La délivrance des concessions funéraires et la gestion du cimetière sont la source de nombreuses responsabilités communales.
Diverses hypothèses de responsabilité
Si le titulaire de la concession funéraire est tenu d’entretenir sa sépulture et de respecter le règlement du cimetière, la commune quant à elle doit assurer à ce concessionnaire la paisible jouissance de la parcelle concédée. Ainsi, par exemple, la commune voit sa responsabilité engagée pour le fait d’avoir cédé deux fois le même emplacement à deux concessionnaires successifs (CE, 17 janv. 2011, n° 334156 : AJCT mai 2011, p. 249, note D. Dutrieux). Les relations entre la commune et le concessionnaire sont des relations contractuelles et c’est sur ce terrain que sera le plus souvent engagée la responsabilité de la commune.
Il est d’ailleurs possible que le titulaire d’une concession engage la responsabilité de la commune sur le terrain non-contractuel. Ainsi, par exemple, lorsque le maire prend la décision de faire passer les canalisations de gaz destinées au chauffage du stade par les allées du cimetière et que ces travaux endommagent une sépulture particulière (TA Bordeaux, 26 mars 2002, n° 01843, Dueynes c/ Cne Camarsac).
Nécessité d’accorder un terrain conforme à sa destination
La commune va engager sa responsabilité dans l’hypothèse où le terrain concédé n’est pas conforme à sa destination, c’est-à-dire ne permet pas de fonder une sépulture dans des conditions normales.
Ainsi, la commune ayant l’obligation de délivrer un terrain libre d’occupation (TA Pau, 14 déc. 1960, Loste : Rec. CE 1960, p. 838. - Rép. min. n° 53601 : JOAN Q, 23 juil. 2001, p. 4298), la présence de corps non exhumés dans la parcelle concédée est susceptible d’engager sa responsabilité contractuelle vis-à-vis de son cocontractant.
De même, la commune peut voir sa responsabilité engagée dans l’hypothèse où le terrain concédé ne permet pas de procéder à des inhumations. Il en sera ainsi en raison de la présence d’eaux souterraines inondant les caveaux. En effet, dès lors que la présence de ces eaux constitue un obstacle rendant impossible l’utilisation de la concession conformément à sa destination, la responsabilité contractuelle de la commune est engagée (TA Montpellier, 21 déc. 1994, n° 932180, Jean Raphaël Iengo c/ Commune de Sète et Société Axa) ; dans l’hypothèse inverse, la commune n’est pas responsable (CE, 1er déc. 1976, Berezowski : D. 1978, jurispr. p. 45, note L. Richer. - CE, 22 av. 1988, n° 72926 et n° 75657, Gilbert).
Il va également en être ainsi dans la circonstance où les caveaux implantés sur les concessions sont dégradés par les racines des arbres plantés sur les parties publiques du cimetière (T. civ. Lyon, 24 janv. 1866 : DP 1867, 3, p. 45).
Atteintes aux droits du titulaire d’une concession funéraire
Lorsque l’atteinte aux droits du concessionnaire s’avère d’une particulière gravité et est insusceptible de se rattacher à l’exercice d’un pouvoir normal de l’administration, la commune voit sa responsabilité engagée sur le terrain de la voie de fait devant le juge judiciaire. Le juge semble considérer qu’il n’y aura voie de fait que lorsqu’il aura été porté atteinte aux corps entreposés dans la concession (Cass. 1re civ., 29 mai 2001, n° 99-15.725, Gérard Camy c/ Commune de Lagor : Collectivités-Intercommunalité 2001, comm. 293, note D. Dutrieux ; JCP G 2002, II, 10101, note S. Fromont). Ainsi, un relèvement de corps inhumés dans des concessions temporaires non venues à expiration s’analyse comme une voie de fait (T. civ. Seine, 21 juin 1938, Jacquelin c/ Ville de Neuilly : DH 1938, p. 589).
Lorsque l’atteinte se limite à une simple dépossession matérielle d’une partie du périmètre de la concession sans qu’il soit touché aux corps entreposés dans le caveau, la commune verra sa responsabilité engagée sur le fondement de l’emprise irrégulière. L’idée de dépossession est donc une composante indivisible de l’emprise irrégulière. Après le constat du juge administratif, c’est le juge judiciaire qui fixera le montant de l’indemnisation du concessionnaire de sépulture. C’est notamment le cas dans l’hypothèse d’une revente illégale de concession (CE, 15 fév. 1961, Werquin : Rec. CE 1961, p. 118) ou de l’inhumation de deux personnes étrangères au titulaire de la concession dès lors qu’il n’a pas été touché aux corps entreposés dans le caveau (CE, 22 av. 1983, Lasporte : Rec. CE 1983, p. 160 ; Rev. adm. 1983, p. 255, note B. Pacteau).
Toutefois, il convient de signaler que la frontière entre l’emprise irrégulière et la responsabilité administrative pour faute est parfois ténue et que le juge administratif retiendra sa compétence dans des circonstances qui pourraient s’analyser comme une emprise irrégulière (TA Lille, 11 mars 1999, Belkacem Kheddache, Dehbia Kheddache c/ Commune de Maubeuge). De même, il est arrivé au juge administratif de privilégier l’emprise irrégulière au détriment de la voie de fait dans une hypothèse : AJDA 1999, p. 1026, note D. Dutrieux où des exhumations avaient été pratiquées sur une concession à l’occasion de travaux pratiqués sur une concession voisine (TA Versailles, 19 déc. 1989, Flageolet-Lardenois : JurisData n° 1989-052206). Enfin, l’emprise irrégulière ne sera pas retenue, malgré l’empiétement d’une concession voisine, aux motifs que cet empiétement ne résulte pas d’un fait de l’administration (CAA Nancy, 2 juil. 1991, n° 89NC01389, Cts Tahir : JurisData n° 1991-051953). L’administration peut toutefois utilement invoquer, en cas d’atteinte au périmètre de la concession, l’absence d’une concession véritablement matérialisée pour éviter que le juge ne retienne l’emprise irrégulière. De surcroît, la proposition d’attribuer à la famille une parcelle contiguë pourra conduire le juge à ne pas retenir de préjudice (TA Amiens, 1er mars 1988, n° 8512859, Savoye c/ Cne La Rue-Saint-Pierre : JurisData n° 1988-048591).
La cour d’appel de Caen a récemment considéré que le transfert des ossements trouvés dans une sépulture après exhumation sur un terrain privé plutôt que dans l’ossuaire, était constitutif d’une voie de fait, confirmant ainsi une décision antérieure de la cour d’appel de Riom portant sur des faits similaires (CA Riom, 10 avr. 2003 : JurisData n° 2003-225681. - CA Caen, 6 mai 2008, Tessier/Lebas : JurisData n° 2008-367928).
Damien Dutrieux,
consultant au CRIDON Nord-Est, maître
de conférences associé
à l’Université de Lille 2.
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