Les communes ont-elles une obligation d’entretien des tombes des soldats morts pour la France dont les corps ont été restitués aux familles ?
Question écrite n° 04086 de M. Yves Détraigne (Marne - UDI-UC) publiée dans le JO Sénat du 24/01/2013 - page 240
M. Yves Détraigne attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de la Défense, chargé des anciens combattants, sur l'entretien des tombes des anciens combattants.
S'il est courant que l'association "Le Souvenir français" se substitue aux familles défaillantes afin d'assurer la pérennité des sépultures de guerre lorsque la dépouille mortelle du soldat avait, à l'époque, été rendue à la famille, il s'étonne toutefois que la solidarité nationale ne puisse s'exprimer également.
Au nom du devoir de mémoire, il lui demande donc s'il pourrait être envisagé d'imposer des obligations aux communes en matière d'entretien des tombes des anciens combattants.
Réponse du ministère chargé des Anciens combattants publiée dans le JO Sénat du 03/10/2013 - page 2880
Aux termes des dispositions des articles L. 498 et suivants du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG), seules sont entretenues à titre perpétuel, aux frais de l'État, les tombes des soldats bénéficiaires de la mention "Mort pour la France" et dont les corps n'ont pas été restitués aux familles, celles-ci ayant choisi de les laisser sous la sauvegarde de l'État sur le lieu de leur première inhumation situé dans un cimetière national ou dans un carré spécial au sein d'un cimetière communal.
Lorsque les corps des soldats morts pour la France sont restitués aux familles, à la demande de celles-ci, pour être inhumés dans des sépultures familiales, l'art. L. 496 du CPMIVG précise que ces familles perdent le droit à l'entretien perpétuel de la sépulture aux frais de l'État. Il leur incombe alors d'en prendre soin, sans qu'il leur soit possible, aux termes de l'art. D. 408 du CPMIVG, d'obtenir la réinhumation du corps dans un cimetière national ou un carré militaire.
En effet, du jour de la restitution, les sépultures de ces soldats échappent à la compétence de l'État. Le régime juridique qui leur est alors applicable est celui des sépultures privées situées au sein des cimetières municipaux, tel qu'il est défini aux articles L. 2223-1 et suivants du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) précisant les obligations des communes envers les sépultures implantées sur leur territoire.
Lorsqu'il n'existe plus de titulaires de la concession que le maire aurait eu la faculté de mettre en demeure de réaliser les travaux d'entretien et de sécurité nécessaires, c'est la commune qui doit les réaliser d'office, sous peine d'engager sa responsabilité vis-à-vis, notamment, des titulaires d'autres concessions susceptibles d'être affectées par la dégradation constatée.
Par ailleurs, les dispositions des articles L. 2223-17, L. 2223-18 et R. 2223-12 à R. 2223-23 du CGCT permettent la mise en œuvre de la procédure de reprise pour état d'abandon. Les communes peuvent alors soit reprendre l'entretien à leur compte, soit disposer des concessions en cause en transférant les restes mortels dans l'ossuaire municipal. Cependant, elles sont incitées, dans ce cas, à ne pas négliger la mémoire des soldats morts pour la France. Nombre d'entre elles s'acquittent de ce devoir en apposant sur l'ossuaire une plaque au nom du soldat défunt, faisant état de sa mention "Mort pour la France".
En tout état de cause, il ne paraît pas opportun d'imposer aux communes des obligations supplémentaires à l'égard des sépultures des soldats morts pour la France dont les corps ont été restitués aux familles. En effet, une telle mesure consisterait à annuler la portée de la décision prise par ces familles qui ont librement accepté les conséquences du régime juridique de la sépulture choisie pour abriter le corps qui leur a été restitué.
Par ailleurs, elle reviendrait à privilégier ces tombes par rapport à celles qui sont restées sous la responsabilité de l'État, dans la mesure où l'entretien d'une sépulture privée est plus onéreux que celui d'une sépulture militaire située dans un cimetière national ou un carré militaire. De ce fait, elle imposerait aux communes une charge financière supplémentaire, d'autant moins opportune, que celles d'entre elles qui entretiennent pour le compte de l'État les sépultures militaires perpétuelles situées dans leurs cimetières, ne bénéficient actuellement que d'une indemnité forfaitaire, dont le taux, en valeur actualisée, s'élève à 1 euro et 22 centimes, par tombe et par an, conformément à l'arrêté du 29 février 1980.
Enfin, les communes qui éprouveraient de réelles difficultés à assurer l'entretien et la préservation des tombes concernées, ont également la possibilité de solliciter à cette fin la participation d'associations commémoratives, tel le Souvenir français qui s'est donné pour mission, comme le souligne l'honorable parlementaire, de contribuer à l'entretien des sépultures des personnes titulaires de la mention "Mort pour la France", sans considération du statut juridique de ces tombes. Le Souvenir français remplit cette mission, d'une part, pour le compte de l'État et moyennant l'indemnité forfaitaire précitée, dans de nombreux cimetières communaux abritant les corps des soldats morts pour la France non restitués aux familles, d'autre part, en relais des familles et sur ses ressources propres, s'agissant notamment des tombes en déshérence où reposent les soldats morts pour la France dont les corps ont été restitués. Ainsi, le dispositif actuel offre une réelle protection à l'ensemble des sépultures abritant les corps de militaires morts pour la France, dans le respect de l'option choisie par les familles quant au lieu d'inhumation, et préserve la mémoire de ces soldats.
Source journal de Sénat
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