Entre tous les phénomènes associés à la décomposition des corps, le plus répugnant est sans aucun doute la présence d’asticots. Il arrive que les agents de morgue ou de funérarium, sans parler des thanatopracteurs, se trouvent confrontés à ces intrus envahissants.
Claire Sarazin Thanatopracteur Formatrice en thanatopraxie |
Contrairement à certaines idées reçues, les larves ne font pas partie du processus normal de dégra-dation du cadavre, et n’apparaissent pas spontanément à cause de la chaleur, par exemple. Elles sont bien la conséquence d’une ponte. En l’occurrence, pour ce qui concerne celles que nous rencontrons le plus souvent, à savoir à un stade précoce de thanatomorphose, il s’agit des mouches calliphoridae, reconnaissables à leur couleur métallisée.
S’il est possible d’empêcher les diptères d’avoir accès au corps dès lors que ce dernier se trouve dans une chambre mortuaire ou funéraire, il est impossible de savoir si la ponte a eu lieu avant sa prise en charge. Ces mouches ont un odorat extrêmement développé, qui les attire parfois même avant le décès, puisqu’il arrive qu’elles pondent pendant l’agonie. Cela peut paraître, à juste titre, terrifiant, mais en réalité, il s’agit d’un système de reproduction plutôt bien pensé par la nature ; et n’oublions pas que les insectes nécrophages sont avant tout des "nettoyeurs", et qu’on ne saurait leur reprocher de ne pas faire la distinction entre un cadavre humain et un autre de n’importe quelle autre espèce.
Aussi étonnant que cela paraisse, les mouches sont des insectes très réfléchis et organisés. Ainsi, contrairement à ce qu’on pourrait penser, elles ne se reproduisent pas à tort et à travers. La mouche adapte sa ponte en fonction de la réserve de nourriture à disposition, et les larves se regroupent pour générer de la chaleur, qui va accélérer à la fois la décomposition des tissus et le développement des asticots. En dépit de la répulsion qu’ils nous inspirent, les diptères, en plus d’aider à la squelettisation des cadavres, sont également un élément important pour la médecine légale. En effet, plusieurs espèces se succèdent selon le stade de décomposition : ce sont les fameuses escouades de la mort. Elles peuvent donc apporter de précieuses informations pour la datation de la mort.
Mouche calliphoridae et ses œufs.
On sait que si un défunt a été retrouvé à l’extérieur par exemple, ou dans un domicile avec des fenêtres ouvertes, le risque est plus important, mais on peut toujours avoir des surprises. Le développement des larves dépend de la température du corps. Le froid peut donc les ralentir, tout comme la chaleur va accélérer leur croissance. En présence d’asticots, malheureusement, il n’y a pas de solution miracle. Faire pratiquer des soins de conservation ne résoudra pas le problème, les larves peuvent survivre dans un corps formolé. Elles vont simplement ressortir par les orifices et les canaux lacrymaux. Cette vision peut être très traumatisante pour les familles. Certains produits peuvent tuer les asticots, mais il est quasiment impossible de pouvoir les atteindre tous. Dans ces conditions, il est donc préférable de procéder à une mise en bière avec fermeture immédiate.
Avec les mouches, il vaut donc mieux prévenir que guérir. Bien qu’elles aient toute leur place dans l’écosystème, il faut à tout prix les tenir éloignées de nos défunts. Pour cela, les produits insecticides sont une bonne solution, même si la meilleure de toutes est encore de ne pas les attirer, en évitant par exemple d’exposer des corps n’ayant pas reçu de soins de conservation dans des endroits ouverts, et surtout de ne pas les laisser entrer. Aérer un salon est toujours une bonne idée, mais seulement s’il est vide. Jamais de fenêtres ouvertes en présence de défunts, c’est la règle.
Claire Sarazin
Thanatopracteur
Formatrice en thanatopraxie
Résonance n°143 - Septembre 2018
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