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Le 10 avril 2024, au terme d’une saga judiciaire qui aura duré plus de 6 mois, une réforme majeure du droit social français a été adoptée. Cette réforme, qui permet désormais aux salariés en arrêt maladie d'origine non professionnelle de cumuler des droits à congés payés, vient mettre en conformité le droit français au droit européen.


À la veille des élections européennes, cet épisode législatif démontre que l’Union européenne peut également être créatrice de droits au profit des salariés français, contrairement à ce qui est souvent affirmé.

Petit rappel de l’histoire

Jusqu’à présent, en droit français, seuls les salariés en arrêt pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle acquéraient des droits à congés payés, et ce, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an. Les salariés en arrêt maladie pour maladie non professionnelle ne bénéficiaient pas de cet avantage.

Toutefois, dans une série d’arrêts en date du 13 septembre 2023, la Cour de cassation a jugé cette règle non conforme au droit de l’Union européenne, qui impose aux États membres de garantir aux salariés un congé de 4 semaines par an au minimum, qu’ils soient en arrêt maladie ou non. Ces décisions avaient suscité la vive inquiétude des employeurs et nombre d’interrogations chez les professionnels du droit.

Le Conseil constitutionnel en était saisi au mois de novembre 2023, par la voie de deux Questions Prioritaires de Constitutionnalité (QPC). Il rendait sa décision le 28 février 2024, et confirmait que les dispositions visées étaient conformes à la Constitution française. Elles n’en restaient pas moins contraires au droit européen…

Peu avancé, le Gouvernement saisissait alors le Conseil d’État d’une demande d’avis consultatif portant sur la mise en conformité des dispositions du Code du travail en matière d’acquisition de congés pendant les périodes d’arrêt maladie. Le Conseil d’État rendait un avis détaillé le 13 mars dernier, sorte de vade-mecum de réforme à destination de l’Assemblée nationale et du Sénat.

C’est bien l’adaptation de cet avis, sous la forme d’un texte législatif, que l’Assemblée nationale vient d’adopter le 10 avril 2024, consacrant définitivement, par 82 voix contre 53, le droit à congés payés des salariés en arrêt pour maladie non professionnelle. Comme l’avait préconisé le Conseil d’État, ce droit est limité à l’acquisition de 4 semaines de congés payés, contre 5 semaines pour les salariés en arrêt d’origine professionnelle.

Un salarié qui n'a pas pu poser tous ses congés payés au cours de la période de prise des congés payés, pour cause de maladie ou d’accident, pourra les reporter pendant un délai de 15 mois. Au terme de ce délai, les congés expireront définitivement.

Pour ce qui est des délais de recours, les salariés actuellement en poste auront 2 ans, à compter de la publication de la loi, pour réclamer leurs droits à congés payés. Pour les salariés ayant quitté l'entreprise, la classique prescription triennale a été retenue, faisant obstacle aux actions des salariés ayant quitté l'entreprise depuis plus de 3 ans (Code du travail, art. L. 3245-1).

Il est ainsi mis fin à 6 mois d’insécurité et de circonvolutions juridiques ayant, chose rare, impliqué tour à tour les trois plus hautes juridictions de l’ordre judiciaire français et consacré de nouveaux droits sociaux au profit des salariés.
 
Me Floriane Guibert
Avocat à la cour

Résonance n° 202 - Avril 2024

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