Évolutions législatives, jurisprudentielles et doctrinales novembre/décembre 2023.
Ce cas commence – malheureusement – à faire l’objet de plusieurs décisions de justice.
Le 17 février 2020, alors qu’elle était enceinte de jumeaux, Mme A accouche à son domicile d’une petite fille. La sage-femme et le SMUR dépêchés sur place constatent la présentation dystocique du deuxième bébé en raison d’une procidence du cordon ombilical. Mme A est transportée à la maternité de l’hôpital. Elle y accouche d’un petit garçon, né sans vie. Le même jour, Mme E, sage-femme cadre des hôpitaux, informe les parents de la procédure à suivre pour la prise en charge du corps, qui décident de confier le corps aux hôpitaux afin qu’ils se chargent de la crémation, et leur demandent d’être informés du jour du départ du corps. Le 21 février 2020, le corps est transporté au crématorium pour être incinéré, sans que les parents en aient été informés et sans avoir pu déposer des effets personnels dans le cercueil de leur fils.
L’art. R. 1112-75 du Code de la santé publique précise que : "La famille ou, à défaut, les proches disposent d’un délai de 10 jours pour réclamer le corps de la personne décédée dans l’établissement. La mère ou le père dispose, à compter de l’accouchement, du même délai pour réclamer le corps de l’enfant pouvant être déclaré sans vie à l’état civil."
Aux termes de l’art. R. 1112-76 du même Code : "I.- Dans le cas où le corps du défunt ou de l’enfant pouvant être déclaré sans vie à l’état civil est réclamé, il est remis sans délai aux personnes visées à l’art. R. 1112-75. / II.- En cas de non-réclamation du corps dans le délai de 10 jours mentionné à l’art. R. 1112-75, l’établissement dispose de 2 jours francs : […] 2° Pour prendre les mesures en vue de procéder, à sa charge, à la crémation du corps de l’enfant pouvant être déclaré sans vie à l’état civil ou, lorsqu’une convention avec la commune le prévoit, en vue de son inhumation par celle-ci […]."
Les parents d’un enfant pouvant être déclaré sans vie à l’état civil disposent donc d’un délai de 10 jours, ou, lorsque des prélèvements sont effectués sur le corps de l’enfant, de ce délai prorogé conformément au III de l’art. R. 1112-76, pour faire le choix de réclamer le corps de cet enfant.
Pour l’application de ces dispositions, l’établissement de santé est tenu, d’une part, de conserver le corps de l’enfant pendant la totalité de cette durée, y compris lorsque le père et la mère ont exprimé avant son terme leur accord pour confier au centre hospitalier le soin de procéder aux opérations funéraires. Il lui appartient, d’autre part, de délivrer aux parents une information complète et appropriée leur permettant d’exercer dans le délai qui leur est imparti par les articles R. 1112-75 et R. 1112-76 le choix qui leur appartient. À ce titre, il doit porter à leur connaissance l’existence de ce délai et les conditions dans lesquelles le corps sera pris en charge s’ils ne le réclament pas.
À cas particulier, si les parents ont bien été informés de leurs droits et ont choisi de confier le corps de leur enfant à l’hôpital pour crémation, le corps a quitté l’hôpital le 20 février 2020, soit 3 jours après l’accouchement, et est entré en crémation le 21 février 2020. Dès lors que le centre hospitalier était tenu de conserver le corps de l’enfant pendant la totalité du délai de 10 jours, sa responsabilité pour faute est engagée sur ce fondement.
La responsabilité de l’hôpital est également engagée pour défaut d’information concernant la date de départ du corps pour crémation, ce qui aurait permis aux parents de réagir, sans pour autant exonérer le centre hospitalier dès lors que le délai de 10 jours n’était de toute façon pas respecté…
À retenir
L’établissement de santé est tenu, d’une part, de conserver le corps de l’enfant né sans vie pendant la totalité de la durée de 10 jours, y compris lorsque le père et la mère ont exprimé avant son terme leur accord pour confier au centre hospitalier le soin de procéder aux opérations funéraires, d’autre part, d’informer effectivement les parents de la date de départ du corps.
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Source :
TA, Grenoble, 5e chambre, 19 décembre 2023 – n° 2006481
Me Philippe Nugue
Résonance n° 199 - Janvier 2024
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