Les 20, 21 et 22 mars derniers, le Sénat à l’issue des débats relatifs au projet de loi de "sur le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires" a adopté le texte voté par l’Assemblée nationale en y apportant de sérieuses modifications. Certains amendements ont été adoptés en passant outre l’opposition du gouvernement, d’autres ont reçu son accord.
La première salve d’amendements a porté sur la disposition relative au compte du défunt et s’est traduite par l’adoption de deux suppressions d’alinéas malgré l’opposition du gouvernement. Ainsi, la simplification de la justification de la qualité d’héritier par un acte de naissance pour accomplir des actes conservatoires, figurant dans le texte du gouvernement, a été supprimée, tout comme celle liée à la clôture du compte du défunt.
Non sans raison, le Sénat a pointé du doigt l’épineuse question relative à la gestion des successions. Le décès a pour effet de figer le compte bancaire afin de préserver les intérêts des successibles. Certes, le prélèvement des frais d’obsèques est la seule entorse admise et fallait-il aller au-delà sans risquer des situations contentieuses ? Le simple fait de s’appuyer sur la déclaration d’un héritier pouvait, en effet, faire craindre d’éventuelles dilapidations de l’actif successoral au détriment des autres héritiers.
La position du gouvernement était empreinte du bon sens de la simplification, notamment pour les successions de faible valeur, apportant aux familles l’économie du coût du certificat d’hérédité. En ce sens, il aidait à la célérité du règlement des successions à la fois au bénéfice des familles mais également des organismes financiers. Pour l’ensemble des acteurs d’une succession, un dossier toujours actif est générateur d’actes de traitement et donc de coûts financiers. La logique de la prudence l’a emporté, prouvant, une fois de plus, la preuve que ce type de disposition était à régler dans un texte plus spécifique, à même de procurer une sécurité juridique attendue.
Enfin, et c’est la surprise, mais il fallait s’y attendre, les sénateurs ont tiré les conclusions sur le plan technique de l’examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, projet qui s’est "perdu" dans le jeu de navette parlementaire. De nombreux amendements relatifs aux contrats obsèques ont été déposé, à l'époque, sur l'initiative de M. Jean-Pierre Sueur et de Mme Nicole Bonnefoy. Lors des débats, les sénateurs les ont simplement repris garantissant ainsi leur adoption et donc leur intégration dans le dispositif légal. Des amendements pertinents dont le premier signe l’arrêt de la diffusion des garanties obsèques, dites standardisées, en exigeant que le devis soit non seulement détaillé mais également personnalisé. Le second apporte une réelle clarification de la revalorisation des contrats, et enfin, le troisième verrouille l’affectation du capital au financement exclusif des funérailles.
Seule une rétrospective des débats permet de mieux cerner les enjeux liés à l’ensemble des amendements déposés et adoptés.
Méziane Bénarab
directeur général OFPF.
Rappel : le contenu de l’art. 23 du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
La sous-section 2 de la section 1 du chapitre II du titre Ier du livre III du Code monétaire et financier est complétée par un art. L. 312-1-4 ainsi rétabli :
"Art. L. 312-1-4. – I. – La personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles du défunt peut obtenir, sur présentation de la facture des obsèques, le débit sur le ou les comptes de paiement du défunt, dans la limite du ou des soldes créditeurs de ce ou de ces comptes, des sommes nécessaires au paiement de tout ou partie des frais funéraires, auprès de la ou des banques teneuses du ou desdits comptes, dans la limite d’un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l’Économie et des Finances.
"II. – Tout successible en ligne directe déclarant qu’il n’existe, à sa connaissance, ni testament, ni contrat de mariage peut obtenir le débit sur le ou les comptes de paiement du défunt, dans la limite du ou des soldes créditeurs de ce ou de ces comptes, des sommes nécessaires au paiement de tout ou partie des actes conservatoires, au sens du 1° de l’art. 784 du Code civil, auprès du ou des établissements de crédit teneurs du ou desdits comptes, dans la limite d’un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l’Économie. Il peut notamment justifier de sa qualité d’héritier par la production de son acte de naissance.
