Ce récent jugement du tribunal administratif de Lille nous paraît mériter ces quelques lignes en raison de l’imprécision du vocabulaire employé par le juge lillois ; le contexte est classique : un élu attaque la délibération de la commune qui supprime le droit de superposition pour les concessions funéraires. Il attaque également le maintien d’une taxe d’exhumation.
Tribunal administratif, Lille, 2e chambre, 2 avril 2024 – n° 2102477
La fin des taxes funéraires
L’art. 121 de la loi de finances n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 (J.O. du 30/12) abroge l’art. L. 2223-22 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) qui permettait aux communes d’instituer, de manière facultative, des taxes sur les convois funéraires, les inhumations et crémations. Ainsi, il n’est plus possible depuis le 1er janvier 2021 de percevoir une taxe d’inhumation, une taxe de crémation, ou une taxe sur les convois funéraires.
Aucune autre taxe que celles se trouvant dans cette liste ne pouvait être prélevée par la commune, puisqu’un impôt ne peut trouver sa source que dans la loi. Cette position a été rappelée par la cour administrative d’appel de Lyon dans un arrêt du 9 mars 2006 (Req. n° 00LY00349) en interdisant à une ville d’instituer des taxes sur le séjour des corps en chambres mortuaires et funéraires.
De même, de très nombreuses communes percevaient également un nombre varié de taxes, relatives aux exhumations (Rep. Min. JOAN, Q 18 avril 1994 n° 11051), ou bien encore aux ouvertures de caveau (Rep. min. JOAN Q 22 mars 1999), ce qui est indubitablement illégal lorsqu’elles n’accomplissent pas cette opération mais ne font que l’autoriser.
C’est ce que rappelle opportunément le juge administratif : "Par suite, le règlement intérieur des cimetières d’H-A…, adopté par délibération du 1er février 2021, ne pouvait légalement prévoir le maintien d’une taxe d’inhumation sur le territoire de la commune". La requête est donc accueillie sur ce point.
La possibilité de faire payer la superposition de corps
Il ne faut pas confondre un prix et une taxe. Le prix est la contrepartie d’une prestation, tandis que la taxe est un impôt acquitté. Très souvent, on utilise un terme à la place de l’autre. Or, si la loi de finances supprime les taxes énumérées à l’art. L. 2223-22 du CGCT, il est évident que certaines prestations donnant lieu à un prix continuent d’exister même si, maladroitement la commune les qualifia par le passé de taxes ce qui en matière funéraire est assez courant.
Ainsi, parfois, on rencontre dans certains règlements de cimetières une "taxe de superposition" ou "taxe de secondes et ultérieures inhumations". Il ne faut pas se laisser abuser par l’emploi de ce terme, il ne s’agit pas vraiment d’une taxe : c’est une redevance que certaines communes ont instituée et qui est perçue à l’occasion des inhumations qui ont lieu dans une même sépulture, à partir de la deuxième inhumation dans cette tombe. Le juge administratif en reconnaît la légalité (CE 18 janvier 1929 Sieur Barbé : Rec. p. 66).
En fait, en pratique, un prix initial est donné à la concession puis ensuite un prix est demandé à chaque nouvelle inhumation sous réserve qu’elle ait été instituée avant la conclusion du contrat de concession. Ce n’est donc pas une taxe, que seul le législateur pourrait instituer, mais une modalité du paiement du prix de la concession (réponse ministérielle, n° 24234, JOAN Q 22 mars 1999, p. 1754). In fine, d’ailleurs, lors d’un renouvellement du titre, le prix sera alors celui cumulé du prix initial augmenté du nombre de ces "taxes".
Il est alors dommage que le juge administratif emploie ici le terme de "taxe" pour qualifier ce droit de superposition alors que son raisonnement n’appelle pas de critiques : "Le droit de superposition est une taxe décidée et perçue par les communes qui en font le choix. Le conseil municipal d’H-A… était donc libre de la supprimer par l’adoption de la délibération litigieuse, sans qu’ait d’incidence la circonstance que des redevances aient été perçues pour les concessions antérieurement accordées".
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon
Chargé de cours à l’université de Valenciennes
Résonance n° 203 - Mai 2024
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