La chambre funéraire n’est pas un équipement anodin et voici un arrêt où la commune d’Arcachon intente un recours à l’encontre d‘une décision préfectorale implicite de création d’une chambre funéraire. En effet, il apparaît que l’accès à la partie technique de cette chambre est visible depuis un immeuble d’habitation situé à proximité.
CAA de Bordeaux 9 avril 2024, n° 22BX00139
Les conditions de création d’une chambre funéraire
L’art. R. 2223-74 Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) énonce que :
La création ou l’extension d’une chambre funéraire est autorisée par le préfet.Le dossier de demande de création ou d’extension d’une chambre funéraire comprend obligatoirement :
- une notice explicative,
- un plan de situation,
- un projet d’avis au public détaillant les modalités du projet envisagé. L’avis est ensuite publié, à la charge du demandeur, dans deux journaux régionaux ou locaux.
Le préfet consulte le conseil municipal, qui se prononce dans un délai de deux mois, et recueille l’avis du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques. La décision intervient dans le délai de quatre mois suivant le dépôt de la demande. En l’absence de notification de la décision à l’expiration de ce délai, l’autorisation est considérée comme accordée.
L’autorisation ne peut être refusée qu’en cas d’atteinte à l’ordre public ou de danger pour la salubrité publique. Dans les mêmes cas, le préfet peut, après mise en demeure, ordonner la fermeture provisoire ou définitive de la chambre funéraire. Le maire de la commune concernée est informé.
Ainsi dès lors qu’il est saisi d’un dossier, le préfet dispose de quatre mois pour prendre sa décision. Une décision d’acceptation tacite, comme en l’espèce, est accordée en cas de silence au bout de ce délai. Le recours à l’encontre de la décision est comme pour l’immense majorité des actes administratifs de deux mois à compter de l’accomplissement des formalités de publicités idoines (publication au recueil des actes administratifs).
Or, l’art. D. 2223-80 CGCT dispose que toute chambre funéraire est aménagée de façon à assurer une séparation entre la partie destinée à l’accueil du public, comprenant un ou plusieurs salons de présentation, et la partie technique destinée à la préparation des corps. L’accès à la chambre funéraire des corps avant mise en bière ou du cercueil s’effectue par la partie technique à l’abri des regards. Enfin, les pièces de la partie technique communiquent entre elles de façon à garantir le passage des corps ou des cercueils hors de la vue du public.
La société requérante fait alors valoir, pour la première fois en appel, que cette façade arrière est dotée d’un carport de 5 m² destiné à occulter les opérations funéraires, et produit à cet égard un constat de commissaire de justice. Un tel aménagement n’était toutefois ni prévu dans son dossier de demande d’autorisation, ni prescrit par la décision d’autorisation en litige, et il n’est nullement établi qu’il aurait été réalisé dès la création de la chambre funéraire.
Il s’ensuit nécessairement que la décision implicite d’acceptation de création de la chambre est donc illégale au vu des exigences de l’art. D. 2223-80 du CGCT. On remarquera que le juge prend soin de préciser que ce carport ayant été installé postérieurement à la décision, il ne peut "rattraper" l’illégalité de celle-ci car la légalité d’une décision administrative s’apprécie non pas au jour de la décision du juge mais au jour de l’édiction de la décision contestée.
Enfin, pour le juge, la circonstance que les véhicules de transport pourraient stationner en marche arrière au droit de l’entrée de la partie technique de la chambre funéraire ne suffit pas à garantir que l’accès des corps avant mise en bière ou des cercueils s’effectue à l’abri des regards ni, par suite, le respect du principe de décence des opérations funéraires…
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon
Chargé de cours à l’université de Valenciennes
Résonance n° 203 - Mai 2024
Résonance n° 203 - Mai 2024
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