Évolutions législatives, jurisprudentielles et doctrinales de janvier et février 2024.
Les décisions du juge judicaire sont, sauf rares exceptions, exécutoires malgré une procédure d’appel
Le 5 mai 2023, un proche du défunt obtient un jugement contradictoire, assorti de l’exécution provisoire, permettant l’exhumation du corps du défunt, son transport et son inhumation dans un autre cimetière. L’exécution provisoire des décisions judiciaires a été notablement réformée par un décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable à compter du 1er janvier 2020.
Elle est désormais de droit. Autrement exprimé, la décision obtenue peut être mise en œuvre même en cas d’appel. Les articles 514-1 et suivants du Code de procédure civile traitent quant à eux de l’arrêt de l’exécution provisoire, dans l’hypothèse où un appel a été interjeté.
À ce titre, l’art. 514-3 du Code de procédure civile dispose qu’en cas d’appel, le premier président (de la cour d’appel) peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
Les membres de la famille opposés à l’exhumation et au transport ont tenté d’obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire. Pour obtenir gain de cause devant le premier président, ils devaient rapporter la preuve que les deux conditions cumulatives du premier alinéa de l’article précité sont réunies (moyen sérieux d’annulation ou de réformation et conséquences manifestement excessives), mais, pour que leur demande soit déclarée recevable, ils devaient justifier préalablement que les conséquences manifestement excessives dont ils se prévalaient ont trouvé leur cause dans des événements postérieurs à la décision du premier juge.
On comprend, implicitement, que les membres de la famille n’avaient pas débattu de l’exécution provisoire en première instance. Or, les membres de la famille ne faisaient valoir aucun moyen venant soutenir l’existence de conséquences manifestement excessives qui auraient trouvé leur cause dans des circonstances postérieures à la décision déférée. En conséquence de quoi, la demande est déclarée irrecevable.
Résumé
Les décision judiciaires de première instance peuvent être exécutées malgré un appel en cours, la matière funéraire ne faisant pas exception. Pour interrompre l’exécution provisoire, il faut justifier notamment de conséquences manifestement excessives, et, si la question est débattue pour la première fois en appel, que ses conséquences manifestement excessives trouvent leur cause dans des événements postérieurs à la décision du premier juge.
D’où l’on peut déduire que l’exhumation ordonnée, et la réinhumation autorisée dans un autre cimetière, ne sont pas des évènements au sens du Code de procédure civile.
On ne sait pas si la décision aurait été la même si les requérants en avaient fait un sujet de débat devant le premier juge. Les décisions en la matière sont rares.
Tout juste peut-on citer la cour d’appel d’Amiens, (Référés 1er pp, 15 décembre 2022, n° 22/00135), par laquelle le premier président a pu juger que la demande d’arrêt de l’exécution provisoire de la décision déjà exécutée est évidemment sans objet et l’était déjà lors de la délivrance de l’assignation en ce qui concerne l’autorisation d’exhumation.
En précisant que : "Au vu des circonstances de l’espèce, il sera ajouté qu’il serait désormais au contraire manifestement excessif de suspendre l’exécution provisoire de la décision de première instance dans la mesure où la défunte a déjà été inhumée à deux reprises et ne saurait être exposée à une nouvelle exhumation dans l’attente de la décision de la cour d’appel."
À retenir
Pour discuter l’exécution provisoire d’une décision ordonnant l’exhumation, il est donc utile de le faire devant le premier juge.
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Source : Cour d’appel de Nîmes, Référés du pp, 19 janvier 2024, n° 23/00100
Me Philippe Nugue
Résonance n° 201 - Mars 2024
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