Nous proposons un petit cas pratique relatif au devenir des urnes funéraires conservées dans une propriété privée.
Questions :
Une dame vous indique qu’elle détient à son domicile une urne contenant les cendres funéraires d’un proche depuis une trentaine d’années. Elle souhaite qu’à son décès cette urne soit mise dans son cercueil. À défaut, elle souhaiterait que cette urne soit – au moment de son décès – placée dans son caveau. Cela est-il possible ?
Réponse :
L’interdiction de conservation des urnes dans une propriété privée
Il n’est plus possible de conserver l’urne à domicile, puisque cette destination n’est désormais plus répertoriée dans celles retenues par l’art. L. 223-18-2 du Code Général des Collectivités Territoriales visant la destination des cendres après la crémation (pour une position analogue de la doctrine administrative : Rép. min. n° 44538, JOAN Q 10 novembre 2009).
Si une manifestation de volonté était antérieure à la publication de la loi du 19 décembre 2008, on pourra citer la position de l’Administration selon laquelle : "La loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 interdit désormais la conservation de l’urne funéraire dans une propriété privée : cette restriction s’applique donc à tous les décès survenus depuis la promulgation de la loi – soit le 20 décembre 2008 –, même si les défunts avaient exprimé le souhait de faire déposer leurs cendres à domicile antérieurement à cette date." (Rép. min. n° 47087, JOAN Q 10 novembre 2009).
Il demeure néanmoins possible de les inhumer dans une propriété privée dans des conditions peu ou prou similaires à celles des cercueils. C’est d’ailleurs la position prônée par la doctrine administrative : "Inhumation de l’urne dans une propriété privée, après autorisation préfectorale : dès lors que les cendres sont désormais assimilées au corps humain, les dispositions de I’art. R. 2213-32 ont vocation à s’appliquer. Toutefois, dans cette hypothèse, l’avis d’un hydrogéologue n’est pas nécessaire.
Lorsque vous instruirez une demande d’autorisation d’inhumation d’une urne en propriété privée, vous rappellerez au demandeur que cette opération crée une servitude perpétuelle à l’endroit où l’urne est inhumée, de manière à garantir la liberté de chacun de venir se recueillir devant les cendres du défunt". (Circulaire du 14 décembre 2009 (NOR : IOCB0915243C).
Ce n’est d’ailleurs que la reprise des positions du CGCT. En effet, l’art. R. 2213-32 énonce : "L’inhumation dans une propriété particulière du corps d’une personne décédée est autorisée par le préfet du département où est située cette propriété sur attestation que les formalités prescrites par l’art. R. 2213-17 et par les articles 78 et suivants du Code civil ont été accomplies et après avis d’un hydrogéologue agréé. Cet avis n’est pas requis pour l’inhumation d’une urne cinéraire."
L’ultime destination de l’urne : le cimetière
L’art. R. 2213-39-1 du CGCT oblige alors, depuis le 12 mars 2007, à ce que tout changement de destination d’urne ne puisse se faire qu’au profit d’une destination dans un cimetière. La combinaison de ce texte avec l’art. L. 223-18-2 du CGCT devrait conduire (si les familles n’omettent pas de respecter ces dispositions) à ce qu’à terme il n’y ait plus d’urnes gardées au domicile.
Ainsi, si la garde de l’urne funéraire au domicile était juridiquement fondée il y a une trentaine d’années, nécessairement, cette urne, si elle quitte cet endroit, ne devrait pouvoir que rejoindre un des équipements répertoriés à l’art. L. 2223-18-2 du CGCT après autorisation du maire, puisque l’art. R. 2213-39 du CGCT énonce que : "Le placement dans une sépulture, le scellement sur un monument funéraire, le dépôt dans une case de columbarium d’une urne et la dispersion des cendres, dans un cimetière ou un site cinéraire faisant l’objet de concessions, sont subordonnés à l’autorisation du maire de la commune où se déroule l’opération." Il serait d’ailleurs possible et même préférable, dès aujourd’hui, d’opérer cette translation ou de prévoir le sort de cette urne à la mort de cette dame.
L’urne dans le cercueil ?
Il faut rappeler que le principe est celui que le cercueil ne puisse contenir qu’un corps. La seule exception est celle prévue par l’art. R. 2213-16 du CGCT, qui autorise la mise en bière dans un même cercueil soit de plusieurs enfants sans vie d’une même mère ou enfants nés vivants puis décédés après l’accouchement ; soit de la mère et d’un ou plusieurs de ses enfants sans vie ou nés vivants puis décédés après l’accouchement.
In fine, on peut relever que le défunt peut être inhumé avec des objets dans le cercueil. Il est courant que l’on inhume des bijoux, par exemple, des effets personnels, des prothèses, tels dentiers, lunettes, jambes ou bras articulés (cf. Xavier Labbée "les prothèses et la mise en bière", Petites Affiches juillet 2012) à part les prothèses comportant des éléments radioactifs (art. R. 2213-25 du CGCT : il s’agit des prothèses cardiaques fonctionnant à l’aide de piles), mais peut-on assimiler une urne funéraire à un objet ?
Nous ne pensons pas, et cette urne est nécessairement assimilée à un corps, sinon elle n’aurait aucun droit à l’inhumation et aux destinations que le code énumère pour elle. Or, cette liste des destinations citées par le CGCT est nécessairement limitative (à notre connaissance, seule l’urne contenant les cendres d’un animal de compagnie a déjà été autorisée par le juge judiciaire dans le cercueil de son maître : Cf. Xavier Labbée "Le chien dans le cercueil" JCP, déc. 2012, 1261). Il sera donc impossible de faire inhumer dans le cercueil l’urne funéraire.
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon - Chargé de cours à l’université de Lille
Résonance n° 205 - Juillet 2024
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