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En l’état actuel de la législation, même si la destination la plus évidente des cendres demeure le cimetière, il est malgré tout possible que les cendres funéraires connaissent d’autres destinations. Nous allons les présenter synthétiquement à travers cette petite fiche.


Le site cinéraire en dehors du cimetière

La cour d’appel d’Aix-en-Provence a considéré qu’il était impossible de créer un site cinéraire privé (CA Aix-en-Provence, 15 janv. 2002, n° 01/05822, Assoc. Site Cinéraire Intercnal Alpes-Maritimes [SCIAM]), SCI Carimail c/ Cne Mougins : Collectivités-Intercommunalité 2002, comm. 140, note D. Dutrieux), le pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 15 janvier 2002 a été rejeté, la Cour de cassation confirmant ainsi l’interdiction des sites cinéraires privés (Cass. 1re civ., 13 décembre 2005, n° 02-14.360).

Il importe néanmoins de noter que tant les sites cinéraires que les crématoriums peuvent être installés et gérés en dehors d’un cimetière (TA Paris, 25 juin 2002, n° 0018824/6, préfet région Île-de-France, préfet Paris : AJDA 2003, p. 179, note D. Dutrieux) dès lors, pour les crématoriums, qu’ils sont concédés par la personne publique. Il existe en effet un monopole pour la création d’un crématorium (Code Général des Collectivités Territoriales – CGCT, art. L. 2223-40).

Une telle installation doit se gérer à l’égal du site cinéraire dans le cimetière. Néanmoins, on relèvera qu’un seul point particulier a fait l’objet d’un encadrement réglementaire spécifique (Rép. min n° 12278, JO S du 2 avril 2015), il s’agit de la translation du site cinéraire :  
Art. R. 2223-23-1 du CGCT : "En cas de translation du site cinéraire, les titulaires des emplacements sont en droit d’obtenir, dans le nouveau site cinéraire, un emplacement répondant à des caractéristiques identiques."
On relèvera d’ailleurs que cette réponse aurait pu être l’occasion de s’attarder sur les droits des familles dont les défunts auraient été dispersés dans le lieu du cimetière affecté à cet effet. En effet, il semble impossible de pouvoir les considérer comme des "titulaires d’emplacements" au sens des dispositions précitées du CGCT.
 
La dispersion en pleine nature
 
La circulaire du 14 décembre 2009 dispose : "Précision sur la notion de "pleine nature". Il n’existe pas de définition juridique de cette notion. Dès lors, seule l’interprétation souveraine des tribunaux permettrait d’en préciser le contenu. Toutefois, il peut être utile de se référer à la notion d’espace naturel non aménagé, afin de déterminer si le lieu choisi pour la dispersion est conforme ou non à la législation.

De ce fait, la notion de pleine nature apparaît peu compatible avec celle de propriété particulière, interdisant la dispersion des cendres dans un jardin privé. Ce principe peut néanmoins connaître des exceptions, notamment lorsque la dispersion est envisagée dans de grandes étendues accessibles au public mais appartenant à une personne privée (un champ, une prairie, une forêt…), sous réserve de l’accord préalable du propriétaire du terrain.

S’agissant des cours d’eau et des rivières sauvages, non aménagés et sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, il y a lieu de considérer que la dispersion des cendres y est possible. La dispersion en mer est également possible, dès lors qu’elle ne contrevient pas à la réglementation maritime et aux règles édictées localement au titre de la zone de police spéciale de 300 mètres instituée par la loi Littoral du 2 janvier 1986 et codifiée à l’art. L. 2213-23 du CGCT.

Pour cela, les opérateurs funéraires chargés de ces opérations ou la personne habilitée à pourvoir aux funérailles se rapprocheront de la préfecture maritime compétente pour les formalités liées à la réglementation maritime, ou du maire pour les règles afférentes à la zone de police spéciale. Pour la déclaration relative à la dispersion des cendres prévue à l’art. R. 2213-39 du CGCT, la commune de rattachement sera celle du port ou du mouillage de départ du bâtiment.

Les modalités de la déclaration de dispersion en pleine nature sont définies par le nouvel art. L. 2223-18-3 du CGCT. Aucun délai n’a été fixé pour cette déclaration, mais il est souhaitable qu’elle s’effectue à la suite des opérations de dispersion.

Le dernier alinéa de l’art. R. 2213-39 du Code précité, qui prévoit une déclaration au maire de la commune de la dispersion, continue à s’appliquer".

