Une commune peut-elle interdire l'inhumation d'un cercueil hermétique dans le terrain commun ? Alors que cette interdiction paraît justifiée d'un point de vue pratique, le droit ne laisse que peu d'initiative à la commune qui subit les obligations imposées par le Code général des collectivités territoriales.
I - Inhumation des cercueils hermétiques et terrain commun du cimetière
Dans notre cimetière, l’inhumation dans un cercueil hermétique en terrain commun est par principe interdite. Toutefois, existent des exceptions, notamment en présence de maladie contagieuse.
Nous avons quelques interrogations à formuler à ce sujet :
- Existe-t-il un cadre juridique réglementant l’inhumation des cercueils hermétiques dans le terrain commun : profondeur de la fosse, délai de rotation, etc ?
- Sous prétexte d'un manque d'emplacement en terrain commun, la commune peut-elle contraindre la famille du défunt titulaire d'une concession d'inhumer le cercueil hermétique dans le terrain concédé ?
- La commune doit-elle prendre en charge les frais de cercueil hermétique si le défunt est sans famille ou en situation d'indigence ?
- La commune peut-elle procéder dans la même fosse à une inhumation en superposition du premier cercueil ? Quelles seraient dans ce cas les dimensions à respecter ?
II - Obligations d’un cercueil hermétique en dehors du transport international de corps
Hormis l’hypothèse d’un transport international de corps (puisque le cercueil hermétique s’imposera alors quasi systématiquement), dans trois hypothèses (CGCT, art. R. 2213-26), la mise en bière implique l'utilisation d'un cercueil hermétique (dont les caractéristiques techniques sont décrites à l'art. R. 2213-27) :
- si la personne était atteinte au moment du décès d'une des infections transmissibles dont la liste est fixée au "a" de l’art. R. 2213-2-1 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) ;
- en cas de dépôt du corps soit à résidence, soit dans un édifice cultuel (le décret n° 2011-121 a supprimé la mention du dépôt dans un dépositoire, c'est-à-dire un local aménagé par la commune et destiné au dépôt des cercueils), soit dans un caveau provisoire, pour une durée excédant six jours ;
- si le préfet le prescrit (par exemple en cas de maladie suspecte ; V. notamment CGCT, art. R. 2213-19).
III - Possibilité de refuser une inhumation d’un cercueil hermétique dans le terrain commun
Les communes se voient imposer l'inhumation de certaines personnes (CGCT, art. L. 2223-3). En effet, la sépulture dans le cimetière communal est due :
- aux personnes décédées sur le territoire de la commune, quel que soit leur domicile ;
- aux personnes domiciliées sur son territoire, alors même qu'elles seraient décédées dans une autre commune ;
- aux personnes non domiciliées dans la commune mais qui ont droit à une sépulture de famille.
La délivrance de concessions funéraires constituant une simple faculté pour les communes, ce droit à l'inhumation doit s'entendre comme le droit à être inhumé dans le terrain commun, mais, dans l'hypothèse de places disponibles, le refus d'une concession à une personne répondant aux conditions de l'art. L. 2223-3 est illégal (CE, sect., 5 déc. 1997, n° 112888, Cne Bachy c/ Saluden-Laniel : Rec. CE 1997, p. 463 ; AJDA 1998, p. 258 concl. D. Piveteau ; LPA 28 sept. 1998, p. 7, note D. Dutrieux).
Concernant les personnes disposant d'un droit à l'inhumation dans le cimetière communal, la loi n° 2008-1350, du 19 décembre 2008, a ajouté à cet art. L. 2223-3 une quatrième hypothèse. La sépulture dans le cimetière communal est dorénavant due "aux Français établis hors de France n'ayant pas une sépulture de famille dans la commune et qui sont inscrits sur la liste électorale de celle-ci".
Or, par définition, ces Français établis hors de France risquent de "subir" un transport international de corps et donc une inhumation en cercueil hermétique… Il en sera de même d’un défunt non réclamé et décédé d’une infection transmissible ayant amené le médecin qui a constaté le décès à prescrire un cercueil hermétique (que la commune devra payer en cas de corps non réclamé ou de défunt sans ressources ; CGCT, art. L. 2213-7 et L. 2223-27)…
IV - Interdiction d’interdire !
Dès lors qu’une réglementation locale (en l’occurrence l’arrêté du maire portant règlement du cimetière) ne peut contrer un droit ouvert par la loi, ou une obligation imposée par le législateur à la commune (inhumation des personnes dépourvues de ressources suffisantes et défunts non réclamés), il n’existe aucun fondement juridique valable pour qu’un règlement puisse contenir une telle interdiction.
Par ailleurs, le terrain commun est de droit, même si la famille dispose d’une concession funéraire, dès lors que l’on rentre dans l’une des hypothèses de l’art. L. 2223-3 précité.
V - Application des règles communes pour l’inhumation d’un cercueil hermétique
Le terrain commun ne permet que l’inhumation individuelle. Les dimensions des fosses sont précisément déterminées (CGCT, art. R. 2223-4 et R. 2223-5), et elles sont mises gratuitement à la disposition des personnes jouissant du droit à l'inhumation dans le cimetière communal. Le juge administratif n'hésite pas à annuler une délibération n'instituant dans le cimetière que des concessions sans prévoir de terrain commun, en raison du caractère facultatif des premières et obligatoire du second (CAA Nancy, 1re ch., 27 mars 2003, n° 98NC000275, Lemoine ; Collectivités-Intercommunalité 2003, comm. 170, note D. Dutrieux). Il n’est donc pas possible d’arguer du manque de place dans le terrain commun.
Concernant le délai de rotation, c’est le délai de droit commun (en général cinq années). Néanmoins, lors de l’exhumation administrative, le cercueil sera changé pour le dépôt à l’ossuaire. C’est pour éviter le dépôt de grands cercueils, plutôt que de boîtes à ossements, que le nouveau cercueil sera laissé dans la fosse (alors "rebouchée") et que sera attendu un nouveau délai de rotation (c’est pour cela que l’on souhaiterait pouvoir interdire les cercueils hermétiques dans les terrains communs !).
Damien Dutrieux,
consultant au CRIDON Nord-Est, maître de conférences associé à l’Université de Lille 2.
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