Depuis vingt années a été posé le principe de la libre concurrence en matière funéraire, effective sur tout le territoire national depuis janvier 1998.
Libre concurrence pour l'exercice du service extérieur des pompes funèbres
Monopole communal depuis 1904, le service extérieur des pompes funèbres (service public) est aujourd'hui un service pour l'exercice duquel existe une libre concurrence entre les régies, associations et entreprises titulaires d'une habilitation délivrée par le préfet (CGCT, art. L. 2223-23).
La loi n° 93-23 du 8 janv. 1993 (Journal officiel 9 janv. 1993) a également donné une définition précise de ce service public (CGCT, art. L. 2223-19), qui est devenu un service public industriel et commercial (CE, avis, 19 déc. 1995, cité dans Circ. min. int., n° 96-10030,
14 mai 1996 relative au statut des régies municipales de pompes funèbres, reproduite in G. d'Abbadie et C. Bouriot, "Code pratique des opérations funéraires", Le Moniteur, 3e éd. 2004, p. 251). Ce service extérieur des pompes funèbres était qualifié, avant la réforme de 1993, de service public administratif (T. confl., 20 janv. 1986, Ville Paris c/ SA Roblot et Bouissoux, Rec. CE 1986, p. 298). Cette distinction entre les deux catégories de service public a son importance en ce sens, pour schématiser, qu’un service public industriel et commercial ne peut en théorie "fonctionner à perte" c’est-à-dire que la redevance pour service rendu payée par les usagers doit couvrir le prix du service.
La définition du service public
Selon l'art. L. 2223-19, le service extérieur des pompes funèbres comprend :
- le transport des corps avant et après mise en bière ;
- l'organisation des obsèques ;
- les soins de conservation ;
- la fourniture des housses, des cercueils et de leurs accessoires intérieurs et extérieurs ainsi que des urnes cinéraires ;
- la gestion et l'utilisation des chambres funéraires ;
- la fourniture de personnel et des objets et prestations nécessaires aux obsèques, inhumations, exhumations et crémations, à l'exception des plaques funéraires, emblèmes religieux, fleurs, travaux divers d'imprimerie et de la marbrerie funéraire (également Rép. min. n° 18658 : JO Sénat Q, 4 nov. 1999, p. 3642 ; Collectivités-Intercommunalité 2000, comm. 58).
L'ordonnance n° 2005-855 du 28 juil. 2005 relative aux opérations funéraires (Journal officiel 29 juil. 2005) a supprimé le 5° de l'art. L. 2223-19 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT). Ce 5° visait la fourniture des tentures extérieures des maisons mortuaires. Cette fourniture ne fait donc désormais plus partie des éléments constitutifs du service extérieur des pompes funèbres (il est vrai que la pratique a totalement disparu comme le rappelle le rapport au président de la République publié en même temps que l'ordonnance : Journal officiel 29 juil. 2005).
Le décret n° 2011-121 du 28 janv. 2011 a créé de nouvelles obligations pour les personnes chargées de ce service public. En effet, le système de déclarations préalables remplaçant de nombreuses autorisations (transport, soins de conservation, moulage), les opérateurs sont désormais tenus par l’obligation de conserver - pendant cinq années - certains documents indispensables pour souscrire lesdites déclarations (CGCT, art. R. 2223-55-1). Par ailleurs, ces opérateurs, en cas de crémation, devront démontrer avoir informé les familles (CGCT, art.
R. 2223-32-1) sur les destinations des cendres telles que prévues par le Code (CGCT, art. L. 2223-18-1 et L. 2223-18-2).
La nécessité de posséder une habilitation préfectorale
Dans un avis du 24 mars 1995 (avis n° 357297 : Rapport public du Conseil d’État 1995, p. 470), le Conseil d'État avait rappelé, à propos de la chambre mortuaire, la nécessité de distinguer le service public hospitalier et le service extérieur des pompes funèbres. Toutefois, se posait la question du transport des corps par les établissements de santé que régissait l'art. L. 2223-43. La réforme du funéraire, intervenue en déc. 2008, confirme la distinction entre les deux services publics en prohibant aux établissements de santé la possibilité de n'exercer aucune autre mission du service extérieur des pompes funèbres (l’art. 10 de la loi n° 2008-1350 du 19 déc. 2008 relative à la législation funéraire ajoutant un alinéa à l'art.
L. 2223-43).
Pour exercer cette mission de service public, les opérateurs doivent être titulaires d'une habilitation délivrée par le préfet (CGCT, art. L. 2223-23). Le législateur a pris soin de garantir par ce biais à la fois la moralité des opérateurs (CGCT, art. L. 2223-24) et leur compétence (puisque des obligations en matière de formation s'imposent pour l'obtention de l'habilitation : CGCT, art. D. 2223-34 et s.).
Cette obligation vise à la fois les opérateurs privés (associations et entreprises) et les opérateurs publics (régies). Cette nouveauté s'explique par la nécessité d'assurer le respect de la libre concurrence (M.-T. Viel, "Droit funéraire et gestion des cimetières", Berger-Levrault 2e éd. 1999, p. 119).
La délivrance de l'habilitation préfectorale nécessite une capacité professionnelle résultant de l'expérience ou de la formation (CGCT, art. R. 2223-34 à R. 2223-55 issus de D. n° 95-652 et D. n° 95-653, 9 mai 1995). La formation des dirigeants des entreprises qui participent aux activités de pompes funèbres (même si n'existe aucun contact direct avec les familles) doit être contrôlée par le préfet, qui peut sur le fondement d'une formation d'une durée insuffisante au regard des textes refuser de délivrer l'habilitation (TA Lille, 30 déc. 2003, n° 00-327, Andrée S. c/ préfet région Nord-Pas-de-Calais, préfet Nord : JCP A 2004, 1427, obs. D. Dutrieux).
