie d’exécution des prestations. Le contrat obsèques personnalisé conçu avec le concours d’un assureur ne pourrait être proposé que par les opérateurs funéraires habilités.
Les initiateurs des contrats obsèques personnalisés doivent s’engager à informer les souscripteurs, si l’écart entre le taux de revalorisation et le taux d’augmentation des prix dans le secteur funéraire devient trop grand et remet en cause les prestations funéraires définies dans le contrat. Une révision quinquennale du devis de prestations obsèques pourrait être une solution à cette difficulté. Elle entraînerait en conséquence une modification éventuelle du contrat initial.
Maurice Abitbol
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