"III. – Tout successible en ligne directe peut obtenir la clôture du ou des comptes du défunt et le versement des sommes y figurant, dès lors que le montant total des sommes détenues par l’établissement est inférieur à un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l’Économie. Il justifie de sa qualité d’héritier notamment par la production de son acte de naissance et remet un document écrit signé de l’ensemble des héritiers, par lequel ils attestent :
"1. Qu’à leur connaissance il n’existe ni testament, ni d’autres héritiers du défunt ;
"2. Qu’il n’existe pas de contrat de mariage ;
"3. Qu’ils autorisent le porteur du document à percevoir pour leur compte les sommes figurant sur le ou les comptes du défunt et à clôturer ces derniers".
Suppression de la possibilité pour une successible d’accomplir des actes conservatoires et de pouvoir justifier sa qualité par un acte de naissance
Mme la présidente. L'amendement n° 21, présenté par M. Mohamed Soilihi, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 3 : Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois. Cet amendement vise à supprimer, pour défaut de garanties juridiques suffisantes, la faculté offerte à un héritier d’accéder au compte bancaire du défunt pour effectuer des dépenses qu’il présente comme conservatoires.
La règle, rappelons-le, est de figer le compte bancaire du défunt, pour préserver la succession. L’art. 23 du projet de loi prévoit une première exception, pour régler les frais de funérailles. Cette exception étant limitée et entourée de suffisamment de garanties, le Sénat l’avait adoptée dans un précédent texte.
Tel n’est en revanche plus le cas de la procédure que notre amendement vise à supprimer. En effet, tout repose sur les déclarations de l’héritier, sans que le banquier ait les moyens de vérifier ce qui lui est demandé. Ni l’intérêt du conjoint survivant ni celui de l’héritier bénéficiaire d’un testament n’est protégé contre les agissements d’un successible de mauvaise foi. Le Conseil supérieur du notariat, que j’ai entendu, s’est inquiété de cette absence de garanties juridiques et de la dérogation notable apportée au régime des successions.
Enfin, j’ajouterai que ni les associations de consommateurs ni les banques elles-mêmes ne demandent un tel dispositif. Il y a donc tout lieu de le supprimer purement et simplement.
Mme la présidente. L'amendement n° 22, présenté par M. Mohamed Soilihi, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 7 : Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois. Cet amendement relève de la même logique que le précédent.
Les alinéas 4 à 7 de l’art. 23 rendent possible à un successible de clôturer le compte bancaire du défunt et de se faire remettre les fonds, sur la seule production de l’attestation qu’il établit. Les garanties prévues sont très lacunaires.
À nouveau, les dérogations au droit commun des successions sont majeures, puisque l’universalité de la succession est remise en cause. Le risque n’est pas mince que certains successibles n’en profitent pour disperser les fonds au détriment d’autres successibles, voire des créanciers du défunt.
J’ajoute que, sans peut-être s’en rendre compte, le successible qui prélèvera les fonds sera réputé avoir accepté la totalité de la succession et donc, le cas échéant, des dettes qui la grèvent, sans aucun recours possible pour lui.
Encore une fois, ce dispositif, très dérogatoire, n’est demandé ni par les banques, ni par les notaires, ni par les associations de consommateurs. La commission des lois vous propose, mes chers collègues, de le supprimer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. La commission des finances émet un avis favorable sur ces deux amendements de la commission des lois. Autant nous sommes favorables au principe de donner une base légale au remboursement des frais d’obsèques à celui qui les a réglés, autant il nous a semblé que les dispositions prévues aux II et III de l’art. 23 soulevaient des problèmes de fond.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le Gouvernement demande le retrait de ces deux amendements ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Il me semble, monsieur le rapporteur pour avis, que vos amendements ne vont pas dans le sens que vous avez indiqué. La rédaction proposée par le Gouvernement correspond davantage aux choix faits jusqu’à présent en matière de droit de la consommation.
