Pratique bancaire non encadrée, le prélèvement sur compte bancaire du défunt va bien être – enfin ! – consacré par un texte législatif.
Les frais d’obsèques sont analysés par le droit civil comme des frais liés à la succession de la personne décédée. L’élément manifeste de cette qualification de charge successorale des frais funéraires se retrouve dans l’existence d’un privilège général sur les meubles institué par l’art. 2331, 2° du Code civil (privilège situé en deuxième position après les frais de justice). Toutefois, seules les dépenses strictement nécessaires pour l’inhumation sont privilégiées et la détermination de ces dépenses implique la prise en compte de la position sociale et de la fortune apparente du défunt. Ainsi, à l’exception de ce qui est traditionnellement qualifié de dépenses somptuaires, la personne qui a, de sa propre initiative, pris en charge les obsèques d’un proche, pourra en obtenir le remboursement en priorité par rapport aux autres créanciers du défunt, grâce à ce privilège général sur les meubles (voir notamment, D. Dutrieux, "Le paiement des frais d’obsèques" : La gazette des communes, 29 oct. 2007 p. 62).
Si les forces de la succession sont insuffisantes, les héritiers tenus à l’obligation alimentaire devront assumer ces frais, y compris en cas de renonciation à la succession. Longtemps posé par la jurisprudence (Cass. 1re civ., 14 mai 1992 : Bull. civ. 1992, I, n° 140), ce principe est aujourd’hui contenu dans l’art. 806 du Code civil, étant précisé que l’organisation et le paiement des obsèques ne valent pas acceptation tacite de la succession selon l’art. 784 du Code civil.
Après une proposition de loi (Prop. L. AN n° 225, 26 sept. 2012), déposée par la députée Véronique Louwagie (UMP) et plusieurs autres de ses collègues, c’est le Gouvernement (projet de L. n° 566, déposé sur le bureau de l’AN le 19 déc. 2012) qui, finalement, a pris l’initiative de réformer les règles relatives au prélèvement des frais d’obsèques sur le compte du défunt (voir l’extrait de l’étude d’impact jointe au projet de loi). L’Assemblée nationale vient d’adopter ce dispositif (voir encadré), et c’est maintenant au tour du Sénat sur le bureau duquel le projet adopté a été déposé le 20 février (discussion en séance publique prévue le 20 mars 2013).
Damien Dutrieux
Projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires Étude d’impact Établie en application de l’art. 8 de la loi organique n°2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution. 18 décembre 2012 (extrait) […] 6.5.3 Compte du défunt (art. 23) 6.5.3.1 Diagnostic En vertu de l’article 1939 du Code civil, le compte bancaire d’un individu est bloqué dès le décès de celui-ci. Le Code civil prévoit toutefois (articles L.784 et L.815-2) que des actes conservatoires parmi lesquels le paiement des frais d’obsèques, peuvent être effectués mais postérieurement au déclenchement du processus de succession afin que soient au préalable identifiés les héritiers potentiels. Dans la pratique, l’articulation de ces articles s’avère impossible, l’inhumation ou la crémation devant avoir lieu dans les six jours qui suivent le décès. Les banques autorisent de facto la personne pourvoyant aux funérailles du défunt, qu’elle en soit l’héritière ou non, à prélever sur le compte de ce dernier les sommes nécessaires au paiement de tout ou partie des frais d’obsèques. Cette pratique se fonde sur une instruction de la direction de la comptabilité publique du 31 mars 1976 visant les comptes de dépôt ouverts par les particuliers auprès du Trésor public ; le montant maximum de débit, revalorisé à plusieurs reprises depuis 1976, a atteint 20 000 Fr en 1992 soit 3 050 Ä. Toutefois, cette instruction est devenue sans objet depuis le 31 déc. 2001 lorsque les comptables du Trésor ont définitivement mis fin à la gestion de comptes de particuliers. Cette pratique bancaire est donc aujourd’hui dépourvue de base légale. Elle est pourtant utile en particulier aux personnes modestes qui souhaitent assurer des funérailles décentes à un parent défunt, mais ne disposent pas des sommes nécessaires pour avancer leur paiement. Au-delà du paiement des frais d’obsèques, les héritiers dans le cas de successions simples et très modestes (inférieures à 5035 Ä, ce qui représente 30 % des successions) ont recours, pour le paiement des factures les plus urgentes (loyers, impôts, frais médicaux, etc.), puis la libération des derniers deniers et la clôture du compte, au certificat d’hérédité. Or l’obtention de celui-ci s’avère source de complexité : certains maires (seuls habilités à délivrer ces certificats depuis la loi du 20 déc. 2007 qui a supprimé cette compétence aux greffiers en chef des tribunaux d’instance) refusent systématiquement de les délivrer, y compris dans les cas de successions les plus simples et les plus modestes. En cas de refus, les héritiers sont dans l’obligation de recourir à un notaire pour faire établir un acte de notoriété, y compris dans le cas où quelques centaines d’euros restent sur le compte après paiement des obsèques et autres frais et où viennent à la succession les seuls enfants du défunt. Cet article prévoit donc un mécanisme alternatif : il sera possible de substituer, dans ces situations les plus simples, au certificat d’hérédité un acte de naissance, établissant par un document écrit et signé de l’ensemble des héritiers la qualité d’héritier pour procéder au règlement des actes conservatoires et obtenir la libération des derniers euros ainsi que la clôture des comptes. Tel est l’objet des II et III de l’article 23 du présent projet. 