C’est le tribunal de grande instance qui est compétent pour autoriser l’exhumation d’un défunt, lorsqu’un fils s’oppose à une demande formulée par sa mère.
Si une exhumation correspond à une autorisation délivrée par le maire en application de ses pouvoirs en matière de police des opérations funéraires et du cimetière
(V. D. Dutrieux, "Opérations funéraires" : JurisClasseur "Administratif", fasc. 150-30, § 81), le maire, saisi d’une telle demande, doit surseoir à statuer, dès qu’il est informé d’une opposition à l’opération (TA Amiens, 17 juin 2010, n° 0702811 : JCP A, n° 7, 14 fév. 2011, 2060, note D. Dutrieux). En d’autres termes, le changement de lieu de sépulture implique un consensus familial, à défaut duquel doit intervenir le juge judiciaire. Néanmoins, comme en a décidé en l’espèce le tribunal d’instance de Ribérac se déclarant incompétent, ce n’est pas le juge qu’il convient de saisir. Le juge d’instance n’est en effet compétent que pour trancher les litiges familiaux relatifs aux funérailles (ancien art. R. 321-12 du Code de l’organisation judiciaire devenu l’art. R. 221-7). Lorsqu’il s’agit d’un contentieux relatif à l’utilisation d’une sépulture en dehors du déroulement des obsèques, la compétence est celle du tribunal de grande instance (CA Douai, 14 juin 1999 : LPA 1er sept. 1999, p. 10, note X. Labbée).
Opposition à l’exhumation surmontée par une décision du TGI
C’est en théorie, une opposition qui, exprimée par le fils du défunt, semble avoir amené le maire à nécessairement refuser de statuer sur la demande d’exhumation d’une sépulture sur propriété privée, puisque c’est le maire (CGCT, art. L. 2213-10) qui dispose également de la police des lieux de sépulture autres que les cimetières (il convient de noter que, dans la présente affaire, le juge judicaire n’évoque cependant pas une saisine de l’autorité municipale…). Dans cette affaire, une veuve a souhaité, plus de quarante années après le décès ("le temps ayant passé" comme se plaît à l’observer la Cour), l’exhumation des restes de son défunt mari, inhumé dans le caveau de famille présent sur la propriété des parents de cette veuve. Or, si, parmi les enfants du couple, les deux filles en étaient d’accord, le fils n’avait pas manifesté son approbation pour la simple raison qu’il n’en avait même pas été informé, des relations familiales manifestement compliquées ayant amené une mère à ne pas échanger avec son fils sur un tel projet (!).
La volonté du défunt ou le caractère provisoire de la sépulture
Le défunt n’ayant pas manifesté sa volonté en matière funéraire, il importait que la veuve démontre le caractère provisoire de la sépulture pour se voir autoriser l’exhumation. En effet, il est possible de rappeler que le juge judiciaire refuse d’autoriser l’exhumation, sauf démonstration, soit du non-respect de la volonté du défunt, soit du caractère provisoire de la sépulture (CA Riom, 26 oct. 1999 : JCP G 2000, IV, n° 1709 ; CA Toulouse, 7 fév. 2000 : JCP G 2000, IV, n° 2374 ; CA Aix-en-Provence, 18 déc. 2008, n° 08/07266 : RLDC mai 2010, n° 3818, note D. Dutrieux ; Cass. 1re civ. 8 avril 2009, n° 08-12.217 : "La Revue des Notaires", oct. 2009, p. 14, note D. Dutrieux ; Cass. 1re civ., 14 avr. 2010, n° 09-65.720 : JCP A 2011, 2034, note D. Dutrieux). Ce juge considère en effet que "la paix des morts ne devant pas être troublée par les divisions des vivants et leurs convenances personnelles", seuls les deux motifs sus-évoqués peuvent permettre l’exhumation (V. B. Beignier, Le respect dû aux morts n’est pas mort... :
Dr. famille 2001, comm. 9). Le délai passé entre les funérailles et la demande d’exhumation ne va pas nécessairement provoquer un refus opposé par le juge, qui peut admettre des demandes relativement "tardives" (V. concernant le respect des volontés du défunt exprimées : CA Poitiers, 1re ch. civ., 7 mars 2007 : JurisData n° 2007-346352, JCP N 2008, 1178, note D. Dutrieux), ce que précise d’ailleurs expressément la cour d’appel de Bordeaux dans son arrêt (l’âge de la veuve expliquant d’ailleurs en grande partie le choix de la solution - nécessairement provisoire - la plus rapide et la moins coûteuse).
L’inhumation en terrain privé
La démonstration du caractère provisoire de la sépulture, qu’opère la Cour dans son arrêt du 28 fév. 2012, mérite quelques explications. En effet, le juge développe deux séries d’arguments. Les premiers, peu plausibles en droit, ont trait à la pérennité de la sépulture. Ici, il est possible de demeurer dubitatif, puisque la sépulture étant hors du commerce, même si les parents de la veuve venaient à aliéner leur immeuble, la vente ne pourrait concerner le caveau (V. Cass. 3e civ., 1er mars 2006 : JurisData n° 2006-032516 ; D. Dutrieux, L’inhumation en terrain privé : JCP N 2006, 1370 ; V. également Rép. Min. n° 44012, JOAN Q 8 sept. 2009, p. 8617 : JCP N 2009,
act. 631). Toutefois, sont plus sérieux les arguments relatifs au risque d’impossibilité pour la veuve d’obtenir pour elle-même - quand sera venu le temps où son âme et son corps "ne seront plus d’accord" - l’autorisation d’être inhumée dans ladite sépulture auprès de son mari, puisque l’avis hydrogéologique s’impose d’une part, et que, d’autre part, le préfet n’est jamais tenu de donner son accord, même quand les conditions prévues par le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) sont remplies (V. CE, 12 mai 2004, n° 253341 : "Collectivités territoriales–Intercommunalité" 2004, comm. 175, obs. D. Dutrieux ; D. Dutrieux, "L’inhumation en terrain privé", étude précitée). L’union des couples dans la mort (le conjoint ayant toujours eu sa place dans la concession de famille de son époux) figurant parmi les éléments les plus notables du contentieux de l’utilisation des sépultures (V. M. Perrier-Cussac, "Les droits du titulaire d’une concession funéraire" : JCP N 1990, Doctrine, p. 343), la position de la cour d’appel se comprend aisément.
Enfin, l’appréciation du choix du lieu de la nouvelle sépulture n’appelle aucun commentaire, tant la solution consacrée par la cour d’appel de Bordeaux est marquée au coin du bon sens.
Damien Dutrieux,
consultant au CRIDON Nord-Est, maître de conférences associé à l’Université de Lille 2.
Annexe
Cour d’appel de Bordeaux - Sixième chambre civile
Arrêt du : 28 fév. 2012 - N° de rôle : 11/03209
Alain L.
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 avr. 2011 par le Tribunal de grande instance de Périgueux (RG n° 09/01370) suivant déclaration d’appel du 18 mai 2011
[…]
Faits et procédure antérieure :
Procédure d’appel :
Sur quoi, la cour :
Par ces motifs : |
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