Je comprends que les notaires aient accueilli favorablement vos propositions, mais quelle est aujourd’hui la pratique ? Aux termes des articles 784 et 815-2 du Code civil, tout indivisaire peut déjà effectuer le paiement des actes conservatoires. En outre, l'art. 730 du même Code dispose que "la preuve de la qualité d’héritier s’établit par tous moyens". Tel est l’état du droit positif, et l’art. 23 ne fait que transcrire dans la loi les pratiques en vigueur.
L’adoption de ces amendements aurait pour conséquence de mettre fin à une certaine souplesse, qui permet aujourd’hui de prouver sa qualité d’héritier par la production d'une copie d’acte de naissance ou d’un certificat d'hérédité établi en mairie. Certes, d'une certaine façon, la situation serait plus solide sur le plan juridique, mais nos concitoyens se verraient systématiquement contraints d’accomplir de lourdes démarches administratives, y compris pour des successions très modestes, de quelques centaines ou milliers d’euros. Il ne faudrait pas que le juridisme prévale sur la vie réelle.
La rédaction qu’avait retenue le Gouvernement offre, au contraire, cette souplesse. Chacun d'entre nous a été un jour confronté à ce type de situations, et nous savons très bien comment elles se traitent aujourd’hui, notamment pour le règlement des frais d’obsèques. Elles deviendraient fort complexes si ces amendements devaient être adoptés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Pour avoir dû courir, il n'y a pas très longtemps, le 110 m haies des droits de succession, j’ai un avis tout à fait personnel sur cette question.
Je soutiens sans réserve la position de la commission des lois. S’agissant des frais d'obsèques, les choses sont assez simples, puisque le droit civil dispose que l’ensemble des héritiers, y compris ceux qui ont refusé la succession, sont tenus d’en régler une partie.
En revanche, je considère que les dérogations prévues aux alinéas de l’art. 23 dont la commission des lois souhaite la suppression constituent une atteinte non seulement aux droits des héritiers qui ne se seraient pas encore manifestés, mais encore aux droits des créanciers de la succession. Je ne suis membre d’aucun lobby notarial, mais j’estime que les notaires accomplissent un travail indispensable en matière de règlement des successions. Que celles-ci soient importantes ou pas, elles peuvent être sources de grandes difficultés pour les coïndivisaires : ce sont parfois les toutes petites successions qui créent le plus de problèmes, l’ampleur des litiges n’étant pas forcément proportionnelle aux montants en jeu.
Monsieur le ministre, on comprend bien qu’il faille pouvoir utiliser le compte du défunt pour régler les frais d'obsèques, mais, pour le reste, il me semble que la commission des lois a fait preuve d’une très grande sagesse en jugeant préférable de ne pas ouvrir la boîte de Pandore. Compte tenu de l’évolution de la composition des familles telle qu'elle résulte de notre droit positif – sans parler des complications supplémentaires qui risquent de découler de l’entrée en vigueur de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ! –, les successions vont devenir extrêmement complexes.
Je le répète, je voterai des deux mains les amendements de la commission des lois.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Actuellement, l’héritier peut procéder à la clôture du compte du défunt, dans le cas d’une succession modeste, en présentant un certificat d'hérédité délivré gratuitement par la mairie. Toutefois, les maires n'ont pas d'obligation de délivrer de tels certificats et, de fait, certains d’entre eux refusent systématiquement d'établir ces actes. Dans ce cas, la seule solution consiste à demander à un notaire d’établir, à titre onéreux, un acte de notoriété. Tel est le droit en vigueur.
Si l’amendement n° 22 est adopté, la seule possibilité sera de s’adresser à un notaire. Bien sûr, cela apportera une plus grande sécurité sur le plan juridique, mais il deviendra obligatoire de payer pour obtenir la clôture du compte bancaire d’un défunt.
