Cette fiche n° 1336 est issue du service documentaire "Pratique des opérations funéraires" des Éditions WEKA, supervisé par Marie-Christine Monfort, forte de 20 ans d’expérience dans le domaine funéraire au sein de la Ville de Lille et de la Métropole Européenne de Lille. Mis à jour en permanence, ce service offre une veille juridique et réglementaire, et des conseils opérationnels pour tous les professionnels pratiquant le droit funéraire.
La concession funéraire possède une nature juridique hybride, puisqu’elle est un contrat administratif portant occupation du domaine public dont le régime juridique qui s’applique est celui de la précarité et de la révocabilité de l’occupation, afin de respecter les principes d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité du domaine public. Néanmoins, le caractère familial sensible de cette occupation implique la garantie pour le concessionnaire de la stabilité des droits d’utilisation et de jouissance du terrain qui lui a été concédé pour l’établissement de sa sépulture.
Le régime juridique particulier des concessions funéraires doit donc poser une limitation sensible du droit des communes, même si ces dernières conservent un certain nombre de prérogatives dont celle de reprendre des concessions funéraires sous certaines conditions.
Le maire va logiquement organiser l’exhumation administrative des défunts inhumés dans le cimetière de la commune lorsque sont prononcées non seulement la reprise d’une sépulture en terrain commun à l’issue du délai de rotation des corps (arrêt Chapuy – Cour de cassation, chambre criminelle du 3 octobre 1862), mais également celle d’une concession parvenue à échéance et non renouvelée, ou celle d’une concession en état d’abandon.
Il est à noter que les conclusions de l’arrêt Chapuy qui requièrent l’établissement d’un arrêté du maire dûment affiché et soumis au contrôle de légalité préfectoral, ne prévoient pas l’obligation pour la commune d’informer les proches des défunts inhumés en terrain commun qu’à l’expiration du délai de rotation et lors de la reprise de la sépulture, une crémation des restes mortels exhumés est susceptible d’être réalisée.
Le Conseil d’État vient d’accepter de renvoyer une QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité) au Conseil constitutionnel, enregistrée sous la référence 2024-1110 QPC, au nom du respect de la liberté de conscience des défunts garantie par les articles 2 et 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Il est à noter qu’il peut être procédé à des exhumations administratives dans le cas plus rare de la translation du cimetière communal.
Comment gérer l’exhumation administrative ?
Définir le déroulement des opérations d’exhumation administrative
Contrairement aux conditions de réalisation de l’exhumation réalisée à la demande du plus proche parent du défunt, la présence de la famille ou de son mandataire est totalement exclue lorsque la commune fait procéder à une exhumation administrative. Elle est toutefois réalisée avec le même soin et le même respect des dépouilles mortelles.
La commune n’est pas tenue d’indiquer à la famille la date de l’intervention et, si cette dernière veut "profiter" de l’exhumation pour organiser la réinhumation de son proche dans une autre sépulture, il conviendra d’établir un titre de recette pour le montant des travaux réalisés par la collectivité.
Les exhumations administratives ne relèvent pas du service extérieur des pompes funèbres, car elles sont un acte de gestion du cimetière (optimisation de l’utilisation des parcelles concédées). Il s’agit d’une mission relevant du Service Public Administratif (SPA).
Le personnel chargé de les réaliser n’est pas astreint à la formation réglementaire de 16 heures destinée aux fossoyeurs, mais il est vivement conseillé de la mettre en place afin de garantir la bonne exécution de ces opérations funéraires et de protéger les exécutants soumis à d’importants risques sanitaires et à une forte charge mentale.
Même si les exigences de formation sont différentes pour leur réalisation, les exhumations administratives sont régies par l’art. 16-1-1 du Code civil, qui pose le respect dû au défunt puis à ses restes mortels, et le maire est garant de la qualité de leur réalisation.
