Question : Combien d’employés sont censés être présents pour faire un transport à visage découvert ou avant mise en bière ? Existe-t-il un texte de loi qui stipule l’obligation d’être au minimum deux personnes pour faire cette intervention ? Car, dans mon entreprise, quand le décès intervient en centre hospitalier, une seule personne va chercher le défunt. Qu’en est-il au niveau CHSCT (Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail) ?
Réponse :
A priori, il n’existe aucune norme réglementaire afférente au nombre des porteurs dédiés au transport d’un corps avant mise en bière, sauf à se référer à l’arrêté du 23 août 2010 portant définition du modèle de devis applicable aux prestations fournies par les opérateurs funéraires (NOR : IOCB1012529A) du ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales et le secrétaire d’État à l’Intérieur et aux Collectivités territoriales, qui énonce :
"En son art. 1er : En application de l’art. L. 2223-21-1 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), les devis proposés par les entreprises, régies et associations habilitées en vertu de l’art. L. 2223-23 du même Code doivent être établis conformément au modèle défini en annexe du présent arrêté."
Dans ce devis type, il est mentionné à propos des transports de corps avant mise en bière : (tableau ci-dessous)
La notion d’équipe fait intervenir, normalement et logiquement, au minimum deux personnes
En revanche, aucune autre disposition réglementaire ne s’applique à la composition éventuelle d’un équipage, dont, plus particulièrement, les articles R. 2213-7 à R. 2213-14 du CGCT, qui n’abordent pas cette matière afférente uniquement à la logistique.
D’ailleurs, selon la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF), rubrique "Prestations funéraires", le nombre des porteurs est fixé par cette formulation : "Les prestations obligatoires et facultatives : en l’état actuel de la législation, seuls le cercueil avec quatre poignées, à l’exclusion de ses accessoires intérieurs et extérieurs, la plaque d’identité ainsi que l’opération d’inhumation ou de crémation, avec le cendrier cinéraire ont un caractère obligatoire." Or, manifestement, les poignées sont destinées au portage du cercueil.
2 - Transport du défunt avant mise en bière (sans cercueil), pour retour du corps à domicile, dans une chambre funéraire ou tout autre lieu |
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Mise à disposition d’un véhicule funéraire, avec son équipe |
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Housse mortuaire |
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• Forfait de transport • Transport pour un trajet de x km aller/retour |
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Que ce soit le règlement national des pompes funèbres (décret du 9 mai 1995), ou que l’arrêté susvisé, les transports de corps avant mise en bière ne sont pas considérés comme des prestations obligatoires (cas du décret du 9 mai 1995, puisque qualifiées de facultatives) ou, dans le cas de l’arrêté du 23 août 2010, précité, qui les qualifie d’opérations optionnelles, force est d’admettre que ces modes de transport des corps ne sont pas réellement encadrés.
Mais, en revenant sur les prescriptions des devis types et l’obligation de les délivrer gratuitement et par écrit aux personnes désireuses de faire jouer la concurrence, il convient de conclure que ce sont les principes contractuels qui devraient, en toute logique, déterminer les modalités de l’organisation de ces "portages" à l’aide de brancards.
On en vient donc à s’attacher aux termes du bon de commande (véritable contrat de vente des prestations), qui est établi sur la base du devis normé par l’arrêté du 23 août 2010, pour conclure que les conditions de l’organisation de ce transport devraient être stipulées dans ce bon de commande, et ce, en vertu, également, des effets de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, l’art. 1134 du Code civil ayant été remplacé par trois articles, savoir :
- Art. 1103 : "Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits." Il sera noté que cette rédaction reprend partiellement celle de l’alinéa 1er de l’art. 1134 du Code civil, en ce qui concerne la nature et la portée des contrats, qui continuent de "tenir lieu de loi à ceux qui les ont faits".
- Art. 1193 : "Les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties ou pour les causes que la loi autorise."
- Art. 1104 : "Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public."
En conclusion
Sauf en matière de transport des corps après mise en bière, donc en cercueil, les éléments du droit positif justifient que les quatre poignées exigent la présence de quatre porteurs pour les obsèques, opinion confirmée par la Cour de cassation (10 mars 1908, DP, 1908, n° 1469, conclusions Feuilloley, et 16 juillet 1918, DP, 1922, no 122).
Mais, à l’exception de l’obligation d’affecter quatre porteurs lors d’un convoi funèbre, et, sauf à considérer que les effets de l’arrêté en date du 23 août 2010, qui sont réglementaires doivent être respectés, encore faut-il tenir compte des dispositions internes à l’entreprise qui est maître de ses productions, lesquelles dépendent également de la modernité des brancards utilisés, dont ceux escamotables, puisque, lors d’une opération effectuée dans un établissement de santé public ou privé ou social ou médico-social, le transporteur est susceptible d’obtenir des agents hospitaliers ou assimilés, dont ceux en poste en chambre mortuaire, une aide pour la manutention d’un tel brancard au moment du positionnement du corps, il serait alors possible d’envisager que la présence d’un seul agent, chauffeur/porteur, serait suffisante.
En revanche, lors de la destination finale et selon le lieu de dépôt du corps, si aucune opportunité d’aide ne se présentait, alors la notion de l’équipage devrait être la règle. C’est donc au cas par cas que la situation devrait être examinée et résolue.
En outre, définir les protocoles opératoires et la protection de la santé physique des personnels constitue une mission du CHSCT dans les entreprises, et du CHS dans les services publics communaux.
Jean-Pierre TRICON
Chevalier dans l’Ordre national du Mérite
Maître en Droit
DESS Gestion des collectivités locales
Co-auteur du "Traité de Législation
et Réglementation Funéraire"
Consultant au Cabinet d’avocats
Pezet & Associés
Formateur
Nota : Arrêté du 23 août 2010 portant définition du modèle de devis applicable aux prestations fournies par les opérateurs funéraires.
ANNEXE : Arrêté du 23 août 2010 portant définition du modèle de devis applicable aux prestations fournies par les opérateurs funéraires.
Vu le Code général des collectivités territoriales, et notamment ses art.s L. 2223-20 et L. 2223-21-1 ; Vu l’avis du Conseil national des opérations funéraires en date du 18 mars 2010 ; Article 1 En application de l’art. L. 2223-21-1 du Code général des collectivités territoriales, les devis proposés par les entreprises, régies et associations habilitées en vertu de l’art. L. 2223-23 du même Code doivent être établis conformément au modèle défini en annexe du présent arrêté. Article 2 Les dispositions du présent arrêté entrent en vigueur le 1er janvier 2011. Article 3 Le directeur général des collectivités locales et le directeur de la modernisation et de l’action territoriale sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent arrêté, qui sera publié au Journal officiel de la République française. Annexe (À télécharger) Modifiée par Arrêté du 3 août 2011 – art. 1 MODÈLE DE DEVIS RÉGLEMENTAIRE (ANNEXE À L’ARRÊTÉ DU 23 AOÛT 2010) En application de la réglementation funéraire, seules les prestations suivantes sont obligatoires : fourniture d’un véhicule agréé pour le transport du corps (avant ou après la mise en cercueil), d’un cercueil de 22 mm d’épaisseur – ou 18 mm en cas de crémation – avec une garniture étanche et 4 poignées et, selon le cas, les opérations nécessaires à l’inhumation et/ou à la crémation (avec fourniture d’une urne cinéraire permettant de recueillir les cendres issues de la crémation). |
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