Nous voici à mi-chemin de notre reportage sur la rencontre fructueuse entre l’œuvre humanitaire qu'est STIMdéveloppement-Stimubanque, et le métier de thanatopracteur. Les retraits de pacemakers et de défibrillateurs implantables rythment notre quotidien. La loi nous impose de retirer ces "prothèses fonctionnant au moyen d'une pile". Nous les retirons, certes, à cause de la pile qu'elles contiennent, mais que connaissons-nous de ces appareils ? Que renferment-ils ? Comment fonctionnent-ils ? Ces questions, il nous est arrivé de nous les poser. Elles appellent donc des réponses. Voici quelques éclaircissements qui nous permettront de mieux connaître ces prothèses que nous manipulons si souvent.
Peacemakers.(Crédit photo : SimonDaval.fr)
Nous avons admis, dans notre précédent article sur le cœur, que cet organe est régulé par un système nerveux autonome, situé dans le nœud sinusal, permettant de générer les contractions des cavités cardiaques, et de les coordonner correctement. Outre le traitement médicamenteux, un des moyens de traiter certaines pathologies du rythme cardiaque est l’implantation d’un pacemaker ou d’un défibrillateur.
L’histoire des stimulateurs cardiaques débute à la fin des années 1920, puis se développe jusqu’aux années 1950, par l’analyse de l’activité électrique du cœur et de ses réactions face à des impulsions électriques. Les appareils étaient externes. L’influx électrique était conduit depuis l’appareil jusqu’au cœur, via des "tubes".
Il faudra attendre 1958 pour qu’un premier stimulateur cardiaque soit implanté, par les docteurs Rune Elmqvist et Ake Senning, en Suède. Le patient implanté, Arne Larsson, a subi 28 implantations de stimulateurs cardiaques (jusqu’à son décès, à l’âge de 86 ans), car les piles avaient une durée de vie très courte. En effet, la première pile n’est restée efficace que durant 3 h…
Par la suite, les appareils étaient composés d’une pile en mercure. Mais là encore, la durée de vie de la pile était trop courte (2 ans, en moyenne). Sont alors apparus, dès 1970, les stimulateurs cardiaques munis d’une pile au plutonium, ce qui permettait d’implanter les appareils pour une durée de 10 ans, en moyenne. Très rapidement, les piles au lithium-iode, toujours utilisées aujourd’hui, ont remplacé celles au plutonium. Elles présentent l’avantage d’une longévité résiduelle d’une durée de 10 ans, en moyenne, tout en minimisant les effets de la pile sur les écosystèmes (lors de l’élimination).
L’apparition des défibrillateurs implantables est plus tardive : il faudra attendre 1980 pour que le premier appareil soit implanté, puis 1995 pour l’apparition du premier défibrillateur double-chambre.
Il existe différents types de pacemakers et de défibrillateurs implantables. Les appareils se développent grâce à l’évolution médicale, scientifique et électronique. Néanmoins, ils ont tous des points communs. La composition générale des pacemakers, ainsi que des défibrillateurs implantables, est commune à tous les appareils. En effet, ils comprennent tous :
- un boîtier,
- un connecteur,
- un conducteur (également appelée sonde de stimulation),
- une électrode.
Le boîtier est en titane, parfaitement étanche et sans risque de rejet. Il contient : la pile, des circuits électroniques, et un générateur d’impulsions. De l’argent et de l’or sont utilisés en infime quantité, mais les fabricants ne souhaitent pas communiquer à ce sujet (sous couvert du secret de fabrication). C’est la pile qui prend le plus de place. Elle est en lithium-iode (matériau très léger), ce qui lui permet, comme nous l’avons vu précédemment, de garantir une longévité de 10 ans, en moyenne. Nous employons le terme de "moyenne", car toutes les piles ne s’usent pas de la même manière. En effet, une pathologie cardiaque qui nécessite une activité constante du pacemaker (ou du défibrillateur implanté), s’usera plus rapidement qu’une pile qui n’est que peu sollicitée. Elle alimente les circuits des appareils, plus ou moins "gourmands" en énergie (sachant que les circuits sont toujours alimentés avant l’implantation, une fois implantés, mais aussi après une explantation).