6.5.3.2 Objectifs Le Gouvernement souhaite autoriser explicitement par le présent article les établissements bancaires à procéder d’une part au prélèvement des sommes nécessaires au paiement des frais d’obsèques, à la demande de la personne qui pourvoit aux funérailles du défunt et sur présentation de la facture, d’autre part aux prélèvements afin de procéder à l’ensemble des actes conservatoires mentionnés à l’art. 784 du Code civil (frais de dernières maladies, loyers, impôts et autres dettes urgentes du défunt), et enfin à la clôture du ou des comptes du défunt, dans une limite fixée par le pouvoir réglementaire. Pour justifier de leur qualité d’héritier, les usagers pourront produire un acte de naissance. 6.5.3.3 Options Les dispositions proposées sont d’ordre législatif. 6.5.3.4 Étude des impacts La disposition proposée permettra de conformer le droit avec la pratique, qu’il convient de conserver, celle-ci étant nécessaire pour permettre le paiement des funérailles du défunt dans des familles en situation fragile. Elle évitera, en cas de refus de délivrance d’un acte d’hérédité et de succession simple (en ligne directe, sans que le défunt n’ait conclu de contrat de mariage et sans immeuble) et modeste d’imposer, pour la libération des derniers euros et la clôture du compte d’avoir recours à un acte de notoriété et donc des frais, qui pourraient conduire les intéressés à renoncer à la succession. Environ 130 000 successibles sont concernés chaque année par cette mesure (534 795 décès en France en 2011). 6.5.3.5 Prise d’effet et textes d’application Pour éviter des détournements, un seuil maximum de prélèvement sur le compte du défunt devrait être fixé par le pouvoir réglementaire. 6.5.3.6 Synthèse des consultations Les établissements de crédit et les principaux créanciers (organismes HLM, caisses de sécurité sociale notamment) ont été consultés sur le projet de texte et y sont favorables sur le principe. Ils soulignent que leur responsabilité ne saurait être engagée par un héritier qui contesterait l’opération. Le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière a été consulté. […]
Texte adopté n° 87 "Petite loi" __ Assemblée nationale constitution du 4 octobre 1958 quatorzième législature session ordinaire de 2012-2013 19 février 2013 Projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, adopté par l’Assemblée nationale en première lecture. L’Assemblée nationale a adopté le projet de loi dont la teneur suit : […] Art. 23 La sous-section 2 de la section 1 du chapitre II du titre Ier du livre III du Code monétaire et financier est complétée par un art. L. 312-1-4 ainsi rétabli : "Art. L. 312-1-4. – I. – La personne qui pourvoit aux funérailles du défunt peut obtenir, sur présentation de la facture des obsèques, le débit sur le ou les comptes de paiement du défunt, dans la limite du ou des soldes créditeurs de ce ou de ces comptes, des sommes nécessaires au paiement de tout ou partie des frais funéraires, auprès de la ou des banques teneuses du ou desdits comptes, dans la limite d’un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l’Économie et des Finances. "II. – Tout successible en ligne directe déclarant qu’il n’existe, à sa connaissance, ni testament, ni contrat de mariage peut obtenir le débit sur le ou les comptes de paiement du défunt, dans la limite du ou des soldes créditeurs de ce ou de ces comptes, des sommes nécessaires au paiement de tout ou partie des actes conservatoires, au sens du 1° de l’art. 784 du Code civil, auprès du ou des établissements de crédit teneurs du ou desdits comptes, dans la limite d’un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l’Économie. Il peut notamment justifier de sa qualité d’héritier par la production de son acte de naissance. "III. – Tout successible en ligne directe peut obtenir la clôture du ou des comptes du défunt et le versement des sommes y figurant, dès lors que le montant total des sommes détenues par l’établissement est inférieur à un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l’Économie. Il justifie de sa qualité d’héritier notamment par la production de son acte de naissance et remet un document écrit signé de l’ensemble des héritiers, par lequel ils attestent : "1° Qu’à leur connaissance il n’existe ni testament, ni d’autres héritiers du défunt ; "2° Qu’il n’existe pas de contrat de mariage ; "3° Qu’ils autorisent le porteur du document à percevoir pour leur compte les sommes figurant sur le ou les comptes du défunt et à clôturer ces derniers". […]
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