Évolutions législatives, jurisprudentielles et doctrinales mai et juin 2024.
La fille, par ailleurs tutrice de la défunte, commet une faute à l’égard de ses frères et sœurs si elle ne les informe pas du décès
Par application de l’art. 1240 nouveau (ou 1382 ancien) du Code civil, la mise en œuvre de la responsabilité dite "délictuelle", c’est-à-dire en dehors d’un contrat, nécessite la réunion de trois éléments cumulatifs : une faute, un préjudice et un lien de causalité.
En l’espèce, le tribunal judiciaire de Draguignan a été saisi d’une demande de dommages et intérêts émanant de fils, filles et petits-enfants d’une personne décédée, lesquels n’ont pas été informés du décès de leur aïeule par leur sœur, mais l’ont découvert à l’occasion d’une visite, quelques jours après le décès.
Les demandeurs reprochaient à la défenderesse d’avoir commis une faute en ne les prévenant pas immédiatement du décès de leur mère, puis en s’étant opposée à la réouverture du cercueil aux fins de recueillement, une fois le décès tardivement appris.
Pour caractériser la faute de la défenderesse, le tibunal a moins considéré la position de la défenderesse en sa qualité de fille de la défunte qu’en sa qualité de tutrice.
En effet, le tribunal a considéré : "S’il est vrai qu’aucun texte n’oblige une sœur à informer les autres membres de la fratrie du décès de leur mère, il ne peut qu’être rappelé que madame [K] [F] était la tutrice de sa mère et qu’elle était ainsi tenue à des obligations du fait de ce statut particulier, parmi lesquelles celle d’assurer le bien-être, tant physique que psychologique, de la majeure protégée.
Concernée au premier plan par le décès de sa mère qu’elle hébergeait de longue date et dont elle prenait soin, y compris par le biais d’une activité professionnelle rémunérée, il lui incombait donc, à ce titre, de laisser de côté les rancœurs qu’elle pouvait éventuellement nourrir à l’égard de la fratrie pour assurer une information "normale", c’est-à-dire l’information attendue de la part de tout professionnel investi d’une mission de protection auprès d’une personne âgée, à l’égard de ses proches parmi lesquels il ne peut être dénié que figurent l’ensemble de ses enfants."
L’existence de dissentions familiales, opposée en défense, n’a pas été considérée par le tribunal comme de nature à exonérer, même partiellement, la faute commise par la sœur dans l’exercice de son mandat de tutrice. La sœur/tutrice fautive a été condamnée à indemniser ses frères et sœurs justifiant d’un préjudice moral à hauteur de 10 000 €. Les autres membres de la famille ont été déboutés de leurs demandes indemnitaires, faute de pouvoir justifier d’un préjudice.
Me Anthony Alaimo
Source : Tribunal judiciaire, Draguignan, 16 mai 2024 – n° 21/03951
Résonance n° 205 - Juillet 2024
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