D’après l’art. L. 2223-15 du Code Général Des Collectivités Territoriales (CGCT) : Les concessions sont accordées moyennant le versement d’un capital dont le montant est fixé par le conseil municipal. Les concessions temporaires, les concessions trentenaires et les concessions cinquantenaires sont renouvelables au prix du tarif en vigueur au moment du renouvellement. À défaut du paiement de cette nouvelle redevance, le terrain concédé fait retour à la commune. Il ne peut cependant être repris par elle que 2 années révolues après l’expiration de la période pour laquelle le terrain a été concédé. Dans l’intervalle de ces 2 années, les concessionnaires ou leurs ayants cause peuvent user de leur droit de renouvellement.
La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 dans son art. 237 complète le dernier alinéa de l’art. L. 2223-15 du CGCT : "Les communes sont tenues d’informer par tout moyen les concessionnaires et leurs ayants cause de l’existence de ce droit de renouvellement." Le législateur confirme ainsi une précédente jurisprudence qui avait déjà contraint le maire à une communication préalable à la reprise de la concession parvenue à échéance.
Ainsi, l’exhumation des restes mortels présents dans la concession est de droit lorsque cette dernière n’a pas été renouvelée dans les délais après communication obligatoire de son échéance.
Si la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 sur la simplification et l’amélioration de la qualité du droit a clairement exclu les exhumations administratives du champ des surveillances obligatoires, au titre de ses pouvoirs de police, le maire doit néanmoins garantir le bon déroulement de ces opérations et en faire dresser procès-verbal par un agent de la commune par précaution.
Alors que le législateur avait envisagé la fermeture totale du cimetière durant le déroulé des exhumations, elles sont dorénavant réalisées soit en dehors des heures d’ouverture du cimetière au public, soit durant ces heures d’ouverture, dans une partie du cimetière fermée au public (D. n° 2016-1253, 26 sept. 2016).
Les opérations d’exhumation présentent des risques, notamment d’ordre sanitaire, et les personnels chargés de les réaliser revêtent obligatoirement des Équipements de Protection Individuelle – EPI (à usage unique ou parfaitement désinfectés ensuite). Un nettoyage antiseptique de la face et des mains est également requis. Le maire pourra ordonner l’interruption d’une exhumation qui ne respecterait pas ces précautions de base. Tout manquement sera consigné au procès-verbal d’exhumation.
Lorsque l’exhumation est réalisée dans une sépulture en pleine terre, le professionnel devra veiller à stabiliser la fosse creusée pour éviter le glissement des monuments voisins et surtout leur effondrement sur un fossoyeur. Les conditions dans lesquelles les cercueils sont manipulés et extraits de la fosse sont déterminées par arrêté du ministre chargé de la Santé.
Si le cercueil est trouvé en bon état de conservation au moment de l’exhumation, il ne peut être ouvert en vue de son remplacement que s’il s’est écoulé 5 ans depuis le décès. En revanche, si le cercueil est trouvé en mauvais état, le corps doit obligatoirement être placé dans un autre cercueil ou dans un reliquaire.
Attention
Sauf si la commune a opté pour la crémation des restes mortels exhumés en l’absence d’opposition connue ou attestée, lorsque le corps est trouvé intact, ou en échec de décomposition, il ne peut pas faire l’objet d’une exhumation. La sépulture doit alors être refermée pour une nouvelle durée de 5 années, l’atteinte à l’intégrité du corps étant un délit de violation de sépulture.
Pour mémoire, seuls les ossements ont vocation à être inhumés dans l’ossuaire de la commune (qui ne saurait être un charnier).
Déterminer le sort des restes exhumés
Les restes exhumés, soit sont réunis dans un reliquaire qui est déposé à l’ossuaire communal, soit font l’objet d’une crémation en l’absence d’opposition connue ou attestée du défunt. Le respect dû à la mémoire des morts implique que les restes mortels soient déposés et non jetés pêle-mêle à l’ossuaire.
La doctrine autorise le rassemblement des ossements relevés d’une même concession dans un seul reliquaire, qui sera alors identifié soit par le nom de famille lorsqu’il est connu, soit par les références de la concession.
Si la commune opte pour la crémation des restes mortels, elle devra veiller à ce que le poids des reliquaires n’excède pas 80 kg, ce poids étant la limite technique posée par les gestionnaires de crématorium.
Le dépôt à l’ossuaire a lieu dans 2 cas :
• lors de la reprise d’une sépulture en terrain commun ;
• lors de la reprise d’une concession temporaire non renouvelée ou en état d’abandon.
