Réponse à la question posée à Résonance par le gérant d’une entreprise de marbrerie funéraire.
Texte de la question
Nous avons récemment fermé un caveau, après une inhumation, en repositionnant les dalles de fermeture jointivement, sans les sceller, mais en remettant dans la foulée le soubassement du monument, de manière à ce que les dalles ne puissent être déplacées aisément. Ma question est la suivante : La réglementation nous oblige-t-elle à sceller les dalles de fermeture d’un caveau après inhumation ?
Texte de la réponse :
Suite à la question posée à Résonance, à propos des modalités de la fermeture d’un caveau préexistant, après une inhumation, effectivement, après avoir effectué des recherches approfondies, tant dans la doctrine, que dans la jurisprudence, je n’ai pas trouvé de réponse fiable et pertinente à votre question.
En matière de jurisprudence, seul un arrêt de la Cour de cassation évoque, superficiellement, la fermeture d’un caveau. Il s’agit de l’arrêt en date du 11 octobre 1989, no de pourvoi : 88-14927, de la 2e chambre civile, qui énonce dans ses considérants :
"Mais attendu que l’arrêt énonce que, ni le devis de construction du caveau, ni la facture ne font expressément mention de la réalisation de deux cases sanitaires supplémentaires et après avoir rappelé la manière dont a été réalisé le caveau, retient que le mode de fermeture correspondant aux normes sanitaires est conforme aux engagements contractuels de M. Y... et que les huit cases individuelles du caveau pourront recevoir chacune un cercueil conformément à la volonté de Mme X... ; que la cour d’appel a ainsi répondu aux conclusions invoquées ; que le moyen n’est pas fondé."
Mais la cour s’est bien abstenue d’énoncer quelles étaient ces normes sanitaires auxquelles elle fait référence. En matière de doctrine, aucune question écrite d’un parlementaire n’a été posée à l’un des ministères compétents (Intérieur ou Santé).
Sur Internet, que trouve-t-on ?
Un article intitulé : "Les normes et prescriptions pour un caveau". Il y est écrit : "En ce qui concerne l’effet du poids de la terre, l’affaire est réglée puisque le caveau est doté d’espaces vides destinés à l’accueil et à la protection des cercueils. Témoin la pratique de scellement des dalles intérieures du caveau qui complètent si nécessaire la protection de chaque cercueil (en fonction du nombre de places disponibles et de l’aménagement de l’espace intérieur pour procéder convenablement aux inhumations successives).
En revanche, il reste la question de l’eau. Faut-il, tout d’abord, rappeler que le corps humain en est composé à 70 %. Il crée donc une source d’humidité dès l’inhumation. À cela s’ajoute le phénomène naturel de la condensation qui résulte des variations de température entre le jour et la nuit. Ces deux phénomènes entraînent, fatalement, l’apparition d’une eau en fond de caveau dont la quantité peut parfois surprendre. Il n’est pas rare de constater, à l’ouverture d’un caveau, un espace inondé. Cette situation peut choquer certaines familles, et nécessite ici des explications.
Une telle quantité d’eau peut provenir de plusieurs causes, combinées ou non
- La clôture supérieure du caveau peut parfois laisser l’eau s’infiltrer (pluie, ruissellement d’allées) alors même que le scellement doit par nature autoriser une réouverture facile afin d’éviter de causer des dégâts sur l’ensemble du bâti.
- Les murs suintent, l’eau s’infiltre par les côtés (source d’eau dans le sol dont la cause est à déterminer, fortuite ou prévisible).
Il y est bien utilisé le terme "scellement", bien qu’il doive, par nature, autoriser une réouverture facile ... (puis à la suite) : "Les murs suintent, l’eau s’infiltre par les côtés (source d’eau dans le sol dont la cause est à déterminer, fortuite ou prévisible), ce qui laisse supposer que ces désagréments nécessitent la fermeture des murs d’une manière de nature à éviter ces phénomènes."
Mais, ainsi que vous pourrez le lire, la suite de cet article (annexée à la réponse adressée au requérant), est nuancée
Ces situations ne doivent pas durer, car, si la présence d’eau dans un caveau est techniquement concevable (et pas forcément inutile vis-à-vis du processus de décomposition des corps), sa stagnation intérieure est en revanche à éviter. Plus que la fabrication et la pose du caveau, c’est la nature du sol de la sépulture qui peut poser un problème d’aptitude, contrairement à l’interprétation actuelle des juges en la matière. La mairie qui a concédé le terrain sans avertir le concessionnaire de l’état exact du sol, avec les phénomènes d’inondation récurrente, qui sont parfois prévisibles (nappe phréatique haute, configuration du terrain et de la végétation dans les allées, etc.), s’expose à être mise en cause pour manque à ses obligations (aptitude du sol constatée par hydrogéologue, modalités d’information sur le contrat d’attribution de concession). De même, un professionnel funéraire doit correctement informer son client et ne pas lui promettre un caveau censé garder le défunt au sec (conditions générales de vente).