Un des atouts de ce type de piles, c’est aussi qu’elles s’usent progressivement. Cela permet d’anticiper le changement de l’appareil, plutôt que d’agir dans l’urgence. Il est à noter qu’un défibrillateur implantable qui sonne signifie que sa pile est usée, et par conséquent doit être changée. Les piles des défibrillateurs sont à l’oxyde de vanadium, car elles doivent être plus puissantes que les piles des pacemakers. Un stimulateur cardiaque ne décharge que quelques millivolts lors de la stimulation, tandis qu’un défibrillateur décharge plusieurs volts pour "choquer".
Les circuits électroniques sont le "cerveau" de l’appareil. Ils écoutent et enregistrent l’activité cardiaque, à la manière d’un électrocardiogramme. Si les circuits détectent une défaillance, à savoir un rythme cardiaque trop lent ou trop rapide, ils ordonnent alors l’(les) impulsion(s) nécessaire(s).
Le générateur d’impulsions, comme son nom l’indique, produit l’(les) impulsion(s) électrique(s). Des condensateurs ont pour fonction de cumuler l’énergie nécessaire, afin de délivrer l’énergie programmée. Les défibrillateurs sont dotés, à la fois, des circuits électroniques des pacemakers mais aussi des circuits électroniques propres à la défibrillation. Ils ont donc une double fonction (qui peut être utilisée ou non).
Le connecteur constitue l’intermédiaire entre le(s) fil(s) et le boîtier. Il est transparent, constitué de silicone ou de polyuréthane. Le vissage de la sonde dans le connecteur permet d’établir le contact entre les circuits électroniques et le conducteur.
Le conducteur est situé à l’intérieur même de chaque fil, aussi appelé sonde de stimulation. Il s’agit de la gaine permettant le passage des impulsions. En titane, elle est isolée par du silicone ou du polyuréthane, de telle sorte qu’il n’y ait pas d’interférence possible avec d’autres influx nerveux. Cela assure une parfaite écoute de l’activité cardiaque ainsi qu’une stimulation optimale (ou un électrochoc optimal, pour les défibrillateurs). Chaque sonde, le plus souvent, est prévue pour écouter et pour stimuler. La particularité des sondes utilisées pour les défibrillateurs est d’être composée d’au moins trois conducteurs pour chaque sonde, car elles ont pour fonction d’écouter, de surveiller, de détecter une anomalie du rythme cardiaque, et de délivrer la stimulation ou l’électrochoc.
L’électrode est située au "terminus" de l’appareillage, et plus particulièrement des sondes, dont l’extrémité est en contact direct avec le tissu cardiaque. Chaque fil, chaque sonde, possède sa propre électrode. Les sondes sont fines et très souples, pour permettre leur passage dans les vaisseaux veineux lors de l’implantation du dispositif. Il est nécessaire que la sonde reste en place, malgré les millions de battements cardiaques. Deux systèmes permettent de fixer une sonde au tissu cardiaque : soit une sonde à vis, qui est vissée dans le tissu ; soit une sonde à barbe, qui s’accroche au tissu un peu à la manière d’un hameçon (en plus souple). La sonde de défibrillation est composée de 2 électrodes : une pour la détection et la stimulation, et une autre pour la délivrance des électrochocs.
Ces appareils ont donc deux fonctions qui se complètent : ils écoutent et ils transmettent. Peu importe les marques, les modèles, et le fait qu’il s’agisse d’un pacemaker ou d’un défibrillateur, leurs modes de fonctionnement restent quasiment identiques.
Le stimulateur mono-chambre n’est connecté qu’à un seul fil et ne stimule qu’une seule cavité cardiaque. La sonde stimule l’oreillette droite ou le ventricule droit, elle est fixée sur la paroi de l’oreillette droite, ou sur la pointe du ventricule droit.
Le stimulateur double-chambre possède deux circuits électroniques distincts, et est connecté à deux sondes. Ces sondes stimulent deux cavités. Une sonde est fixée à la paroi de l’oreillette droite, et l’autre à la paroi du ventricule droit. Cela permet de réguler la synchronisation auriculo-ventriculaire. Dans certains cas, les sondes peuvent être fixées dans les deux ventricules.
