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2e Partie : Les règles spécifiques au domaine funéraire
Les règles commerciales spécifiques au domaine funéraire renforcent les obligations imposées par le droit commun (Code civil) et par le droit de la consommation, sans pour autant les remplacer. De sorte que ces dernières demeurent applicables et seront susceptibles de faire l’objet de sanctions en cas de manquement. Les obligations commerciales spécifiques au domaine funéraire ont vocation à s’appliquer essentiellement aux prestations d’obsèques et la plupart d’entre elles ne couvrent pas les autres prestations, de sorte que seules les règles du droit de la consommation trouveront pleinement à s’appliquer.
Ces règles découlent des articles R. 2223-24 et suivants du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), complétés par l’arrêté du ministère de l’Économie du 11 janvier 1999 relatif à l’information sur les prix des prestations funéraires et par une note de la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes) qui en précise les modalités d’application.
1. Les obligations en matière d’information des familles
La documentation générale
Aux termes de l’art. R. 2223-25 du CGCT : "La documentation générale […] (doit) comporter l’indication du nom, du représentant légal, de l’adresse de l’opérateur et, le cas échéant, son numéro d’inscription au registre du commerce ou au répertoire des métiers, ainsi que l’indication de sa forme juridique, de l’habilitation dont il est titulaire et, le cas échéant, du montant de son capital." Bien que le texte ne le précise pas, il apparaît souhaitable que figure également le numéro d’immatriculation de l’entreprise à l’ORIAS (Organisme pour le Registre unique des Intermédiaires en Assurance, banque et finance).
L’art. 2 de l’arrêté du 11 janvier 1999 précise ce texte en indiquant que la documentation générale "devra être constamment présentée à la vue de la clientèle et consultable par elle. Il devra être indiqué en première page de cette documentation générale les prestations rendues obligatoires par un texte législatif ou réglementaire pour les inhumations, crémations ou situations particulières nécessitant des mesures supplémentaires".
En outre, "la documentation fait apparaître, élément par élément, les prix et conditions de vente des prestations et fournitures. Les prestations ou fournitures peuvent être regroupées en un ou plusieurs ensembles cohérents : le détail de leurs éléments constitutifs est alors indiqué conformément aux rubriques de la documentation générale. Les éléments obligatoires sont distingués des autres éléments par tout moyen approprié".
Les règles applicables à la présentation des cercueils au public
Ces règles sont prévues à l’art. 3 du l’arrêté du 11 janvier 1999, qui dispose que : "La présentation des cercueils au public en vue de la vente doit comporter un étiquetage précisant :
(1) le prix total du produit,
(2) le prix total de la prestation obligatoire comprenant le cercueil avec les poignées et sa cuvette étanche (ainsi qu’une plaque gravée indiquant l’année de décès et, s’ils sont connus, l’année de naissance, le prénom et le nom du défunt),
(3) la liste des accessoires facultatifs compris dans le prix total,
(4) l’essence du bois ou la nature des autres matériaux agréés dont est composé le cercueil (poignées, cuvette étanche et accessoires facultatifs exclus) et son type de finition si le matériau de base n’est pas brut (placage, impression…). Ces mentions doivent figurer dans le devis."
2. Les règles spécifiques applicables au devis d’obsèques
L’obligation d’établir un devis
Elle découle de l’art. 4 al. 1 du décret du 11 janvier 1999, aux termes duquel, "avant toute opération funéraire, un devis écrit, gratuit, détaillé et chiffré selon les mêmes rubriques que la documentation générale présentée à la clientèle fait apparaître, pour chaque prestation ou fourniture, la nature et le prix TTC ainsi que le montant total du devis TTC. Il est remis à la clientèle". Ce texte ajoute dans son alinéa 2 que "les devis doivent être conforme aux dispositions des articles R. 2223-26 à R. 2223-29 du CGCT".