Ainsi, il semble évident que, pour apprécier cette notion, il faut envisager, tout à la fois, la taille de l’espace où l’on souhaite disperser, sa localisation (les destinations urbaines semblent proscrites), ainsi que le rôle de l’homme dans l’entretien et l’aménagement de cet espace (qui devrait logiquement être le plus réduit possible). On restera néanmoins dubitatif devant l’imprécision de cette notion.

On rappellera que l’art. L. 2223-18-3 du CGCT dispose que : "En cas de dispersion des cendres en pleine nature, la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles en fait la déclaration à la mairie de la commune du lieu de naissance. L’identité du défunt ainsi que la date et le lieu de dispersion de ses cendres sont inscrits sur un registre créé à cet effet." L’identité du défunt ainsi que la date et le lieu de dispersion de ses cendres sont donc inscrits sur un registre créé à cet effet. Il faut remarquer que la CADA (Commission d’Accès aux Documents Administratifs) s’est prononcée pour la publicité de ce registre (Avis CADA n° 20093679 du 22 octobre 2009).

En revanche, la même circulaire ne nous éclaire pas quant à la notion de voies publiques. Dire qu’elle est "publique" signifie que ne sont pas concernées les voies privées, mais de toute façon, une voie privée, pourvue d’un aménagement même fort modeste, n’échappe-t-elle pas à la notion de pleine nature ? De surcroît, qu’est-ce qu’une voie ? Est-ce exclusivement terrestre, routier ? La jurisprudence devra nous éclairer sur ces points.
 
L’inhumation de l’urne dans une propriété privée

Ainsi, s’il est impossible désormais de garder l’urne chez soi, comme un élément de mobilier (sauf pour ceux qui ont pu le faire avant l’intervention de la loi du 19 décembre 2008), il demeure possible de l’inhumer dans une propriété privée dans des conditions peu ou prou similaires à celles des cercueils. La circulaire du 14 décembre 2009, assez logiquement, se prononce pour l’application des dispositions de l’art. R. 2213-32 du CGCT, qui rendent, sous certaines conditions, possible l’inhumation d’un corps en terrain privé aux urnes funéraires.

L’avis de l’hydrogéologue est rendu inutile pour l’urne cinéraire (art. R. 2213- 32). C’est là une compétence qui échappe au maire, au bénéfice du préfet du département où est située cette propriété privée. Le préfet reçoit donc la demande d’autorisation d’inhumation accompagnée de l’acte de décès. L’art. L. 2223-9 du CGCT énonçant, quant à lui, que "toute personne peut être enterrée sur une propriété particulière, pourvu que cette propriété soit hors de l’enceinte des villes et des bourgs à la distance prescrite".

Il convient de remarquer que cette sépulture en terrain privé est protégée par les servitudes non ædificandi de l’art. L. 2223-5 du CGCT, qui visent à limiter les constructions d’édifices ainsi que le forage de puits aux abords des cimetières. L’autorisation d’inhumer en terrain privé sera exclusivement individuelle. Elle ne confère donc aucun droit d’inhumation dans le même terrain privé aux autres membres de la famille. Elle ne peut d’ailleurs pas être délivrée du vivant des intéressés d’après une circulaire du ministre de l’Intérieur du 5 avril 1976, qui précise que "les autorisations sollicitées ne peuvent être délivrées du vivant des intervenants. Il convient d’informer ceux-ci qu’il appartiendra, le moment venu, à leur exécuteur testamentaire ou à toute autre personne habilitée, de faire les démarches nécessaires auprès des services préfectoraux".

Ces autorisations ne peuvent donc donner lieu à la création de cimetières familiaux et privés, et restent à tout le moins exceptionnellement délivrées par le préfet. Ces sépultures en terrain privé sont, d’après la jurisprudence, perpétuelles, inaliénables et incessibles. Lorsqu’elles sont fondées, les propriétaires du bien immobilier ne pourront en exhumer les urnes, pas plus qu’ils ne pourront agir sur l’éventuel monument funéraire.

Les héritiers de la personne inhumée dans un lieu privé bénéficieront alors d’une servitude de passage, même si le contrat de vente n’a rien prévu à ce sujet, servitude qui, étant un droit hors commerce, ne peut faire l’objet d’une prescription acquisitive par un acquéreur (CA Amiens, 28 octobre 1992, D. 1993, p. 370). Un renoncement par contrat à cette servitude par les héritiers sera nul. Il est à noter de plus que toute atteinte, même involontaire, à cette sépulture par l’acquéreur du bien immobilier peut être constitutive du délit de violation de sépulture prévu aux articles 225-17 et 225-18 du Code pénal.
 
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon
Chargé de cours à l’université de Lille

Résonance n° 204 - Juin 2024

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