Le stimulateur triple-chambre est connecté à trois fils. Les sondes sont fixées à trois parois. Une première est fixée dans l’oreillette droite, une seconde dans le ventricule droit, et enfin la troisième est fixée sur le ventricule gauche (via le sinus coronaire).
Le muscle cardiaque répond à la stimulation par une contraction, soit uniquement pour une partie du cœur, soit pour le cœur tout entier. Tout dépend de la pathologie à traiter.
Pour les défibrillateurs, lors des électrochocs, il est nécessaire que les électrodes soient situées à la fois dans une cavité cardiaque (le ventricule droit), puis à l’opposé. Ainsi, il y a une électrode sur la surface du boîtier, lui-même placé à l’opposé du ventricule droit, ce qui permet de respecter le schéma.
Les appareils comparent sans cesse la fréquence cardiaque des patients, avec les données de référence qui ont été programmées lors de l’implantation (ou dans les heures qui suivent cette implantation). La programmation est personnalisée suivant les besoins de chaque patient.
Il est intéressant de noter que de nombreux appareils sont dotés de circuits électroniques permettant d’adapter l’écoute, mais surtout les impulsions, plus précisément que d’autres. Ils sont capables de s’adapter parfaitement aux besoins métaboliques des patients, notamment lors d’efforts physiques, où les activités respiratoires et cardiaques (principalement) sont bouleversées. Ce système est appelé "asservissement en fréquence". Il est principalement utilisé lorsque le patient est totalement dépendant du stimulateur pour adapter sa fréquence cardiaque à son activité.
Les défibrillateurs sont capables de reconnaître l’activité spontanée du cœur, ce qui assure une véritable sécurité, car il doit choquer immédiatement après avoir détecté une fibrillation ventriculaire représentant un danger vital. Un électrochoc est toujours un traitement d’urgence.
Quels que soient les stimulateurs ou les défibrillateurs, le médecin spécialiste peut interroger chaque appareil pour vérifier et adapter la programmation de ces appareils à l’aide d’ordinateurs, par radiofréquence (voire par WiFi pour certains modèles) : soit à distance (quelques mètres), soit grâce à un petit boîtier-antenne relié à l’ordinateur et posé sur le patient (au niveau du stimulateur ou du défibrillateur).
Chaque pacemaker ou défibrillateur a un code unique, donné par le fabricant, afin d’éviter qu’une autre fréquence ne vienne tromper le programmateur. Et chaque marque ne peut être reconnue que par l’ordinateur lui correspondant. Il en existe six : Biotronik, Boston Scientific/Guidant, Medico, Medtronic/Vitatron, Saint Jude et Sorin. Un document précisant le type de dispositif implanté est remis au patient, afin qu’il soit toujours simple pour le médecin de trouver le programmateur adapté à cet appareil. Aussi, une nomenclature internationale assure une sécurité aux patients, où qu’ils se trouvent.
Les tarifs de ces appareils sont variables, principalement en fonction des technologies utilisées. En moyenne, un pacemaker mono-chambre revient à 2 000 €, un double-chambre à 3 000 €, une sonde de stimulation à 300 €, un défibrillateur mono-chambre à 12 000 €, un défibrillateur double-chambre à 14 000 €, et un défibrillateur multisite (triple-chambre) à 16 000 €. La Sécurité Sociale assure leur remboursement.
Tous ces appareils devraient être de plus en plus discrets (par leur taille), de plus en plus performants (les futurs appareils fonctionneraient grâce à l’énergie piézoélectrique, au lieu des piles actuelles), et même différents (il n’y aurait plus de sondes pour les pacemakers). Ces technologies ont donc un bel avenir devant elles.
Pacemakers et défibrillateurs : tout est une question de rythme. Le médecin stimuliste agit comme un chef d’orchestre, afin d’harmoniser la fréquence des contractions cardiaques et les réponses des appareils. Les piles, ces batteries, permettent au cœur de trouver le bon rythme adapté aux besoins de chaque patient. Le tempo est donc habilement maîtrisé pour maintenir ces patients en bonne santé. On pourrait également dire que la vie de certaines personnes est suspendue à un fil…
Marie Nouaille-Degorce
Thanatopracteur
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