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Cette question n’est pas inédite, et par le passé, tant la doctrine administrative que le juge ne semblaient pas y être défavorables. Voici une intéressante réponse ministérielle qui vient permettre un nouvel éclairage du sujet à la lumière des jurisprudences récentes relatives au formalisme de la reprise des concessions échues.


Réponse ministérielle n° 14489, JO AN 23 avril 2024

Le renouvellement : quelques rappels

Les concessions funéraires, lorsqu’elles ne sont pas perpétuelles, sont accordées pour une durée déterminée. Le renouvellement consiste alors en la conclusion d’un nouveau contrat dans les 2 ans suivant l’échéance d’un contrat de concession funéraire expiré. Le renouvellement est ainsi juridiquement un nouveau contrat. En revanche, les renouvellements anticipés, lorsqu’ils sont acceptés, constituent juridiquement des conversions, c’est-à-dire la modification d’une clause (la durée) d’un contrat existant. Dans la pratique, les deux termes sont trop souvent employés l’un pour l’autre.

Le renouvellement se fait normalement au même emplacement. Le renouvellement fait par un héritier est valable pour tous les autres (CAA Marseille 9 février 2004, X, req. n° 99MA00943), voire par une autre personne qu’un concessionnaire, quoique cela ne soit pas conforme au texte de l’art. L. 2223-15 du Code Général des Collectivités Territoriales – CGCT (TA Paris 18 février 2004, M. C., Coll. Terr. 2004, n° 69). Il convient d’être extrêmement vigilant quant à l’auteur du renouvellement.

En effet, le renouvellement doit être réservé aux concessionnaires et ayants cause, à l’exclusion des tiers (amis, etc.). Effectivement, la famille peut parfaitement ne pas user de ce droit afin de provoquer la reprise administrative d’une sépulture dont elle ne souhaite plus assumer la charge. Dans ce cas de figure, le renouvellement autorisé de la part de tiers viendrait prolonger leurs obligations d’entretien de la sépulture. Relevons enfin que cette possibilité de ne pas renouveler est la contrepartie de l’impossibilité pour les héritiers d’une concession funéraire de rétrocéder celle-ci à la commune. Enfin, le paiement du prix par l’un des héritiers n’influera en rien sur les noms des personnes y ayant droit à inhumation dans la concession renouvelée (TA Paris 18 février 2004 M. C…, req. n° 0008942/3).

Il faut également préciser que le renouvellement est un droit contre lequel le maire ne peut s’opposer que pour des raisons tirées de l’ordre public. La question de savoir si un maire pouvait refuser le renouvellement en raison du défaut d’entretien d’une concession aurait pu se poser. Néanmoins, une jurisprudence du tribunal administratif de Paris illustre à l’envi que le droit du concessionnaire et de ses ayants droit au renouvellement est en pratique absolu (TA Paris 9 janvier 2007, n° 0418233, La lettre du tribunal administratif de Paris n° 12, avril 2007). Ces rappels étant faits, on peut se poser de nouveau la question de savoir si un renouvellement hors délai demeure possible…

Le renouvellement : une compétence discrétionnaire lorsqu’il est tardif ?

On relèvera alors cette récente réponse ministérielle, qui, au contraire de ce qui nous semble être plus conforme à la jurisprudence et à d’autres réponses antérieures, permet au maire de refuser un renouvellement tardif. L’argumentaire retenu se fonde dans l’intervention de la jurisprudence du Conseil d’État "commune d’Épinal" du 11 mars 2020 (n° 436693) à laquelle elle se réfère expressément. En effet, dans cet arrêt, le juge administratif vient imposer aux communes une information préalable et exigeante vis-à-vis des familles de l’extinction de la concession funéraire, information qui ne peut se limiter à un simple affichage aux portes du cimetière.

La réponse ministérielle rappelle ensuite la jurisprudence "Chemin-Leblond" (CE 20 janvier 1988, n° 68454) selon laquelle, à l’issue de 2 années suivant l’échéance de la concession, la concession fait retour à la commune. Il en tire la conséquence selon laquelle : "Il lui appartient alors de déterminer, en l’absence de reprise effective de la concession, si des ayants droit peuvent la renouveler au-delà de ce délai. En effet, après échéance de la concession et expiration du délai supplémentaire de 2 ans laissé aux ayants droit pour la renouveler, le maire n’est pas tenu d’accepter la demande de renouvellement." Est-ce vraiment si simple ?

Une question qui pourrait se poser est celle de connaître la position à adopter pour une commune, lorsque le renouvellement est demandé postérieurement au délai de deux ans. Juridiquement, le terme est échu et, le délai offert étant expiré, nous nous retrouvons devant des concessions funéraires non renouvelées. Or, passé ce délai de 2 ans, la commune peut alors enlever les ornements funéraires et concéder de nouveau l’emplacement après avoir procédé à l’exhumation des restes mortels s’y trouvant.

