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Le traitement des corps autopsiés est rarement une sinécure et dépend en grande partie de la minutie des médecins légistes ou pathologistes qui la pratiquent. Déontologiquement, les médecins ont l’obligation et le devoir de restituer les corps aux familles de manière décente, avec une restauration tégumentaire correcte; notions d’expériences, souvent variables et perfectibles en fonction du praticien.


L’autopsie médico-légale est certainement la plus populaire avec les séries télévisées, mais elle peut aussi être réalisée dans le cadre d’un examen anatomo-pathologique, appelé également autopsie scientifique. Cette dernière se limite souvent à un examen thoraco-abdominal et crânial.

L’autopsie médico-légale est généralement effectuée à la suite d’une mort inexpliquée et inattendue. Le médecin légiste, en poussant ses investigations causera un certain nombre de dommages qu’il faudra dissimuler tels que les crevées (incisions sur les membres supérieurs, inférieurs, le dos et parfois le dos des mains) dans le but de découvrir notamment des traces d’hématomes sous-cutanés. Le caractère inattendu de ces décès encourage les familles à voir le défunt afin de réaliser la véracité de la mort, ce qui créera un challenge pour le thanatopracteur.

La théorie des soins sur corps autopsiés

Les soins sur corps autopsiés font partie intégrante du cursus théorique des thanatopracteurs. Sommairement, le corps doit être réouvert pour en sortir ses viscères et les placer dans un sac en plastique avec du fluide de cavité. L’injection du corps se fait via les artères carotides, axillaires, et iliaques qui sont exploitables par l’intérieur de l’abdomen largement ouvert. Ensuite le replacement du sac à viscères et la restauration tégumentaire par des sutures hermétiques, qui fait souvent défaut à la réception du corps.

Ceci est très théorique mais pas trop compliqué à réaliser si les artères sont disponibles et s'’il n’y a pas de crevées. Les artères des membres sont assez évidentes à trouver, et le cas échéant via les incisions classiques : triangle de Scarpa, creux axillaire et dépression entre le biceps et le triceps, il est possible d’injecter celles-ci. Des injections hypodermiques seront bienvenues en cas de crevées pour compléter le travail.

En revanche, les carotides sont d’une importance primordiale pour une bonne saturation de la tête, et du cerveau s’il est toujours présent en cas d’autopsie partielle. Il n’est pas nécessaire de rappeler les enjeux de la conservation de la tête pour la présentation, objet de toutes les attentions de la famille.

L’injection de la tête n’est pas uniquement pour la conservation, mais également pour l’esthétique, en repulpant les tissus et en faisant disparaître d’éventuelles lividités.

Rappels anatomiques

La carotide commune et ses branches terminales (les artères carotides interne et externe) sont les voies d’accès pour injecter la tête.

• L’artère carotide interne sature la région orbitaire par sa dernière branche l’artère ophtalmique, repulpant l’œil et les tissus de sa périphérie. Cette opération est possible en clampant le vestige de l’artère carotide interne au niveau de la selle turcique afin d’augmenter la pression dans la région orbitaire.
• L’artère carotide externe sature les tissus de la face, les oreilles et le scalp. Elle possède huit branches mais généralement les premières sont emportées dans la dissection du bloc laryngé (les artères thyroïdienne sup., linguale, pharyngienne ascendante, et parfois l’auriculaire postérieure). Mais elle reste exploitable en clampant les vestiges de ses premières branches.

Malheureusement au niveau des vertèbres cervicales, il n’est pas rare de ne plus trouver trace des carotides commune, interne ou externe, ou elles sont toujours en place mais ouvertes sur leur longueur, les rendant inutilisables. Dans ces cas, il reste peu d’alternatives. On peut citer :
• un traitement de surface par un gel formolé mais qui durcira et grisonnera la peau lui donnant un aspect cartonneux, de plus la conservation sera de faible profondeur,
• les injections hypodermiques, laborieux travail à effectuer avec une longue aiguille de fin diamètre avec le risque de créer des gonflements. Mais donne un relatif bon résultat,
• l’artère faciale, est souvent "la solution" citée par de nombreux praticiens, effectivement comme son nom l’indique elle alimente la face et par anastomose elle peut se diffuser assez loin dans les tissus.

