La vertu est-elle une fin en soi ?
Il est des mots intemporels qui reviennent sur le devant de la scène, telles des vagues à la mode, accolés à différentes postures de circonstance, en une espèce de récupération opportuniste aux motivations souvent bien éloignées de leur définition. La vertu est de ceux-ci.
Mais qu’est-elle donc ? Sa signification serait de ce qui porte une chose à sa perfection. Il y aurait deux sortes de vertus : celles, morales, perfectionnant le désir et se soumettant à la raison en vue de l’action, d’une part, et les "intellectuelles", d’autre part, enrichisssant l’intelligence seule, en vue de la contemplation. Ce sentiment, très prisé des philosophes de la Grèce antique, est par essence ce que vise le sage. Platon la qualifie "d’excellence naturelle" et Socrate s’interroge sur la possibilité ou non de l’enseigner. Serait-elle du ressort de l’inné ou de l’acquis, vaste question. Aristote, autre penseur de son temps, parle de vertu naturelle en faisant une disposition de l’âme. L’étymologie du mot nous renseigne sur son acception contemporaine. La vertu est une qualité distincte de l’homme… le mérite, la valeur morale, la vigueur, l’énergie, notamment par la bravoure, le courage, la vaillance. Le sujet passionne tellement que l’on s’est attaché à travers les âges à les quantifier. Ainsi, il y en aurait six pour certains, sept pour d’autres : la foi, l’espérance, la charité, la justice, la prudence, la force et la tempérance. Une sagesse populaire conclut assez bien les luttes philosophiques en citant : "La plus grande des vertus est comme l’eau, elle est bonne pour toutes les choses."
Entre 1937 et 1946, Vladimir Jankélévitch rédige "Le Traité des vertus", un pavé de 800 pages, doublé d’une réflexion morale établissant un système éthique autour de celles comme la sincérité, la gratitude, l’humilité. Cet ouvrage a le mérite de poser de bonnes questions qui pourraient inspirer les recruteurs et formateurs lors de leurs entretiens comme : un menteur peut-il être sincère ? L’humilité est-elle une cure d’amaigrissement morale ? Donner sans rien attendre en retour ? Le courage n’est pas un savoir mais une décision ? Entre autres interrogations. Le savoir-être est peut-être la définition très contemporaine de la vertu et il est sans doute souvent au cœur de nos préoccupations quotidiennes. Dans une civilisation de l’immédiateté et de l’information planétaire en temps réel, où la raison doit-elle se situer si ce n’est dans la mesure, la réflexion, l’humilité ?
L’excellence d’un homme, à plus forte raison d’un collaborateur d’entreprise, se mesure à celles qui, dans notre monde funéraire, porte un nom : "l’éthique", et plus largement "la déontologie". Ces termes nous sont familiers, car amplement déployés dans nos différentes communications ou prises de parole. Cette "responsabilité sociétale" - que nous affichons ouvertement depuis quelques années - s’institutionnalise au point de devenir une référence normative, avec le risque peut-être de devenir un banal "étalage de vertu" vidé de son sens, voire "à la mode". Aussi, prenons donc garde à ne pas tomber dans les excès, ce qui serait un manque d’humilité certain, voire une faute de goût, mais surtout l’obtention de l’exact contraire de ce que nous recherchons dans nos professions.
Cette éthique ou déontologie est avant tout une prise de conscience réellement individuelle qui aspire à faire le bien pour le bien. Ayons le sentiment d’avoir répondu à la voix du bien commun et sachons transmettre cette valeur à nos proches collaborateurs par des éclairages personnalisés et des formations adaptées. En accord avec nos pratiques et dans le respect des familles, tressons sans attendre des couronnes pour la vertu, tout en restant humble et attaché à notre éthique.
Steve La Richarderie
Rédacteur en chef
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