Ouvrir une réflexion sur ce sujet est souhaitable, mais ces amendements me semblent quelque peu en rupture avec les mesures de protection des consommateurs adoptées jusqu’à présent.
Je maintiens donc ma demande de retrait et l'avis défavorable du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois. Je rappelle qu’il s’agit ici non pas d’actes conservatoires, mais de la possibilité de vider et de clôturer un compte bancaire. Ce sont des actes d'une gravité et d'une lourdeur certaines, qui requièrent quelques précautions.
De plus, il s’agit non pas d’assurer le règlement, dans l’urgence, des frais d'obsèques, mais de réaliser des actes définitifs en vue de la liquidation d’une succession, qui pour leur part ne revêtent aucun caractère d’urgence.
Dans ces conditions, je maintiens ces amendements adoptés par la commission des lois, d'autant que ni les associations de consommateurs, ni les banques, ni les notaires ne demandent de telles dérogations : les uns et les autres appellent au contraire à la plus grande vigilance en la matière.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'art. 23, modifié. (L'art. 23 est adopté.)
Amendement relatif à l’affectation du capital souscrit au financement des obsèques et à la personnalisation des devis des contrats
Mme la présidente. L'amendement n° 23, présenté par M. Mohamed Soilihi, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l’art. 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) est ainsi modifié :
1° Après l’art. L. 2223-33, il est inséré un art. L. 2223-33-1 ainsi rédigé :
"Art. L. 2223-33-1. – Les formules de financement d’obsèques prévoient expressément l’affectation à la réalisation des obsèques du souscripteur ou de l’adhérent, à concurrence de leur coût, du capital versé au bénéficiaire" ;
2° Au premier alinéa de l’art. L. 2223-34-1, après le mot : "détaillé", sont insérés les mots : "et personnalisé".
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois. Cet amendement reprend, comme le suivant, les dispositions relatives aux contrats prévoyant des prestations en matière d’obsèques adoptées par le Sénat lors de l’examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, sur l’initiative conjointe de M. Jean-Pierre Sueur et de Mme Nicole Bonnefoy. Il s’agit de mettre un terme à certaines pratiques problématiques.
Le 1° de l’amendement vise à imposer que les formules de financement d’obsèques prévoient bien l’affectation du capital au paiement des obsèques.
En effet, sont aujourd'hui proposées sous cette appellation, ou celle de "contrat obsèques", des assurances-vie déguisées qui prévoient le versement du capital au bénéficiaire sans obligation de paiement des funérailles. L’intéressé en profite, laissant la charge des obsèques aux héritiers, voire à la commune.
Le 2° vise à préciser que les prestations funéraires définies dans les contrats obsèques doivent être non seulement détaillées, mais aussi personnalisées. Il faut éviter les formules standard ou imprécises qui obligent les héritiers à faire des choix en matière de prestations, entraînant des coûts complémentaires mis à leur charge.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. Ces dispositions ont déjà été adoptées par le Sénat lors de l’examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs. Elles constituent un véritable progrès pour les assurés. La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Avis favorable. (Marques de satisfaction sur diverses travées.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 23.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'art. 23.
Amendement relatif à l’affectation des bénéfices techniques et financiers
L'amendement n° 24 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l’art. 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l’art. L. 2223-34-1 du CGCT est ainsi rédigé :
"Tout contrat prévoyant des prestations d’obsèques à l’avance précise les conditions d’affectation des bénéfices techniques et financiers conformément à l’art. L. 132-5 du Code des assurances. Il lui est affecté chaque année une quote-part du solde du compte financier, au moins égale à 85 % de ce solde multiplié par le rapport entre les provisions mathématiques relatives à ce contrat et le total des provisions mathématiques. Il fait aussi l’objet d’une information annuelle conformément à l’art. L. 132-22 du Code des assurances. Un arrêté précise les modalités de calcul et d'affectation de cette quote-part".