En revanche, il existe des caveaux dits "autonomes", conformes à la norme NF P 98-049 qui est une garantie de produit en sortie d’usine (caveau équipé d’un filtre d’épuration des gaz), ne s’étendant pas à la conformité du service de la pose au cimetière. La caractéristique du béton avec lequel ils sont fabriqués permet d’assurer une étanchéité de bassin aux gaz et à l’eau, ce qui permet d’éviter les échanges avec le sol quand on craint que les émanations du cadavre contaminent la nappe phréatique (circonstance résultant d’une implantation incorrecte du cimetière, qui résulte d’une faute de la commune, faut-il aussi le préciser). L’étanchéité totale n’existe pas, puisqu’il faut ajouter au bassin du caveau un couvercle (dalle de fermeture) et assurer de surcroît une ventilation suffisante du volume intérieur d’air (avec filtration des gaz lorsqu’ils s’échappent à l’extérieur du caveau).
De par mon expérience professionnelle, à Marseille, les fermetures des portes des caveaux enterrés s’opéraient à l’aide de ciment prompt, étant précisé que les fossoyeurs passaient sur les encadrements, avant l’application du ciment, des couches ou bourrelets de terre argileuse, qui augmentaient le pouvoir d’étanchéité.
Pour les caveaux dont l’ouverture s‘effectuait par le toit ou le dessus, en règle générale, il s’agissait de "dallettes" assemblées, mais scellées, également, au ciment prompt. Quant à la norme NF, délivrée par le CERIB (organisme mandaté accrédité sous le no 5-0002) par le COFRAC (Comité Français d’Accréditation), son champ d’application vise la certification des caveaux autonomes préfabriqués en béton, relevant de la norme NF P 98-049.
Ce sont des enfeus, des caveaux monoblocs ou à éléments séparés, d’une ou plusieurs places, à ouverture frontale ou supérieure, avec des dimensions variables, équipés d’un système épurateur des gaz et d’un bac de rétention des liquides.
Les caractéristiques certifiées sont les suivantes :
- l’aspect,
- les caractéristiques géométriques,
- les caractéristiques physiques (perméabilité à l’air, étanchéité à l’eau),
- les caractéristiques mécaniques,
- les caractéristiques des accessoires (bac de rétention des liquides, système épurateur de gaz).
Certains de ces caveaux ont été réalisés par le groupe BONNA SABLA sous la marque "Antipool" (anti-pollution).
En conclusion
Force est d'admettre qu'il n'existe aucun texte législatif, ni réglementaire étatique, afférent aux modalités de la fermeture d'un caveau après inhumation ou exhumation. Dès lors, eu égard aux pouvoirs conférés aux maires, tant selon la législation portant sur ses pouvoirs dits de police générale, destinés à garantir l’hygiène et la salubrité publique, ou ceux de police spéciale, sur les cimetières de sa commune, c'est à lui que revient, devant ce vide juridique, d'instaurer une réglementation propre à sa commune, via le règlement du ou des cimetières, qui est, il convient de le souligner, un règlement autonome, car non contraint par des textes réglementaires supérieurs étatiques).
Or, vous indiquez dans votre courriel qu’il n’existe pas dans la commune concernée un tel règlement. Dès lors, selon la formule consacrée en droit, comment ce qui n’est pas interdit ne saurait être autorisé ? Mais, personnellement, je me permets de vous délivrer un conseil : s’il s’avérait que le mode de fermeture utilisé serait de nature à engendrer des nuisances olfactives ou bactériennes, voire à faciliter l’intrusion d’eau dans le caveau, votre responsabilité professionnelle pourrait être engagée sur le fondement de l’art. 1382 du Code civil, ainsi que sur le non-respect des règles de l’art.
Rappel art. 1382 du Code civil : "Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer."
Jean-Pierre Tricon
Chevalier dans l’Ordre national du Mérite
Maître en droit
DESS en gestion des collectivités locales (Master II)
Co-auteur du Traité de Législation et Réglementation Funéraire
Consultant en droit public et droit funéraire
Formateur
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