Le caveau et le monument sont évidemment devenus sa propriété, elle en disposera comme bon lui semble. Néanmoins, le ministère, par le passé, semblait autoriser le maire à pratiquer un renouvellement tardif (Rép. min. n° 43470, JOAN 21 juillet 2009) : "Toutefois, dans la mesure où la commune n’a pas encore procédé à la reprise de la concession, le maire peut accepter discrétionnairement une demande de renouvellement qui serait présentée au-delà du délai de 2 ans."

Il existe donc une inversion de raisonnement entre ces deux réponses, puisque celle de 2009 conclut à la possibilité d’accepter un renouvellement tardif dès lors que la reprise n’est pas intervenue, alors que celle de 2024 est plus catégorique en lui permettant de refuser un renouvellement dès lors que le délai de 2 ans est écoulé. Le terme de "reprise" visé expressément par la réponse de 2009 ne peut s’entendre selon nous comme ne concernant que la reprise matérielle de la sépulture.

En effet, à cette époque, c’est la jurisprudence "Chemin-Leblond" qui trouvait à s’appliquer ; c’est-à-dire que, lorsque le délai de 2 ans depuis le terme de la concession était échu, la reprise juridique était intervenue. L’arrêt ne précise-t-il pas : "qu’ainsi ce terrain a fait retour à la Ville de Paris, qui pouvait le reprendre sans aucune formalité". Il nous paraît plausible de considérer alors que cela signifiait que, tant que la concession n’avait pas été reprise matériellement (monument et corps encore présent), le maire pouvait (et même devait, cf. infra) l’accepter.

En revanche, dans la réponse de 2024, rendu sous le régime de la jurisprudence "commune d’Épinal", que peut bien signifier le terme de "reprise effective" ? Est-ce que le terme est assimilable à la reprise matérielle ? Nous ne le pensons pas, car il découle des règles exposées par l’Administration que la grande différence est que, désormais, il existe une procédure d‘information qui n’existait pas obligatoirement sous l’ancienne jurisprudence. Il nous semble envisageable cette fois de considérer que la reprise effective est bien la reprise juridique, et non la reprise matérielle…

Il serait donc désormais possible de refuser un renouvellement tardif alors que le défunt est toujours inhumé en raison de l’accomplissement des formalités juridiques exigées désormais par le Conseil d’État ? Nous avons du mal à nous convaincre de cette possibilité…

In fine, il ne faudrait surtout pas oublier que, pour le juge, ce renouvellement tardif demeure toujours possible : "qu’il résulte de ces dispositions que si un délai de 2 années après l’expiration du contrat de concession funéraire est laissé à tous les concessionnaires ou à leurs ayants cause pour user de leur droit à renouvellement, la période pendant laquelle la demande de renouvellement peut être présentée à l’Administration et le renouvellement octroyé par cette dernière avant l’expiration du contrat n’est limitée par aucun délai" (CAA Douai, 3 avril 2003, M. Maurice X, req. n° 00DA00873). Si l’on réserve le cas du renouvellement avant l’expiration du contrat (une conversion, donc), le juge douaisien affirme bien que le renouvellement peut être demandé à tout moment.

Le prix du renouvellement

Si ce renouvellement tardif est accordé, il se posera alors la question du prix du renouvellement. L’art. L. 2223-15 du CGCT dispose que le prix du renouvellement est celui "au moment du renouvellement". Si le principe apparaît clair, les modalités l’étaient moins, jusqu’à l’intervention de l’arrêt "Pujol" du 21 mai 2007 (req. n° 281615). Rappelons qu’il s’agissait d’une famille qui avait acquis, le 16 août 1960, dans le cimetière parisien de Bagneux, une concession funéraire d’une durée de 30 ans.

Cette concession expirait le 16 août 1990. La famille n’en sollicite le renouvellement que le 9 août 1992 en demandant l’application du tarif en vigueur à la date d’échéance de la concession et non à la date du renouvellement effectif. La Ville de Paris refuse d’appliquer ce premier tarif, qui désormais n’a plus cours, et estime devoir appliquer celui en vigueur depuis le 1er juillet 1992.

Avant l’intervention de cet arrêt, la question qui se posait fréquemment était celle de la date à partir de laquelle courait ce renouvellement. En théorie, la durée pouvait courir soit à compter de la date à laquelle la concession était échue, soit à compter du moment (à la condition que cela soit inscrit dans le délai de 2 ans) où le renouvellement intervenait effectivement. C’est cette première option que le Conseil d’État fait prévaloir dans l’arrêt "Pujol" (en laissant de côté des problématiques de finances publiques indubitables). À la lumière des faits de l’arrêt "Pujol", il serait logique d’opter pour une régularisation des années écoulées séparant le renouvellement tardif de l’échéance du terme de la concession.
 
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon - Chargé de cours à l’université de Lille

Résonance n° 205 - Juillet 2024

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