Le droit applicable aux cimetières et aux opérations funéraires qui ont vocation à s’y dérouler trouve sa source dans le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT). Ces dispositions, souvent issues de textes très anciens, qui pour certains sont entrés en vigueur en 1804, apparaissent aujourd’hui, sur certaines questions, ne plus répondre aux attentes des usagers, et tendent trop souvent à complexifier inutilement la gestion des cimetières. Forte de ce constat, l’Union du Pôle Funéraire Public (UPFP), fédération professionnelle des opérateurs funéraires publics et des gestionnaires de cimetières, entend se saisir de la question en créant, à l’occasion de la Toussaint 2023, un Groupe de réflexion sur la réglementation applicable à nos cimetières.
L’histoire de nos cimetières modernes est ancienne. À la fin de l’Ancien Régime, pour faire face à la saturation des cimetières et aux dangers pour la salubrité publique, fut entreprise une véritable "révolution" tendant à désaffecter les cimetières urbains, traditionnellement construits autour des églises, pour en créer de nouveaux à l’extérieur des bourgs et des villes. C’est ainsi qu’à Paris fut décidée en 1780 la fermeture du cimetière des Innocents, le plus grand et le plus insalubre des 200 cimetières parisiens.
Dès la fin de l’année 1785, les ossements de millions de Parisiens seront déplacés dans d’anciennes carrières souterraines situées à l’extérieur de la ville, bientôt rebaptisées "Catacombes de Paris". Après le cimetière des Innocents, l’ensemble des cimetières et des lieux de sépultures parisiens subiront le même sort, et les transferts prendront fin en 1814. C’est ainsi qu’aujourd’hui, pas moins de 6 millions de corps couvrant 40 générations de Parisiens sont présents dans les différentes galeries des catacombes.
Parallèlement à la fermeture des cimetières, trois nouveaux cimetières sont créés à l’extérieur de la ville : le Père-Lachaise (à l’est), Montmartre (au nord) et Montparnasse (au sud). La création de ces nouveaux cimetières est fondée sur un texte emblématique : le décret-loi du 23 prairial an XII (12 juin 1804). Et c’est dans cette même logique que seront déplacés, à la même époque, de très nombreux cimetières à travers l’ensemble du pays.
Un droit lacunaire
Le décret-loi de 1804 constitue le texte fondateur de nos cimetières modernes. Outre le déménagement des cimetières hors des villes et des bourgs qu’il ordonne, c’est également lui qui instaure notamment l’obligation d’inhumer dans des fosses individuelles en en fixant les dimensions, et qui consacre l’autorité du maire en matière de police des cimetières. Si de nombreux textes postérieurs sont venus amplement le compléter, beaucoup de sujets sont encore aujourd’hui largement oubliés ou insuffisamment réglementés.
Pour tenter de pallier ces lacunes, se multiplient réponses ministérielles, jurisprudences et autres "guides officiels", mais souvent contradictoires, et sans réellement apporter de solutions juridiques pérennes censées conduire à une application homogène de règles identiques dans l’ensemble des cimetières du pays.
Un droit inadapté à la société moderne et aux pratiques funéraires contemporaines
La société française traditionnelle de 1804 est fondée sur un modèle familial stable construit autour du mariage, sur la sédentarité des populations, sur le modèle unique de sépulture que constituait l’inhumation, et sur une pauvreté endémique faisant, dans les cimetières, du terrain commun le principe et de la concession l’exception. Ainsi, c’est sur ce modèle sociétal que les règles régissant nos cimetières se sont construites tout au long des XIXe et XXe siècles.
Mais la société contemporaine n’a plus beaucoup de points communs avec celle de 1804, ni même avec celle du XXe siècle. En effet, la réglementation de nos cimetières doit maintenant composer avec des modèles familiaux recomposés qui ne sont plus nécessairement fondés sur le mariage. Elle doit également composer avec la croissance exponentielle de la crémation depuis le début des années 2000 et apporter des solutions à la forte pression foncière découlant de la saturation des cimetières et de l’urbanisation qui, loin de toucher seulement les grandes villes, commence progressivement à concerner de plus petites communes. Enfin, l’émergence de préoccupations écologiques, impliquant de profondes modifications dans l’aménagement des cimetières, conduira nécessairement à devoir repenser la réglementation.
Un Groupe de travail réunissant toute l’expertise de l’UPFP
Sous la direction de Marie-Christine Monfort, ancienne directrice des cimetières de Lille, et de Me Xavier Anonin, ce Groupe de travail réunira, parmi les adhérents de l’UPFP, ses membres les plus experts en matière de réglementation cimetière. Tout au long de ses travaux, des consultations seront menées auprès des opérateurs funéraires afin d’élargir le champ des problématiques qui auront vocation à être traitées. La réglementation des cimetières est en effet, ne l’oublions pas, l’affaire de tous : communes, usagers et opérateurs funéraires. À l’issue des travaux, un rapport proposant des pistes de réformes sera publié afin d’alimenter le débat auprès des instances de la profession.
Marie-Christine Monfort
Me Xavier Anonin
Résonance n° 197 - Novembre 2023
Résonance n° 197 - Novembre 2023
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