L’ouverture du marché du funéraire instaurée par la loi du 8 janvier 1993 a produit ses pleins effets cinq ans plus tard, en 1998. Depuis lors, l’ensemble des opérateurs, publics ou privés, sont placés sur un pied d’égalité concurrentiel et soumis aux mêmes règles.
Bien que le nombre d’opérateurs publics ait beaucoup diminué et qu’ils ne représentent plus aujourd’hui qu’une part de marché minoritaire, le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) qualifie néanmoins toujours les activités du service extérieur des pompes funèbres de "mission de service public" (art. L. 2223-19).
Sur le principe, cette qualification de service public demeure discutable en raison de la prédominance de son caractère privé d’une part, et en raison du faible lien entretenu entre les opérateurs privés et l’Administration, qui se limite bien souvent à l’habilitation. Le caractère de service public se justifie néanmoins par la finalité de ce service : l’inhumation et la crémation des personnes décédées, qui constituent des nécessités d’ordre public.
Les opérateurs funéraires
Depuis la pleine entrée en vigueur de la loi de 1993, coexistent plusieurs types d’opérateurs :
• Les opérateurs publics : régies communales ou intercommunales ;
• Les opérateurs publics et privés exerçant en qualité de délégataires des communes et des intercommunalités ;
• Les opérateurs privés sous forme d’entreprises commerciales (de formes juridiques diverses : SA, SARL, etc.), mais également des associations à but non lucratif.
L’habilitation préfectorale : une obligation générale
Tous les opérateurs funéraires, quel que soit leur statut (public ou privé), ne peuvent exercer une activité du service extérieur des pompes funèbres qu’après avoir obtenu de l’autorité préfectorale une habilitation à cette fin. Ainsi, la procédure et les règles d’obtention de l’habilitation seront les mêmes pour tous, et en particulier en matière de formation. Ainsi, un agent public, conseiller funéraire d’une régie devra justifier de la même formation qu’un conseiller funéraire salarié d’une entreprise privée.
Des règles de fonctionnement très strictes
Les activités du service extérieur des pompes funèbres ont un caractère hautement sensible pour au moins deux raisons : la prise en charge des défunts (impliquant non seulement le respect qui leur est dû, mais également des exigences d’hygiène et de salubrité publiques), et la relation commerciale qui a vocation à se tisser avec une clientèle particulièrement fragilisée par les circonstances (familles en deuil). Ces circonstances très particulières expliquent aisément l’attachement du législateur à renforcer les règles encadrant tant la dimension opérationnelle que commerciale de l’activité.
Du droit commun au droit spécial
Il serait faux de croire que les activités funéraires ne relèvent que de règles spécifiques. Ces règles propres aux activités du service extérieur des pompes funèbres ne sont présentes que lorsqu’une protection renforcée de l’ordre public est nécessaire : respect de la dignité des défunts, protection des familles endeuillées, respect de l’hygiène et de la salubrité publiques, mais également protection de l’ordre public économique en matière de concurrence entre les opérateurs funéraires.
Tous les moments de la vie d’une entreprise funéraire ne sont donc pas encadrés par des règles spécifiques, mais relèvent également du droit commun à toutes les entreprises, et lorsqu’une règle spécifique encadre une activité ou un moment particuliers, elle prendra toujours appui sur le droit commun. Ainsi, appréhender le droit des activités funéraires implique nécessairement de se reporter au droit commun dont il constitue le prolongement ou la simple application.
Des règles spéciales régissant l’activité opérationnelle
Les règles régissant les activités opérationnelles relèvent de la police administrative. C’est la raison pour laquelle elles se concentrent en quasi-totalité dans le CGCT. La police administrative consiste dans l’édiction de règles émanant de l’autorité administrative dans le but de protéger l’ordre public (bon ordre, sécurité publique, salubrité publique, etc.).
En matière funéraire, il s’agit principalement de l’ensemble des règles relatives aux opérations funéraires : transports de corps, soins de conservation, caractéristiques des cercueils et des véhicules, mais également des règles relatives à l’utilisation du domaine public (voies publiques, cimetières notamment).
Mais le droit commun ne doit pas pour autant être écarté. En effet, certaines situations opérationnelles rencontrées par l’opérateur funéraire ne sont pas spécifiquement régies par des textes spéciaux relatifs au domaine funéraire. Dans ce cas, les règles générales auront vocation à s’appliquer.
Des règles spéciales régissant l’activité commerciale
Les opérateurs funéraires sont des entreprises à caractère commercial (qu’elles soient publiques ou privées, à but lucratif ou non). À ce titre, elles fournissent à titre onéreux des biens et des services à leurs clients : les familles. La relation commerciale se tissera donc par un contrat de vente régi en premier lieu par les dispositions du Code civil.
Mais avec la libéralisation du marché, le législateur a également fait du client de l’entreprise de pompes funèbres un consommateur. À ce titre, auront également à s’appliquer les règles du Code de la consommation. Enfin, en raison de la particulière vulnérabilité des familles endeuillées, des règles de protection spécifiques régissant les relations commerciales entre les pompes funèbres et leurs clients sont également présentes dans le CGCT.
Dès lors, les règles régissant l’activité commerciale des opérateurs funéraires auront vocation à s’appréhender en allant "du général au particulier", c’est-à-dire en mettant en perspective d’abord les dispositions du Code civil, puis celles du Code de la consommation et enfin celles du CGCT.
Des règles sanctionnées civilement, pénalement et administrativement
À l’instar de toute activité, les entreprises funéraires sont susceptibles d’engager leur responsabilité civile délictuelle et contractuelle dans la conclusion et l’exécution de leurs prestations. De plus, de nombreuses sanctions pénales et administratives sont encourues en cas de manquement aux règles générales et spéciales encadrant l’activité des opérateurs funéraires.
Sur le plan opérationnel, l’entreprise peut encourir des sanctions de retrait d’habilitation, voire des sanctions pénales si elle exerce en dehors de son champ d’habilitation. De même, en matière commerciale, le manquement à l’obligation d’information du client ou encore la pratique de techniques de vente contraires aux règles garantissant la libre concurrence, font peser sur l’entreprise un important risque de sanctions.
Enfin, le respect dû aux défunts et aux lieux de mémoire et de sépulture est lourdement sanctionné pénalement. Ces sanctions sont prévues par de nombreux textes présents dans le Code civil, le Code pénal, le Code de la consommation et dans le CGCT.
Qu’est-ce que le droit funéraire ?
En premier lieu, on peut aisément affirmer que le droit funéraire n’est pas une branche autonome du droit. En réalité, il emprunte à de nombreuses branches un ensemble de règles générales et spécifiques qui forment un tout, assez hétérogène, que l’on pourrait schématiquement représenter de la façon suivante :
• Le droit des activités funéraires opérationnelles, qui se situe pour l’essentiel dans la branche du droit des collectivités territoriales (spécialité du droit administratif, dont les opérations funéraires sont une composante), enrichi principalement par quelques règles de droit de la santé publique (mort et constat du décès), de droit civil des personnes (déclaration et actes de décès), droit de la procédure pénale (mort suspecte) ;
• Le droit des activités commerciales funéraires, qui a pour l’essentiel un caractère civil (contrat de vente), est essentiellement prolongé par le droit de la consommation (protection du consommateur) et le droit des assurances (prévoyance obsèques). L’ensemble étant renforcé par quelques règles spécifiques présentes dans le CGCT.
Me Xavier Anonin
Docteur en droit - Avocat au barreau de Paris
Résonance n° 206 - Août 2024
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