Ne nous voilons pas la face…
Il est d’usage lors de nos éditoriaux d’élever le débat et, souvent, nous faisons appel à des références philosophiques universelles. Une respiration salutaire destinée à nous apporter un rayon de soleil par une réflexion apaisée. Hélas, la réalité nous rend parfois la vie dure, de même que les chiffres sont têtus.
Depuis quelques mois déjà, nous sommes régulièrement interpellés par nombre d’opérateurs fortement courroucés devant l’augmentation significative des impayés après obsèques. Il est un fait que le contexte économique actuel n’est pas des plus favorables, mais pas que… Les familles connaissant des épisodes tendus financièrement se manifestent en général et, bien qu’évoquer leur situation soit délicat et sensible, elles trouvent toujours auprès des opérateurs funéraires des réponses qui prennent en compte ces difficultés ; et ceux-ci aménagent des échéances de la façon la plus souple possible. Nous le savons tous.
Il y a également ce qu’il est convenu d’appeler "les personnes dépourvues de ressources suffisantes". Ces familles trouvent une écoute attentive auprès des services sociaux de leur commune, ainsi qu’un accompagnement dimensionné, de même qu’une médiation, voire une prise en charge financière des obsèques. Enfin, il y a les endettés chroniques, les furieux de la carte bleue, les "je-m’en-foutistes" de tout poil, pour qui tout est dû, se moquant totalement des conséquences de leurs actes. Ils connaissent parfaitement les textes de loi, comment les contourner et sont des adeptes conscients du "Comment vivre au-dessus de ses moyens"… référence à l’opus écrit par André Calles, Dominique Eudes et Nicole de Menthon, édité chez Denoël en 1981.
Là où la démarche commerciale (il faut bien à un moment parler d’argent lors d’organisation d’obsèques) devient délicate, c’est que les textes protègent l’insolvabilité par surendettement mais, malheureusement, ceux-ci ne séparent pas les inévitables et compréhensibles épisodes involontaires ou temporaires de ces autres moutons noirs.
Face à cela, il me vient en mémoire un article, dans le très sérieux China Daily, informant des faits suivants… qui ne présagent rien de bon. La Chine, dans sa province du Hebei, teste une application visant à donner une "note sociale" d’ici à 2020 à sa population. Cette application serait intégrée notamment au célèbre WeChat, majoritairement utilisé par les Chinois mais aussi chez nous. Cela permettrait de signaler sur votre smartphone la présence "d’endettés" et de "personnes inciviques" dans un rayon de 500 m. Dissolution de la vie privée, incapacité d’accès aux moyens de transport ou aux services publics, non possibilité de location d’appartement, d’accès à l’éducation… les pénalités prévues sont nombreuses et progressives, de même que les bonus pour la dénonciation de ces personnes. L’arrivée de l’intelligence artificielle va décupler les possibilités et initiatives de ce genre. Il y aura donc d’une part les "bons citoyens bien notés", et les "moutons noirs" d’autre part. Bien sûr, ce type de système de délation ne peut avoir nos faveurs…
Mais ne souriez pas en pensant que nous sommes exonérés de ce type de menace à la vie privée. Celle-ci s’arrête où commence celle des autres. Et bien que nous soyons attachés à la préservation de cette qualité de vie, je ne sais pas combien de temps nous pourrons encore résister au nom de ces bons sentiments, au train où vont les choses et la technologie.
Votre magazine "Résonance" s’est toujours attaché à traiter des innovations et de l’actualité funéraire de façon la plus homogène possible. Aussi, ne soyez pas étonnés si, dans nos prochains numéros, nous ouvrons nos colonnes à des juristes, des économistes, des réseaux ou des financiers, pour que soit abordé le sujet de l’endettement, mais de la manière la plus digne possible, sans démagogie, et également sans concession pour certains qui abusent de façon préméditée des dispositions sociales existantes. En conclusion, je citerai la phrase pleine de sagesse de l’une de mes amies chinoises : "Tu sais, tu vis au paradis, et tu ne le sais pas"…
Maud Batut
Rédactrice en chef
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