À la manière d’un cadavre…
Dans la "Vie de saint François d’Assise", on rapporte cette citation : "Un jour, on demanda à François qui peut être vraiment appelé "obéissant". Il répondit en donnant le cadavre comme exemple : "Prends le cadavre et laisse-le là où tu veux : il ne te contredira pas et ne murmurera pas. Il ne dira rien lorsque tu l’auras déposé. Si tu le poses sur un siège, il ne regardera ni en haut ni en bas" [...]." Si cette maxime est usuellement employée pour illustrer l’obéissance, nous pourrons l’utiliser à d’autres fins.
Ainsi, on peut lire, dans Le Figaro en date du 16 août 2017, un article relatif aux bénévoles regroupés dans une structure dénommée "Collectif les morts dans la rue" dont nous reproduisons ce poignant extrait : "Nous sommes là afin qu’il soit clair, aux yeux de tous, que votre vie a eu un vrai sens et que vous êtes digne d’être saluée pour tout ce qu’elle a apporté aux autres". Dans le cimetière de Thiais (Val-de-Marne), Claude, pantalon noir, chaussures noires et polo bleu, s’adresse à la tombe de Yolaine, décédée à 84 ans. Il lit avec une voix grave le texte qu’il a préparé et un poème. La cérémonie est brève, mais solennelle. Une heure auparavant, il voyait la dépouille mortelle de Yolaine dans la chambre mortuaire où elle se trouvait avant sa mise en bière. Il ne l’a jamais connue, et pourtant, il a souhaité lui rendre hommage."
C’est l’occasion, en cette fin d’été pluvieuse, certes de rappeler l’extraordinaire dévouement de ces hommes et femmes accompagnant jusqu’à la tombe ceux qui leur étaient des inconnus, mais néanmoins leur frère en humanité. C’est aussi l’occasion de pointer, qu’aussi louable soit l’existence d’un service public de l’inhumation décente, républicaine, gratuite pour les plus démunis, il est des missions qu’il lui est malaisé de remplir, et qui, peut-être, devraient appartenir à la Cité.
En effet, l’article L. 2213-7 du CGCT énonce que : "Le maire ou, à défaut, le représentant de l’État dans le département pourvoit d’urgence à ce que toute personne décédée soit ensevelie et inhumée décemment sans distinction de culte ni de croyance." Tandis que l’article L. 2213-27 du CGCT énonce que : "Le service est gratuit pour les personnes dépourvues de ressources suffisantes. Lorsque la mission de service public définie à l’article L. 2213-19 n’est pas assurée par la commune, celle-ci prend à sa charge les frais d’obsèques de ces personnes. Elle choisit l’organisme qui assurera ces obsèques."
Derrière ces obligations juridiques essentielles, se pose donc la question, dans nos sociétés individualistes, d’une "liturgie laïque" pour ne pas oublier que ces inconnus méritent au moins quelques mots et un moment de recueillement, et surtout pour ne pas, dévoyant cette maxime des premiers ascètes chrétiens, que nous soyons pareils à des cadavres devant la disparition d’un homme…
Maud Batut
Rédactrice en chef
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