Le mot "éthique" nous vient du grec "ethikos", lui-même dérivé de "éthos" et "êthos". Le premier fait référence aux habitudes ou coutumes, tandis que le second évoque plutôt le caractère, la demeure, l’abri protecteur. On peut conserver comme signification globale d’"ethos" la manière de vivre.
L’éthique est une branche de la philosophie qui s’intéresse aux comportements des individus, et plus précisément à leur conduite en société. Elle traite des problèmes fondamentaux de la morale. Originellement, éthique et morale ont le même sens. Les deux termes désignaient la discipline pratique qui dit ce qui est bien ou mal en matière de conduite.
On peut cependant retenir quelques nuances entre éthique et morale. La morale a parfois plutôt une connotation religieuse, comporte une notion de contrôle imposé de l’extérieur, porte sur le bien et le mal, et crée des obligations. L’éthique, en revanche, est plutôt de nature laïque, comporte une notion d’auto-contrôle qui part de l’intérieur, porte sur le positif et le négatif, et nous fait réfléchir et nous responsabilise.
L’éthique est une réflexion sur les valeurs qui motivent nos décisions. Cette réflexion s’intéresse à nos rapports à l’autre et porte sur le positif, le juste et l’accomplissement humain. Elle n’impose pas ses préceptes de manière autoritaire, elle n’est pas normative comme la morale. Les règles de cette dernière étant posées, les interrogations et les problèmes qui en surgissent sont du ressort de l’éthique.
De façon générale, dès lors que l’éthique réfléchit sur le rapport qui existe entre les hommes et le monde, elle a le souci de l’autonomie de la personne. Cette autonomie est la condition première de la prise de décision éthique et de toute analyse objective.
En éthique professionnelle, la réflexion porte sur les valeurs qui motivent les conduites des professionnels et qui sont actualisées dans les codes de déontologie. L’idéal de pratique justifie l’imposition de règles parfois contraignantes mais structurantes qui doivent être respectées.
Le mot "déontologie" nous vient lui aussi du grec et plus précisément des mots "deontos" qui signifie devoir, et "logos" qui signifie discours. La déontologie est la science des devoirs. Il a été introduit par le philosophe anglais Jérémy Bentham (1748-1832), et s’applique au monde professionnel en établissant une série de règles et de devoirs auxquels sont soumis les membres d’une même profession ou d’un même corps de métier.
À la différence de l’éthique professionnelle, qui définit ce qu’un individu particulier estime comme moralement correct dans sa profession, la déontologie professionnelle est un code de conduite qui s’applique à tous les professionnels. Comme tous les systèmes de règles, elle a cependant des limites. Et c’est dans les cas complexes et les conflits de valeurs que la réflexion éthique prend toute sa valeur.
Notre société vit actuellement une transformation profonde et rapide et la rapidité de cette évolution entraîne un tourbillon dans lequel certaines valeurs se délitent. Parmi ces valeurs, le respect dû à nos morts n’est pas épargné. Il s’agit pourtant d’un indicateur majeur du niveau de fidélité d’un peuple à un idéal élevé, comme le disait Gladstone.
Déjà en 2013 j’évoquais ici même l’importance de l’éthique et de la déontologie pour la survie de la thanatopraxie, ainsi que les propos du Pr Victor Balthazar en 1929 qui disait que seule une profession obligatoirement organisée pouvait être la fidèle gardienne de sa moralité. Cette notion est en partie reprise dans le rapport d’information sénatorial n° 654 (2018-2019) au nom de la commission des lois, qui fait le constat que la définition d’un cadre rigoureux pour l’exercice de la thanatopraxie est une nécessité.
Cette structuration est une nécessité pour la qualité de ce service public qu’est la thanatopraxie, ainsi que pour l’équilibre et les bien-être des thanatopracteurs. La dégradation des conditions d’exercice, quelle que soit la profession, se traduit toujours, à un degré ou un autre, outre la souffrance des intervenants, par une dégradation de la qualité de la prestation fournie.
Cette dégradation, qui se voit également au niveau du système sanitaire français, entraîne également cette souffrance des personnels soignants et cette dégradation de la qualité de la prise en charge. C’est la structuration des professions de santé, de manière ordinale pour les médecins et infirmiers, l’identification possible à une corporation structurée et la réflexion éthique individuelle "quasi culturelle" chez les soignants qui leur permettent de continuer leur mission avec dévouement et efficacité.
Étant à la fois médecin et thanatopracteur, j’ai la chance d’avoir cette vision unique de la nécessaire continuité déontologique et éthique de la prise en charge du vivant à celle du défunt. Si le terme "éthique", dont nous avons précédemment vu les origines étymologiques, est attribué à Aristote en 345 avant J.-C., c’est une notion devenue à la mode dans tous les domaines.
L’éthique, au sens de "comment faire pour faire mieux selon les règles et les valeurs en cours", peut se décliner dans tous les domaines de la vie sociale. Elle est une réflexion sur les comportements à adopter pour rendre le monde humainement plus acceptable.
Les grandes valeurs que l’on retrouve à l’origine de l’éthique médicale sont :
- Le respect de la dignité de la personne ;
- Le respect de son autonomie et de son consentement libre (non contraint) et éclairé ;
- Le refus de la corruption et de la logique du profit (le principe de justice et d’équité) ;
- Le respect des connaissances et des compétences (la non-malfaisance et le respect du primum non nocere).
La thanatopraxie est un art noble par essence dont l’objet est d’embellir la mort et son exercice "dans les règles de l’art" est indissociable de valeurs éthiques et ces valeurs berceau de l’éthique médicale sont parfaitement transposables à la thanatopraxie : respect de la dignité du défunt, respect du libre choix des familles, refus de la corruption et de la logique de profit et nécessité de solides connaissances et compétences pour l’exercice de cet art.
L’éthique est le socle de la conservation de ces valeurs nobles du respect de la personne humaine et ce parallèle entre médecine et thanatopraxie que je développe depuis de nombreuses années trouve de plus en plus sa justification.
La thanatopraxie vit une nouvelle crise existentielle qui justifie pleinement la remise au goût du jour de ce projet. La création d’un ordre professionnel et d’un code de déontologie de la profession de la thanatopraxie remettant l’éthique au centre de l’activité s’impose. Le modèle retenu doit nécessairement être celui de la santé, permettant ainsi un continuum déontologique et éthique de la vie à la mort.
La thanatopraxie n’est-elle pas la pratique de "soins" de conservation ? Il faut continuer à soigner nos défunts avec la même éthique et la même déontologie que l’on soigne les vivants. La création d’un ordre professionnel permettra de rassembler l’ensemble des thanatopracteurs, de veiller au maintien des principes d’honnêteté et de qualification indispensables à l’exercice de la profession, ainsi qu’au respect des règles édictées par le code de déontologie des thanatopracteurs.
Cet ordre assurera par ailleurs la défense de l’honneur et de l’indépendance de la profession des thanatopracteurs. La structuration ordinale, l’application du code de déontologie et le développement de la réflexion éthique seront par ailleurs les garants du bien-être des thanatopracteurs.
L’aboutissement de ce projet est une nécessité à très court terme et je ne peux qu’émettre le souhait qu’un ou plusieurs parlementaires se saisissent dès maintenant de ce dossier fondamental pour l’avenir de la profession.
Docteur Dominique Lepape
Thanatopracteur
Résonance hors-série n° 14 - Août 2022
Résonance hors-série n° 14 - Août 2022
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