Évolutions législatives, jurisprudentielles et doctrinales mars / avril 2024.
La volonté du défunt prévaut sur celle de son conjoint survivant
Un couple marié en 1957 décide, en 1994, de solliciter une concession perpétuelle dans le cimetière d’une commune. Au décès de Monsieur en 2007, ce dernier est inhumé dans ladite concession, conformément à ses volontés. Une de leurs filles acquiert une concession perpétuelle dans une autre commune. La veuve sollicite alors que son défunt époux soit exhumé afin d’être enterré au cimetière de cette seconde commune.
Certains des enfants du couple s’opposent à cette exhumation et au changement de sépulture de leur père. Le tribunal judiciaire, saisi par la veuve et certains enfants du couple, fait droit en première instance à la demande d’exhumation et au transfert de la sépulture du défunt. Les enfants opposés à l’exhumation saisissent la cour d’appel de Nîmes.
Ils soulèvent deux questions préjudicielles, c’est-à-dire des questions que le juge judiciaire ne peut pas trancher et doit soumettre à son homologue, juge administratif. :
• l’une portant sur l’exercice des pouvoirs du maire de la commune initiale sur la régulation des droits sur une concession funéraire ;
• l’autre sur la légalité de l’acte administratif intitulé "Acte de rétrocession concession de terrain".
La cour d’appel de Nîmes rappelle que l’existence d’une question préjudicielle suppose une contestation sérieuse nécessaire au règlement du litige.
Sur la première question préjudicielle, la cour d’appel souligne qu’il n’est pas ici question de la compétence du maire mais bien de la compétence du tribunal judiciaire pour connaître des volontés du défunt. Cette question préjudicielle est donc écartée, la compétence du tribunal judiciaire en matière de volonté des défunts étant incontestable d’une part, et d’autre part, le maire ayant refusé l’exhumation au titre de ses pouvoirs propres.
Sur la seconde question préjudicielle, à savoir la légalité de l’acte de concession au sein du cimetière de la seconde commune, la cour d’appel considère qu’il convient dans un premier temps d’examiner la demande d’exhumation avant de s’interroger sur la légalité de l’acte de concession dans le second cimetière.
Sur ce point, la cour, après avoir examiné le fond de l’affaire, considère que la question de la légalité de l’acte de concession du second cimetière n’est pas en lien avec la demande principale portant sur l’exhumation du défunt et que sa résolution ne présente aucun intérêt. La cour d’appel de Nîmes s’attache à apprécier la volonté du défunt, dont l’exhumation est sollicitée et fait débat au sein de la famille.
La cour d’appel, appréciant les éléments factuels du dossier, souligne que le défunt a fait l’acquisition d’une concession perpétuelle avec son épouse, en 1994 et que le couple n’a, de son vivant, jamais manifesté la volonté d’une autre sépulture. La cour souligne qu’après le décès de son époux, sa veuve a effectivement fait évoluer sa volonté et manifesté sa volonté personnelle de se voir inhumer dans une autre concession.
Néanmoins, la cour d’appel considère que le choix personnel de Madame ne peut se confondre avec celui de Monsieur exprimé de son vivant ni surtout se substituer à celui-ci. En d’autres termes, le changement de volonté de la veuve n’emporte pas le changement de volonté post-mortem de son défunt mari…
À retenir
Lorsqu’il est établi que la volonté du défunt a été respectée, l’exhumation et le transfert de sa dépouille mortelle ne peuvent être ordonnés pour répondre à la volonté de sa veuve.
Lorsqu’il est établi que la volonté du défunt a été respectée, l’exhumation et le transfert de sa dépouille mortelle ne peuvent être ordonnés pour répondre à la volonté de sa veuve.
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Me Bertrand Moutte
Source : Cour d’appel de Nîmes, 2e chambre section c, 7 mars 2024, n° 23/02392
Résonance n° 203 - Mai 2024
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