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois. L’amendement vise à substituer au mécanisme de revalorisation des contrats obsèques un dispositif d’affectation partielle des bénéfices financiers réalisés par ces contrats.
Il reprend un dispositif adopté précédemment par le Sénat lors de l’examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, toujours sur l’initiative de Jean-Pierre Sueur et de Nicole Bonnefoy.
La loi relative à la législation funéraire avait prévu une revalorisation au taux d’intérêt légal des contrats obsèques, afin de compenser l’inflation du coût des prestations. Cette disposition, subrepticement supprimée par ordonnance un mois après son adoption,…
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois. … avait été rétablie par le législateur. Pour autant, elle n’a jamais été appliquée par les assureurs, sous prétexte d’une éventuelle contradiction avec des normes prudentielles européennes.
Le dispositif proposé, "travaillé" avec les services compétents de Bercy, devrait permettre de remédier à ces difficultés. J’espère que cet amendement recevra un avis favorable du Gouvernement…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. Sachez en tout cas, monsieur Mohamed Soilihi, que l’avis favorable de la commission des finances vous est acquis !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. Jean Desessard. Ah !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 24 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
Amendement relatif à la situation annuelle des contrats
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'art. 23.
L'amendement n° 25, présenté par M. Mohamed Soilihi, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l’art. 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
- – La section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier du Code des assurances est ainsi modifiée :
1° Le I de l'art. L. 132-9-3 est complété par une phrase ainsi rédigée :
"Elles s'informent selon une périodicité au moins annuelle pour les contrats dont la provision mathématique est d’un montant au moins égal au montant visé au premier alinéa de l'art. L. 132-22 du présent Code" ;
Amendement relatif aux contrats d’assurance vie dont les capitaux n’ont pas été versés au bénéficiaire
2° Après l'art. L. 132-9-3, il est inséré un art. L. 132-9-4 ainsi rédigé :
"Art. L. 132-9-4. - Les organismes professionnels mentionnés à l'art. L. 132-9-2 publient chaque année un bilan de l'application des articles L. 132-9-2 et L. 132-9-3, qui comporte le nombre et l'encours des contrats d'assurance sur la vie, souscrits auprès de leurs membres, répondant à des critères fixés par arrêté du ministre chargé de l'Économie, dont les capitaux ou les rentes dus n'ont pas été versés au bénéficiaire" ;
- – La section 1 du chapitre III du titre II du livre II du Code de la mutualité est ainsi modifiée :
1° Le I de l'art. L. 223-10-2 est complété par une phrase ainsi rédigée :
"Elles s'informent selon une périodicité au moins annuelle lorsque les capitaux garantis sont d’un montant au moins égal au montant visé au premier alinéa de l'art. L. 223-21" ;
2° Après l'art. L. 223-10-2, il est inséré un art. L. 223-10-3 ainsi rédigé :
"Art. L. 223-10-3. - Les organismes professionnels mentionnés à l'art. L. 223-10-1 publient chaque année un bilan de l'application des articles L. 223-10-1 et L. 223-10-2, qui comporte le nombre et l'encours des contrats d'assurance sur la vie, souscrits auprès de leurs membres, répondant à des critères fixés par arrêté du ministre chargé de l'économie, dont les capitaux ou les rentes dus n'ont pas été versés au bénéficiaire" ;
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois. Cet amendement reprend un dispositif déjà voté à deux reprises par le Sénat, sur l’initiative de notre collègue Hervé Maurey : la première fois sous la forme d’une proposition de loi, restée sans suite, la seconde sous la forme d’un amendement au projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, texte dont la navette s’est interrompue.
L’objectif est de renforcer l’efficacité de la législation adoptée en 2005 et en 2007 pour lutter contre le phénomène des contrats d’assurance-vie non réclamés par leurs bénéficiaires.