Les injections artérielles alternatives

Même si les artères carotides internes et externes sont manquantes, elles ne sont pas la condition sine qua non à un soin de qualité. Il est possible d’injecter artériellement tous les tissus de la face, par trois voies alternatives qui s’offrent à nous :

L’artère faciale

L’artère faciale est "facilement" localisable postérieurement à la glande submandibulaire et sur le bord médial du muscle masséter. Elle est assez "élastique" de par sa nécessité de suivre les mouvements de la mâchoire. Par ce fait, elle a une longueur acceptable pour être intubée avec une canule maxillaire (canule extra fine d’un millimètre de diamètre).

Le visage est extrêmement vascularisé, et ce réseau vasculaire possède une infinité d’anastomoses qui interconnectent toutes les artères de la face. De plus ces vaisseaux sont rarement pathologiques et la distribution y est bonne. La distance assez courte entre le site d’injection (carotide ou autres) et les tissus de la face permet d’excellents résultats sur les cyanoses.

Par anastomose l’artère faciale irrigue une bonne partie des joues, du menton, des lèvres inférieure et supérieure (fig. 1). C’est au niveau des lèvres que le passage du fluide est le plus visible par la régénération de celles-ci. La plupart des praticiens se limitent à cette artère mais elle ne suffit pas à alimenter et saturer toute la face, ce qui donne une saturation incomplète. La littérature spécialisée donne peu d’autres solutions, voire aucune. Toutefois il existe des solutions plus confidentielles pour réaliser une saturation complète.

Figures thanato

L’artère ophtalmique par la carotide interne

Il est possible de saturer la région orbitaire et par anastomose une zone plus étendue du somment du nez (par les artères angulaire et dorsale du nez), les paupières et de rejoindre la zone saturée par l’artère faciale. Dans cette configuration, il faut exploiter le vestige de l’artère carotide interne à sa partie distale au niveau de la selle turcique. Le vestige est fréquemment extrêmement court et il est nécessaire de "grignoter" la selle turcique à l’aide d’une pince afin d’avoir un morceau assez long pour être intubé et clampé avec une pince serre-tube.

À l’extrémité proximale, il est indispensable "d’obturer" l’autre partie de l’artère carotide interne afin de forcer le passage du fluide dans l’artère ophtalmique. Pour cela il faut placer un morceau de coton suffisamment imposant et saturé d’eau à la base de la tête où se trouvait la langue, et y appliquer une forte pression lors de l’injection pour bloquer cette voie de sortie du fluide. Par cette méthode, le fluide sera forcé dans l’artère ophtalmique, regonflera l’œil et saturera la région orbitaire. Les paupières et l’œil seront par conséquent conservé.

L’artère temporale superficielle

L’utilisation des artères faciale et carotide interne nous laisse une zone non saturée incluant la tempe, l’oreille et une partie de la joue. Cette zone (fig. 1) peut être injectée par l’artère temporale superficielle. Cette artère est une branche terminale de l’artère carotide externe et monte médialement le long de l’oreille vers le muscle temporal (fig. 2). C’est au niveau du muscle temporal que celle-ci peut être utilisée par une injection proximale.

En effet, par l’incision crâniale il est possible de la disséquer à hauteur du muscle temporal sur l’axe sagittal du bord médial de l’oreille. Par l’utilisation d’une canule maxillaire et beaucoup de délicatesse, l’injection proximale permettra de saturer l’oreille et de faire disparaître ses lividités et de saturer par arborescence le reste de la joue. Cette troisième artère permet un quadrillage complet de la face.

Conclusion.

Si le jeune thanatopracteur espère trouver des carotides intactes après autopsie, l’expérience prouve malheureusement que cela est rarement le cas. Cependant quelques astuces permettent un travail complet pour la saturation de la tête. Il est important de savoir que l’artère faciale ne suffit pas seule à donner un bon résultat. Il est alors possible de compléter la saturation de la face par une injection proximale de l’artère carotide interne et plus insolite par une injection proximale de l’artère temporale superficielle qui permet une saturation de l’oreille et d’une partie de la joue. La saturation "complète" de la face (fig. 1) devient alors possible, permettant la réalisation de notre mission : présenter aux familles leur défunt de la manière la plus correcte possible.
 
Alain Koninckx 
Belgique Thanatopraxie
Spécialiste de la préparation de défunts

Résonance n° 197 - Novembre 2023

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