Depuis deux ans déjà, Laurent Sarazin, tireur pluridisciplinaire compétiteur, champion régional de tir à 10, 25 et 50 m, président d’un club de tir et collectionneur passionné d’armes anciennes, intervient au centre de formation Thanatopraxie Art et Technique et à l’AFITT pour dispenser un cours d’approche de la balistique aux élèves thanatopracteurs.
Laurent Sarazin devant ses pistolets et silex. |
Parler de l’effet des projectiles dans une formation de thanatopraxie, l’idée peut paraître étonnante de prime abord, mais les élèves seront confrontés un jour dans leur future carrière à des cas de suicide ou de meurtre par arme à feu. Le but de ce cours est donc de leur expliquer l’impact qu’une balle peut avoir sur le corps humain, et donc de leur permettre de mieux déterminer la technique d’embaumement qu’ils vont utiliser en fonction des dégâts causés.
Bien sûr, un soin sur une personne tuée par arme à feu ne peut avoir lieu qu’après la levée de tout obstacle médico-légal, mais il peut arriver, dans de très rares cas, qu’une plaie par arme à feu ne puisse pas être repérée. Par exemple, s’il s’agit d’un petit calibre avec une munition peu puissante avec un orifice d’entrée situé dans les cheveux. Il se peut également que le projectile pénètre par un orifice naturel et qu’il n’y ait pas d’orifice de sortie.
Il n’est pas exclu non plus de trouver un jour une arme sur un corps, pistolet ou revolver. Si cela arrive, il est essentiel de respecter certaines règles de sécurité. Une arme à feu doit toujours être considérée comme chargée et prête à faire feu. Il convient donc de pointer l’arme dans une direction sécurisée, de tenir le doigt éloigné de la détente et de ne pas toucher au chien (ce qui permet de percuter la douille). Il faut ouvrir le barillet ou la culasse et vérifier qu’aucune munition n’est chambrée et retirer les munitions. Quelqu’un qui ne se sent pas capable de réaliser ces opérations doit se contenter de placer l’arme délicatement avec le canon dans une direction sécurisée et de prévenir la police ou la gendarmerie.
En France, toutes les armes sont classées selon différentes catégories en fonction de leur type. Certaines sont autorisées sous conditions et d’autres interdites. Pour obtenir un permis de détention (le port d’armes est strictement interdit en France, sauf pour la police, la gendarmerie et les douanes), il faut être majeur, titulaire du permis de chasse ou être sportif et pratiquer régulièrement.
- La première catégorie regroupe les armes de guerre telles que fusil d’assaut, pistolet mitrailleur, fusil mitrailleur, lance-grenades ou lance-roquettes.
- La deuxième catégorie regroupe les supports d’armes militaires, avions, porte-avions, sous-marins ou chars d’assaut.
- La troisième catégorie regroupe les armes nucléaires, bactériologiques et chimiques.
- La quatrième catégorie regroupe les armes de défense, pistolet, revolver et armes de tir sportif, dont la détention nécessite un accord préfectoral.
- La cinquième catégorie regroupe les armes de chasse à canon rayé ou lisse, qui doivent être déclarées.
- La sixième catégorie regroupe les armes blanches, telles que poignard, couteau de combat et baïonnette, autorisées au domicile mais pas au port. Entrent dans cette catégorie des armes de dissuasion, telles que bombes lacrymogènes, en principe autorisées au port.
- La septième catégorie regroupe les armes de tir telles que carabines de salon, de jardin, de foire, 22-long riffle à répétition manuelle ou à un coup, des armes à canon lisse de faible calibre (6 mm) ou armes utilisant des munitions à percussion annulaire dont la détention est autorisée.
- La huitième catégorie regroupe les armes de collection. Elle comporte certaines armes blanches telles que sabre ou épée. Elle concerne aussi des armes de tir de toute catégorie, y compris des armes militaires : fusil d’assaut, mitrailleuse, ainsi que des munitions qui auront été neutralisées de façon officielle (après passage au banc d’épreuve à Saint-Étienne). Entrent dans cette catégorie les armes trouvées sur les anciens champs de bataille, qui doivent faire l’objet d’une déclaration et d’une neutralisation.
L’arme semble bien être la plus ancienne invention de l’homme. Dès la préhistoire, il se saisit d’un bâton qu’il lança en direction d’une cible. Il lui fallut bien plus de temps pour apprendre à utiliser le feu ou même inventer la roue. L’invention de l’arme eut un impact immense sur ses conditions de vie. Elle lui permit de satisfaire deux besoins vitaux indispensables : la nourriture et la protection. En effet, le constant perfectionnement des armes permit à l’homme de chasser des animaux trop grands pour être capturés et lui assura une protection contre les prédateurs, et principalement le plus grand d’entre tous : son alter ego.
La course aux armes était lancée et il faut bien dire qu’elle a dirigé jusqu’à aujourd’hui l’histoire de l’humanité. Nier le rôle prépondérant qu’ont joué les armes en général et les armes à feu en particulier revient à nier l’histoire elle-même.