Je n’entrerai pas dans le détail des dispositifs AGIRA I et AGIRA II, vous renvoyant sur ce point à mon rapport, ainsi qu’au rapport sur ce sujet remis en 2010 par notre collègue Dominique de Legge.
Je me bornerai à préciser que le dispositif proposé devrait permettre d’accélérer la résorption du stock de contrats non réclamés et de limiter le flux de nouveaux contrats non réclamés grâce à la vérification au moins annuelle du décès de l’assuré pour les contrats dont la provision est d’au moins 2 000 €. Cela correspond aux bonnes pratiques de certains assureurs, qu’il convient de généraliser.
Par ailleurs, cet amendement vise à faire la lumière sur le phénomène des contrats non réclamés, car il existe des querelles statistiques sur son ampleur.
Les organisations professionnelles concernées devront donc publier chaque année un bilan de leurs démarches en matière de recherche des bénéficiaires des contrats non réclamés, bilan qui devra comporter des informations sur le nombre et l’encours des contrats non réclamés, répondant à des critères fixés par arrêté.
J’ajoute enfin que, par rapport à la rédaction déjà adoptée par le Sénat voilà deux ans, le texte de l’amendement tient compte de modifications réglementaires intervenues depuis lors en matière d’obligation d’information pour les assureurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. Cet amendement tend à obliger les assureurs à vérifier chaque année auprès du répertoire national d’identification des personnes physiques le décès éventuel des souscripteurs de contrats d’assurance sur la vie, dès lors que les capitaux garantis atteignent au moins 2 000 €. Cela me paraît être une idée de bon sens.
M. Jean Desessard. On peut même s’étonner que cela ne se fasse pas déjà !
M. Richard Yung, rapporteur. En effet ! Peut-être y a-t-il, chez certain, une arrière-pensée…
L’amendement vise en outre à imposer aux organisations professionnelles concernées de publier un bilan de l’application de cette mesure.
Cet amendement reprend le dispositif d’une proposition de loi de notre collègue Hervé Maurey, adoptée par le Sénat en 2010 sur le rapport établi par notre collègue Dominique de Legge au nom de la commission des lois.
Ce texte n’ayant malheureusement pas reçu de suite à l’Assemblée nationale, son dispositif avait été repris par le biais d’un amendement adopté sur l’initiative de notre collègue Nicole Bonnefoy lors de l’examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs. Notre collègue Thani Mohamed Soilihi reprend aujourd’hui le flambeau et nous propose d’intégrer ces dispositions dans le présent texte. La commission des finances y est favorable. Il convient de remettre de l’ordre dans les pratiques actuelles.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Cet amendement est important, puisqu’il a trait au produit d’épargne préféré des Français, l’assurance-vie, qui représente 1 300 milliards d’euros d’encours.
La question des contrats d’assurance-vie non réclamés a été régulièrement évoquée ces dernières années, à l’occasion de l’examen de différentes propositions de loi. Le combat a été mené par les parlementaires, car rien ne contraignait les assureurs à rechercher les bénéficiaires : plusieurs milliards d’euros restaient ainsi à leur disposition.
Des progrès considérables ont été obtenus en la matière. Désormais, toute personne peut demander à être informée de l’existence d’une stipulation effectuée à son bénéfice par une personne dont elle apporte la preuve du décès.
Par ailleurs, les assureurs ont aujourd’hui l’obligation de s’informer du décès éventuel de leurs assurés. Pour cela, ils sont autorisés à consulter le répertoire national d’identification des personnes privées, qui recense les décès à l’échelon national. Cette obligation résulte d’une modification de la loi intervenue il y a maintenant trois ans.
En outre, la réforme des modalités d’acceptation de la clause bénéficiaire, en 2007, permet à tout assuré d’informer son bénéficiaire de la stipulation sans courir le risque d’une acceptation "sauvage".
Toutes ces dispositions constituent des avancées importantes, qui permettent à un plus grand nombre de bénéficiaires potentiels d’un contrat d’assurance-vie de percevoir les fonds qui leur reviennent.