À l’issue de l’exhumation, si le cercueil est détérioré, le corps est placé dans un autre cercueil ou un reliquaire qui est ensuite déposé à l’ossuaire. L’affectation à l’ossuaire est définitive et perpétuelle. L’ossuaire doit être convenablement aménagé et les restes sont ré-inhumés sur-le-champ.
À noter
En principe, le dépôt de restes mortuaires dans un ossuaire est définitif, mais toute personne doit pouvoir obtenir l’exhumation de corps de proches qui ont été déposés dans l’ossuaire, et un refus du maire ne peut être fondé que sur un motif de police administrative (salubrité publique, décence…) (TA Nantes, 17 nov. 2011, n° 1908347).
En principe, le dépôt de restes mortuaires dans un ossuaire est définitif, mais toute personne doit pouvoir obtenir l’exhumation de corps de proches qui ont été déposés dans l’ossuaire, et un refus du maire ne peut être fondé que sur un motif de police administrative (salubrité publique, décence…) (TA Nantes, 17 nov. 2011, n° 1908347).
La commune doit inscrire le nom des personnes exhumées dans un registre spécialement prévu à cet effet et mis à la disposition du public. Cette inscription est obligatoire même en l’absence de restes mortels. Le nom des personnes dont les restes ont été déposés à l’ossuaire peut être gravé sur un dispositif établi en matériaux durables dans le lieu affecté à cet effet ou au-dessus de l’ossuaire.
Notre conseil
Si la surveillance par une autorité de police judiciaire des exhumations administratives n’est plus obligatoire, sachez qu’elle reste cependant nécessaire et conseillée. Constitue le délit de vol, vol aggravé, violation de sépultures et atteinte à l’intégrité des cadavres le fait par une personne chargée d’une mission de service public de s’approprier des objets trouvés au cours d’opérations d’exhumation.
Si la surveillance par une autorité de police judiciaire des exhumations administratives n’est plus obligatoire, sachez qu’elle reste cependant nécessaire et conseillée. Constitue le délit de vol, vol aggravé, violation de sépultures et atteinte à l’intégrité des cadavres le fait par une personne chargée d’une mission de service public de s’approprier des objets trouvés au cours d’opérations d’exhumation.
Le maire, au titre de ses pouvoirs de police des lieux de funérailles, prévoira la présence d’un agent de la commune (gardien, conservateur…) qui établira un procès-verbal de l’exhumation dans lequel il relèvera le cas échéant les incidents, manquements ou toute autre anomalie intervenus lors de l’opération. Il devra par exemple consigner la découverte de bijoux près du défunt et leur placement dans le reliquaire.
Erreurs à éviter
N’oubliez pas de tenir un registre contenant le nom des personnes exhumées. En effet, l’art. L. 2321-2 du CGCT rappelle que la gestion du cimetière figure au nombre des dépenses obligatoires de la commune.
N’oubliez pas de tenir un registre contenant le nom des personnes exhumées. En effet, l’art. L. 2321-2 du CGCT rappelle que la gestion du cimetière figure au nombre des dépenses obligatoires de la commune.
FAQ
Que faire si des bijoux sont retrouvés lors de l’exhumation ?
Considérant qu’il relevait des dernières volontés du défunt que d’être inhumé avec ces objets, le personnel chargé de l’exhumation doit les déposer près des restes mortels dans le cercueil de taille appropriée ou le reliquaire utilisé. Agir autrement relèverait de la violation de sépulture.
Références juridiques
• Code civil, art. 16-1-1
• CGCT
• Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, portant obligation de communiquer sur l’échéance des conditions
• Loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit
• Loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire
• Décret n° 2016-1253 du 26 septembre 2016 relatif aux opérations funéraires et à la reconnaissance des qualifications professionnelles nécessaires à leur exercice
• CE, 11 mars 2020, n° 436693
• TA Nantes, 17 novembre 2021, n° 1908347
Marie-Christine Monfort
Transmis par Mariam El Habib
Éditrice Services à la population, WEKA
Résonance n° 207 - Septembre 2024
Résonance n° 207 - Septembre 2024
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