On ne peut savoir avec certitude qui a inventé la poudre à canon, bien que beaucoup de pays la revendiquent, mais la première mention écrite de la recette de la poudre apparaît en Angleterre vers 1260.
Malgré leurs différences apparentes, toutes les armes à feu possèdent des points communs. On trouve sur pratiquement toutes les armes les éléments suivants :
- un tube,
- une chambre,
- une culasse mobile,
- une poignée,
- une queue de détente,
- des appareils de visée.
Le projectile classique est formé d’un noyau en plomb enfermé dans un chemisage en laiton (balle full metal jacketted). Si l’on souhaite augmenter les performances de pénétration du projectile, on peut placer en son centre un insert en acier (hard core). D’autres types de projectiles perforants existent, bien sûr. Si l’on souhaite au contraire que le projectile s’arrête plus rapidement dans la cible, on cherchera à la faire s’expanser. À cette fin, on gardera toujours une grande partie du chemisage en laiton afin d’avoir une bonne prise de rayures dans le canon, mais on coupera l’extrémité de façon à laisser le plomb nu (balle soft point). Ce dernier matériau, relativement mou, se déformera facilement.
La balistique, du latin scientifique ballisticus, est la science qui étudie le comportement d’un projectile soumis à des forces et les mouvements des corps lancés dans l’espace, plus spécialement des projectiles de guerre. Cette technique est utilisée pour déterminer la trajectoire d’une balle tirée avec une arme à feu, et depuis longtemps, par les militaires pour obtenir des tirs de précision.
Jusqu’au Ve siècle avant J.-C., l’armée romaine est précurseur en matière de balistique, avec des armes de guerre très développées, telles que les balistes (arbalètes géantes) et les catapultes. Les études balistiques des grandes armes de siège étaient indispensables pour effectuer des tirs précis et infliger ainsi de lourdes pertes aux ennemis. Jusqu’au milieu du XVe siècle, l’idée répandue est que les boulets se déplacent en ligne droite entre le canon et sa cible. La balistique extérieure naît en Italie grâce au mathématicien Nicolo Tartaglia Fontana, qui publie Nova Scienza et affirme qu’aucune partie de la trajectoire d’un projectile ne peut être droite et que plus sa vitesse est grande, plus sa trajectoire est plate. Il introduit ainsi l’usage des instruments de calcul et des tables de tir dans l’artillerie. Cela constitue une étape importante dans l’étude des lois de la chute des corps. Au XVIIe siècle, Galilée démontre que, dans le vide, un projectile décrit un arc de parabole. À cette même époque, la loi de la gravitation est formulée par Isaac Newton.
Robins, Euler et d’Alembert fondent ensuite une balistique beaucoup plus scientifique, tenant compte notamment de la résistance de l’air.
Dans le domaine de la police scientifique, en 1889, Alexandre Lacassagne, à l’Université de Lyon, démontre qu’une balle peut être associée à l’arme qui l’a tirée en comparant les stries de la balle avec la rainure en spirale du canon. En 1898, le chimiste allemand Paul Jeresich est le premier à tirer une balle avec l’arme d’un suspect en vue de la comparer avec un projectile retrouvé sur les lieux du crime, ce qui conduira à la condamnation du tueur. En 1920, le physicien John Fisher invente l’helixomètre, destiné à enregistrer l’aspect de l’intérieur du canon des armes à feu. Aux États-Unis, Charles Waite commence un catalogue international des armes à feu. Cinq ans plus tard, il disposera d’un outil permettant de déterminer quel modèle d’arme a tiré un coup de feu en examinant les balles retrouvées. En 1923, Waite et Gravelle mettent en place le premier bureau de balistique à New York. En 1929, l’identification des armes employées par les tueurs d’Al Capone lors du massacre de la Saint-Valentin conduisent à l’arrestation de l’un d’entre eux. 1959 voit l’invention d’u test par coloration pour identifier les résidus des coups de feu. En 1992, les laboratoires du FBI demandent la création de la base de données Gunfire, qui regroupe les détails des marques sur les balles et les douilles. En 1996, la base de données des munitions est mise en ligne. En 2000, le FBI et l’ATF fusionnent leurs bases de données pour créer le Réseau National Intégré de Balistique.
Même si la balistique puise ses origines dans l’Antiquité, elle n’a pu se développer que récemment, grâce aux découvertes scientifiques, et n’a été mise en application dans le domaine judiciaire qu’à partir du début du XXe siècle.
Si les candidats au Diplôme national de thanatopracteur risquent de voir se glisser dans les QCM de médecine légale quelques questions de balistique, ces cours leur seront surtout utiles dans leur future carrière professionnelle. Laurent Sarazin a lui-même eu l’occasion de dispenser ses conseils lors de soins et de reconstructions faciales après des blessures par armes à feu.
Claire Sarazin,
thanatopracteur
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