Le présent amendement vise à accroître encore l’efficacité de ces dispositifs. L’amélioration de l’information des assureurs sur les décès, grâce à l’introduction d’une obligation annuelle de recherche sur l’ensemble de leurs portefeuilles, est une avancée positive. Elle permettra une transparence accrue des organismes d’assurances. Leurs organisations professionnelles devront publier chaque année un bilan de l’application de ces dispositifs, mentionnant le nombre et le montant de l’encours des contrats non réclamés.
Pour ces raisons, le Gouvernement est très favorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Dini, pour explication de vote.
Mme Muguette Dini. M. Hervé Maurey m’a chargée de vous dire combien il est heureux de voir cet amendement venir enfin, peut-être, concrétiser tout le travail qu’il a accompli.
Je le rappelle, une proposition de loi, inscrite à l’ordre du jour sur l’initiative de notre groupe, avait été adoptée à l’unanimité par le Sénat le 29 avr. 2010.
L’assurance-vie continue d’être le véhicule de placement préféré des Français : en 2012, son encours atteignait 1 391 milliards d’euros. Pour l’heure, la question des contrats d’assurance sur la vie non réclamés au décès du souscripteur reste pendante.
Cette question est évoquée depuis maintenant quinze ans. Des avancées ont certes été réalisées, mais le système reste perfectible. Le Médiateur de la République avait d’ailleurs appelé à l’amélioration du dispositif existant. C’était le sens de la proposition de loi de notre collègue Hervé Maurey, qui visait d’abord à prévenir l’apparition de nouveaux contrats non réclamés en instituant une obligation de vérifier au moins annuellement, par consultation du fichier AGIRA, le décès éventuel de l’assuré, sans critère d’âge, pour tous les contrats dont la provision mathématique est supérieure à 2 000 €.
Aujourd’hui encore, il règne une certaine opacité. En effet, selon nos interlocuteurs, l’encours des contrats non réclamés serait de l’ordre de 5 milliards d’euros ; selon les assureurs, il serait de seulement 700 millions d’euros…
Notre groupe se félicite d’avoir, toujours avec la même détermination, soutenu la mise en œuvre d’un tel dispositif, adopté par deux fois par le Sénat.
En conclusion, je tiens, au nom de notre groupe, à saluer l’action de la commission des lois, qui, en défendant cet amendement, témoigne de sa volonté de renforcer la protection des épargnants et permet à une initiative parlementaire de ne pas rester lettre morte. Ce souci de faire vivre les propositions de loi sénatoriales votées, mais restées en déshérence, en instance d’examen à l’Assemblée nationale, est à l’honneur de la Haute assemblée.
Nous n’avons aucune inquiétude quant à l’adoption de cet amendement par le Sénat, et nous espérons que nos collègues de l’Assemblée nationale nous suivront !
- la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
- Nathalie Goulet. Trois ans ! Il aura fallu attendre trois ans pour que ce type de disposition figure dans un texte qui puisse survivre à la navette. Je crois que là on tient enfin le bon bout.
Voilà pourquoi il serait dommage, monsieur le ministre, vous qui êtes chargé des relations avec le Parlement, que nos collègues de l’Assemblée nationale reviennent sur le dispositif que nous allons adopter aujourd’hui au motif, cela arrive parfois – amour-propre d’auteur... –, qu’il n’émane pas d’un député. J’espère que vous ferez en sorte que cet amendement demeure en l’état et qu’il nous revienne, peut-être enjolivé, mais en tous les cas pas amoindri.
Le fait que les assureurs ne manifestent aucune volonté d’action pour rechercher les bénéficiaires des contrats d’assurance sur la vie non réclamés choque la morale. Hervé Maurey avait soulevé ce point à juste titre, et je me félicite que le Sénat ait poursuivi son travail.
- la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 25.
(L'amendement est adopté.)
- Jean Desessard. À l’unanimité !