Les mentions obligatoires devant figurer sur le devis
Aux termes de l’art. R. 2223-25 du CGCT : "Les devis doivent comporter l’indication du nom du représentant légal, de l’adresse de l’opérateur et, le cas échéant, son numéro d’inscription au registre du commerce ou au répertoire des métiers, ainsi que l’indication de sa forme juridique, de l’habilitation dont il est titulaire et, le cas échéant, du montant de son capital." En outre, l’art. R. 2223-26 précise que : "Les devis doivent mentionner la commune du lieu de décès, de la mise en bière, du service funéraire, de l’inhumation ou de la crémation, ainsi que la date à laquelle ces devis ont été établis."
S’agissant des prestations proposées, "les devis doivent regrouper les fournitures et services de l’opérateur en les distinguant des sommes versées à des tiers en rémunération de prestations assurées par eux et des taxes. Ils doivent indiquer, le cas échéant, l’entreprise ou le service tiers qui réalise l’ouverture et la fermeture du monument funéraire, le creusement et le comblement de la fosse".
À cet égard, l’art. 4 de l’arrêté du 11 janvier 1999 ajoute que "le montant des sommes avancées doit pouvoir en être justifié auprès du client lors du paiement de la facture" : il conviendra donc pour l’opérateur funéraire de s’assurer de la bonne réception et de la conservation des justificatifs afférents aux prestations confiées à des tiers. Par ailleurs, ces justificatifs pourraient être requis à l’occasion d’un contrôle (fiscal, URSSAF, etc.). Enfin, "les devis doivent faire apparaître le nombre d’agents exécutant l’une des prestations funéraires et affectés au convoi" (art. R. 2213-28 du CGCT).
L’obligation de respecter un modèle-type de devis
L’art. L. 2223-21-1 du CGCT, issu de la loi du 19 décembre 2008, dispose que : "Les devis fournis […] doivent être conformes à des modèles de devis établis par arrêté du ministre chargé des Collectivités territoriales." Les règles générales applicables aux prestations obligatoires sont posées à l’art. R. 2223-29, aux termes duquel "les devis doivent faire apparaître de manière distincte les prestations obligatoires, qui comportent dans tous les cas le cercueil, ses poignées, sa plaque d’identité et sa cuvette étanche, à l’exclusion de ses accessoires intérieurs et extérieurs, ainsi que soit les opérations d’inhumation, soit les opérations de crémation et l’urne cinéraire ou cendrier".
C’est l’arrêté du 23 août 2010 (modifié par l’arrêté du 3 août 2011) qui a mis en œuvre les dispositions de l’art. L. 2223-21-1 du CGCT en définissant le "modèle de devis applicable aux prestations fournies par les opérateurs funéraires". Comme l’indique la circulaire du 15 mars 2013 relative aux modèles de devis et aux contrôles dans le secteur funéraire, l’arrêté du 23 août 2010 "définit une terminologie commune obligatoire destinée à faciliter les comparaisons par les familles, des tarifs pratiqués par les opérateurs de pompes funèbres […]. Les devis établis par les opérateurs funéraires doivent être conformes au tableau annexé à l’arrêté du 23 août 2010".
La durée de validité et de conservation des devis
Aux termes du dernier alinéa de l’art. 4 de l’arrêté du 11 janvier 1999, "la durée de validité du devis est expressément indiquée sur celui-ci. Il doit être conservé pendant sa durée de validité et au moins pendant deux ans lorsqu’il est suivi d’une commande".
3. Les règles spécifiques au bon de commande
L’obligation d’établir un bon de commande
Dans sa note relative aux modalités d’application de l’arrêté du 11 janvier 1999, la DGCCRF indique que : "Le bon de commande est un document distinct du devis : il reprend le contenu du devis signé par la famille, afin de pouvoir, en cas de litige, comparer les deux documents." Ainsi que l’indique l’art. 5 de l’arrêté du 11 janvier 1999, le bon de commande est établi "lorsque le devis est accepté par la famille".
