Évolutions législatives, jurisprudentielles et doctrinales de janvier et février 2024.
Destruction de sépulture par des tiers et exhumation illicite, pas de faute de la commune
Nous avions déjà commenté dans ces pages (Résonance n° 187 – janvier 2023), la décision du juge de 1re instance (tribunal administratif de Polynésie française, 1re chambre, 8 novembre 2022) qui statuait sur le recours indemnitaire de la famille du défunt – Jean –, qui soutenait que la commune avait engagé sa responsabilité, faute d’avoir correctement surveillé, et surtout empêché, la famille V, titulaire de la concession voisine de la tombe de Jean, de réaliser d’un plus grand caveau familial. L’entreprise de pompes funèbres en charge de l’opération avait procédé à l’exhumation des restes d’une personne inhumée dans la concession, mais également à l’exhumation des ossements de Jean, inhumé juste à côté, ainsi qu’à leur réduction pour les placer dans la nouvelle tombe familiale.
Le tribunal administratif avait rejeté la demande en retenant que le maire n’avait pas été mis au courant des travaux de la famille V, aucune autorisation n’ayant été demandée, et qu’il n’avait donc pas été placé en situation d’exercer son pouvoir de surveillance. Partant, faute d’avoir été prévenu, le maire n’avait pas pu engager la responsabilité de la commune.
La famille V, ce que relevait le juge, avait d’ailleurs reconnu sa propre responsabilité et pris en charge la totalité des frais de la nouvelle sépulture de Jean dans le même cimetière.
La famille de Jean a relevé appel de cette décision. Devant la cour, elle a de nouveau soutenu l’argument selon lequel les opérations menées par la famille V auraient dû être accomplies en présence d’un représentant de la commune en vertu de l’art. L. 2213-14 du CGCT.
La cour reprend, pour le confirmer, l’argument déjà retenu par le tribunal, selon lequel, faute pour le maire d’avoir été prévenu des interventions en litiges, il ne pouvait avoir engagé sa responsabilité, ni pour les avoir autorisées, ni pour s’être abstenu de les surveiller. Et elle ajoute, précision utile, qu’en toute hypothèse l’art. L. 2213-4 dans sa rédaction applicable à l’époque n’imposait pas la présence d’un agent dans la situation en litige.
L’art. L. 2213-14 imposait la présence du garde champêtre ou d’un agent de police municipale délégué par le maire pour les opérations de fermeture et de scellement du cercueil lorsqu’il y a crémation ou lorsque le corps est transporté hors de la commune de décès ou de dépôt, si aucun membre de la famille n’est présent.
Pour "toute autre opération consécutive au décès", notamment l’exhumation, la présence d’un fonctionnaire n’est que facultative en vertu du dernier alinéa de l’art. L. 2213-14, l’art. R. 2213-46 du même Code qui prévoyait la présence d’un fonctionnaire dans ce dernier cas ayant été abrogé par le décret susvisé du 26 septembre 2016. Or, les actes en litiges ont eu lieu en 2019.
Le rejet de la requête de la famille de Jean est donc confirmé.
Résumé
Le maire ne peut engager sa responsabilité à l’occasion d’opérations funéraires s’il n’a pas été avisé de leur réalisation.
Le CGCT, en outre, n’imposait pas la présence d’un représentant de la commune pour les opérations en litige.
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Source : CAA de PARIS, 6e chambre, 16 janvier 2024, 23PA00541, Inédit au recueil Lebon
Me Philippe Nugue
Résonance n° 201 - Mars 2024
Résonance n° 201 - Mars 2024
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