- la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'art. 23.
Ce qu’est devenu l’art. 23 du projet de loi après les débats du Sénat
(Petite loi)
Art. 23
La sous-section 2 de la section 1 du chapitre II du titre Ier du livre III du Code monétaire et financier est complétée par un art. L. 312-1-4 ainsi rétabli :
"Art. L. 312-1-4. – I. – La personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles du défunt peut obtenir, sur présentation de la facture des obsèques, le débit sur les comptes de paiement du défunt, dans la limite du solde créditeur de ces comptes, des sommes nécessaires au paiement de tout ou partie des frais funéraires, auprès des banques teneuses desdits comptes, dans la limite d’un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l’Économie.
"II et III. – (Supprimés)
Art. 23 bis (nouveau)
Le CGCT est ainsi modifié :
1° Après l’art. L. 2223-33, il est inséré un art. L. 2223‑33-1 ainsi rédigé :
"Art. L. 2223-33-1. – Les formules de financement d’obsèques prévoient expressément l’affectation à la réalisation des obsèques du souscripteur ou de l’adhérent, à concurrence de leur coût, du capital versé au bénéficiaire" ;
2° Au premier alinéa de l’art. L. 2223-34-1, après le mot : "détaillé", sont insérés les mots : "et personnalisé".
Art. 23 ter (nouveau)
Le second alinéa de l’art. L. 2223-34-1 du CGCT est ainsi rédigé :
"Tout contrat prévoyant des prestations d’obsèques à l’avance précise les conditions d’affectation des bénéfices techniques et financiers conformément à l’art. L. 132-5 du Code des assurances. Il lui est affecté chaque année une quote‑part du solde du compte financier, au moins égale à 85 % de ce solde multiplié par le rapport entre les provisions mathématiques relatives à ce contrat et le total des provisions mathématiques. Il fait aussi l’objet d’une information annuelle conformément à l’art. L. 132-22 du même Code. Un arrêté précise les modalités de calcul et d’affectation de cette quote-part".
Art. 23 quater (nouveau)
- – La section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier du Code des assurances est ainsi modifiée :
1° Le I de l’art. L. 132-9-3 est complété par une phrase ainsi rédigée :
"Elles s’informent selon une périodicité au moins annuelle pour les contrats dont la provision mathématique est d’un montant au moins égal au montant visé au premier alinéa de l’art. L. 132-22 du présent Code" ;
2° Après l’art. L. 132-9-3, il est inséré un art. L. 132‑9‑4 ainsi rédigé :
"Art. L. 132-9-4. – Les organismes professionnels mentionnés à l’art. L. 132-9-2 publient chaque année un bilan de l’application des articles L. 132-9-2 et L. 132-9-3, qui comporte le nombre et l’encours des contrats d’assurance sur la vie, souscrits auprès de leurs membres, répondant à des critères fixés par arrêté du ministre chargé de l’économie, dont les capitaux ou les rentes dus n’ont pas été versés au bénéficiaire".
- – La section 1 du chapitre III du titre II du livre II du Code de la mutualité est ainsi modifiée :
1° Le I de l’art. L. 223-10-2 est complété par une phrase ainsi rédigée :
"Elles s’informent selon une périodicité au moins annuelle lorsque les capitaux garantis sont d’un montant au moins égal au montant visé au premier alinéa de l’art. L. 223-21" ;
2° Après l’art. L. 223-10-2, il est inséré un art. L. 223‑10-3 ainsi rédigé :
"Art. L. 223-10-3. – Les organismes professionnels mentionnés à l’art. L. 223-10-1 publient chaque année un bilan de l’application des articles L. 223-10-1 et L. 223-10-2, qui comporte le nombre et l’encours des contrats d’assurance sur la vie, souscrits auprès de leurs membres, répondant à des critères fixés par arrêté du ministre chargé de l’économie, dont les capitaux ou les rentes dus n’ont pas été versés au bénéficiaire".
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