Les mentions obligatoires devant figurer sur le bon de commande
Aux termes de l’art. R. 2223-30 du CGCT : "Le bon de commande comporte l’accord et la signature de la personne qui a passé commande. Il contient, en plus des informations mentionnées à l’art. R. 2223-26 (informations obligatoires devant figurer sur le devis), les mentions suivantes :
(1) nom et prénom du défunt,
(2) date de naissance du défunt,
(3) date du décès,
(4) date et heure de la mise en bière,
(5) date et heure du service funéraire,
(6) date et heure de l’inhumation ou de la crémation,
(7) nom et prénom de la personne qui a passé commande,
(8) adresse de la personne qui a passé commande,
(9) lien avec le défunt de la personne qui a passé commande,
(10) montant de la somme totale, toute taxes comprises."
Le caractère obligatoire de ces mentions est réaffirmé par l’art. 5 de l’arrêté du 11 janvier 1999 : aux termes duquel : "Le bon de commande ne peut être signé valablement que s’il comporte la totalité des éléments visés ci-dessus. Toute modification du bon de commande ayant une incidence sur les prix des prestations ou fournitures mentionnées sur le devis doit être préalablement portée sur le devis détenu par le client ou faire l’objet d’un nouveau devis reprenant la totalité des prestions ou fournitures y figurant."
4. Les règles spécifiques relatives à la facturation des prestations effectuées par les entreprises tierces
La note de la DGCCRF relative aux modalités d’application de l’arrêté du 11 janvier 1999 apporte des précisions importantes quant à "la facturation du montant net des prestations funéraires effectuées par les entreprises tierces". Ces précisions sont afférentes aux dépenses à montant prévisionnel, à la facturation des frais de séjour en chambre funéraire et à la sous-traitance.
Les dépenses à montant prévisionnel
La DGCCRF constate que "des entreprises ont fait observer qu’il n’est pas toujours possible, au moment de la rédaction du devis, d’indiquer le montant exact qui sera facturé par l’entreprise tierce". En réponse, cette dernière indique que, s’il "est généralement possible d’avoir une idée assez précise du montant qui devra être facturé […], toutefois, il peut être admis, pour les cas où le montant exact n’est pas connu, que les entreprises puissent inscrire au devis un montant prévisionnel. Mais cette solution doit demeurer justifiée et marginale. Le montant prévisionnel ne doit pas être trop éloigné de celui de la facture finale".
La facturation des frais de séjour en chambre funéraire
Sur ce point, la DGCCRF apporte des précisions sur l’obligation de répercussion à la famille des remises octroyées par le gestionnaire de la chambre funéraire à l’entreprise tierce utilisatrice, et prohibe les réductions et gratuités accordées par le gestionnaire à la famille lorsque, par ailleurs, ce dernier est en charge de l’organisation des obsèques :
a) L’obligation de répercussion des remises à la famille :
les remises octroyées par le gestionnaire de la chambre funéraire à l’entreprise de pompes funèbres organisatrice des obsèques – lorsqu’elle ne dispose pas de ce type d’équipement – doivent bénéficier aux familles et être répercutées sur la facture. En effet, il ne s’agit pas d’une prestation sous-traitée, puisque la décision d’y envoyer le défunt appartient aux familles.
b) La prohibition des facturations discriminatoires :
Certaines entreprises pratiquent une tarification discriminatoire pour le séjour en chambre funéraire à la clientèle qui leur confie, par ailleurs, l’organisation des obsèques : le coût du séjour est alors réduit ou gratuit. Cette pratique porte préjudice aux entreprises qui ne disposent pas de chambre funéraire et sont obligées de transférer des défunts dans la chambre funéraire d’une entreprise concurrente. Elle peut, le cas échéant, constituer un abus de position dominante.
Sous-traitance
Sur ce point, la DGCCRF indique les limites de l’obligation d’information aux familles s’agissant de la sous-traitance de certaines activités par les opérateurs funéraires : "L’arrêté ne fait pas obligation aux opérateurs funéraires de mentionner, dans leur devis, les opérations réalisées en sous-traitance, non plus que le nom des sous-traitants ou le montant net facturé par ces derniers. Il n’existe pas de réglementation de portée générale qui obligerait une entreprise à indiquer à son client le nom de ses sous-traitants et le prix auquel ces derniers lui facturent les opérations sous-traitées."
Me Xavier Anonin
Docteur en droit - Avocat au barreau de Paris
Résonance n° 202 - Avril 2024
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