La question de l'habilitation du maire dans le cadre d'une régie municipale de pompes funèbres non dotée de la personnalité morale a longtemps été posée. Le législateur, dans la loi n° 2008-1350 du 19 déc. 2008, la règle enfin dans la modification du 2° de l'art. L. 2223-25 du CGCT qui désormais limite cette obligation au personnel de la régie.
Un diplôme national à partir de 2013
Par ailleurs, selon l'art. 22 de la loi n° 2008-1350 précitée, le "premier jour de la cinquième année suivant la publication" de la loi, les personnels en contact direct avec les familles, vont se voir imposer un diplôme national (étant précisé que pour les agents actuellement en fonction un système d'équivalence avec l'expérience professionnelle va être institué pour l'obtention de ce diplôme selon le dispositif de la Validation d'Acquis de l'Expérience). Si une formation s'imposait déjà pour ces agents, seuls les thanatopracteurs étaient soumis à diplôme (CGCT, nouvel art. L. 2223-25-1).
L’existence de sanctions
Des sanctions pénales sont spécialement prévues dans le CGCT (CGCT, art. L. 2223-35 et L. 2223-36) pour les opérateurs exerçant la mission de service public définie à l'art. L. 2223-19 sans être titulaires de l'habilitation, ou qui viendraient, dans l'exercice de cette mission, à fausser la libre concurrence, par des pratiques déloyales.
De même, le préfet peut prononcer des sanctions administratives en suspendant ou en retirant l'habilitation (CGCT, art. L. 2223-25, R. 2223-64 et R. 2223-65).
Le Gouvernement, dans l'ordonnance n° 2005-855 du 28 juil. 2005 relative aux opérations funéraires, a élargi le régime des sanctions (suspension ou retrait de l'habilitation) en modifiant l'art. L. 2223-25 du CGCT. Dorénavant, le préfet peut sanctionner, par une suspension de l'habilitation, voire par son retrait, le non-respect de toute disposition du CGCT (alors que n'étaient jusque-là visés que le non-respect des règles applicables en matière d'habilitation et celui du règlement national des pompes funèbres). Cet élargissement s'explique par la réforme à intervenir par décret qui remplacera le régime d'autorisation aujourd'hui en vigueur par un régime de déclaration préalable.
Doivent être relevées d'autres sanctions, notamment pénales
Ainsi, l'art. L. 2223-33 du CGCT dispose que : "À l'exception des formules de financement d'obsèques, sont interdites les offres de services faites à l'occasion ou en prévision d'obsèques en vue d'obtenir ou de faire obtenir, soit directement, soit à titre d'intermédiaire, la commande de fournitures ou de prestations liées à un décès. Sont interdites les démarches à domicile ainsi que toutes les démarches effectuées dans le même but sur la voie publique ou dans un lieu ou édifice public ou ouvert au public".
Un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass. crim., 29 juin 2004, n° 03-85190) mérite de retenir l'attention en ce qu'il précise le champ d'application de la prohibition et l'infraction définis à l'art. L. 2223-33 du CGCT. La Cour de cassation indique en effet expressément que les fournitures et prestations liées aux obsèques ne se limitent nullement à la définition limitative du contenu du service extérieur des pompes funèbres telle qu'elle figure à l'art. L. 2223-19 du Code. Est ainsi consacrée l'interprétation administrative de cet art. L. 2223-33 puisque le ministère de l'Intérieur avait pris position sur la question dans sa circulaire n° 95-91 du 14 février 1995 (reproduite dans G. d'Abbadie et C. Bouriot, "Code pratique des opérations funéraires", Le Moniteur, 3e éd., 2004, p. 341).
Cependant, si le démarchage est largement prohibé quant aux services et produits proposés, il reste qu'il ne concerne pas la prévoyance funéraire et que n'est interdit le démarchage que lorsqu'il est exercé à l'occasion ou en prévision d'obsèques. Si le ministre de l'Intérieur dans sa circulaire précitée appelait par prudence à une absence totale de démarchage commercial dans le domaine funéraire (hormis la prévoyance, évidemment), force est d'admettre que dans cet arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation, il est reproché à la cour d'appel de Colmar de ne pas avoir suffisamment motivé son arrêt en précisant en quoi les démarchages reprochés avaient été effectués à l'occasion ou en prévision d'obsèques. Dès lors, il convient de relativiser la position du ministre, notamment quant à l'interdiction de certaines pratiques comme le dépôt de cartes de visites sur les monuments funéraires. Les marbriers comme les entreprises de pompes funèbres semblent ainsi autorisés par la Cour de cassation à pratiquer un démarchage commercial, dès lors que la lettre du CGCT est respectée, c'est-à-dire qu'il n'est pas effectué "à l'occasion ou en prévision d'obsèques".
Concernant le démarchage commercial (CGCT, art. L. 2223-33), la Cour de cassation (Cass. crim., 29 juin 2004, n° 03-85.190) ayant considéré que l'incrimination pouvait concerner un démarchage commercial intervenu plus de neuf mois après la date du décès, la loi n° 2008-1350 du 19 déc. 2008 fixe désormais un délai de deux mois pour la prohibition en modifiant ce dispositif.
Damien Dutrieux
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