Le règlement municipal du cimetière se situe à la dernière étape de la chaîne normative, au niveau le plus inférieur de la hiérarchie des normes, après celles du bloc de constitutionnalité, celles d’origine légale et celles réglementaires à l’échelon national. Notons que parfois, en général de façon provisoire, des arrêtés préfectoraux portant sur la matière funéraire peuvent être pris. En pareilles circonstances, il conviendra pour le maire, le temps de leur applicabilité, d’écarter les dispositions du règlement du cimetière contraires aux dispositions de l’arrêté et de ne pas imposer leur respect par les usagers du cimetière (Rencontre nationale de l’Union du Pôle Funéraire Public (UPFP) 2023 – Conférence du 16 mai). Première partie
Le règlement du cimetière a donc vocation d’assurer l’application des normes qui lui sont supérieures en adaptant leur application aux spécificités locales, à l’échelon de la commune ou de l’intercommunalité.
Le règlement du cimetière coexiste, au niveau local, avec d’autres règles, émanant pour certaines du conseil municipal et, pour d’autres, d’arrêtés municipaux distincts portant également sur la matière funéraire. Au niveau communal, le pouvoir normatif en matière funéraire est donc partagé entre le conseil municipal d’une part, et le maire d’autre part.
Les domaines relevant du conseil municipal sont les suivants :
- la création, l’agrandissement et la translation d’un cimetière (art. L. 2223-1 du Code Général des Collectivités Territoriales – CGCT) ;
- la décision de proposer des concessions de terrains et de définir les durées proposées, dans le respect bien entendu de l’énumération de l’article L. 2223-14 du CGCT ;
- le prix des concessions (art. L. 2223-15 du CGCT) ;
- les conditions de rétrocession d’une concession funéraire ;
- la reprise des concessions en état d’abandon (art. L. 2223-17 et s. du CGCT) ;
- l’organisation d’un service extérieur communal (création d’une régie) ;
- l’adoption d’un règlement municipal des pompes funèbres (art. L. 2223-21 du CGCT).
Enfin, le conseil municipal donne son avis sur le montant des vacations de police, mais la fixation du montant demeure une compétence du maire, qui en fixera le montant dans les limites fixées par l’art. L. 2213-15 du CGCT, soit entre 20 et 25 €.
Le maire, en sa qualité d’exécutif communal, est chargé de l’exécution des délibérations du conseil municipal. À ce titre, il peut notamment recevoir délégation pour la délivrance des concessions et la mise en œuvre des rétrocessions. En revanche, les mesures de gestion du cimetière relèvent de la compétence exclusive du conseil municipal. Les pouvoirs de police du maire sont donc distincts des pouvoirs qu’il détient au titre des délégations du conseil municipal dans la mesure où ils relèvent de la loi.
En effet :
L’art. L. 2212-1 du CGCT dispose que : "Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l’État dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l’exécution des actes de l’État qui y sont relatifs." L’art. L. 2212-2 al. 1 précise que : "La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques."
Outre ses compétences de police générale, le maire dispose d’un pouvoir de police spéciale en matière funéraire qui lui est conféré par l’art. L. 2213-8 du CGCT : "Le maire assure la police des funérailles et des cimetières."
C’est sur ce fondement que le maire prendra, par voie d’arrêté, le règlement du cimetière, mais c’est sur le fondement de ses pouvoirs de police générale que le maire pourra, par exemple, réglementer la circulation et le stationnement des convois et cortèges funéraires sur les voies publiques de la commune à l’extérieur du cimetière. Les actes administratifs en général, et les arrêtés de police en particulier, doivent répondre à des exigences de légalité externe (I) et à des exigences de légalité interne (II).
La légalité externe relevant des règles de compétence, de forme et de procédure, et la légalité interne des règles de fond. Après publication rendant le règlement du cimetière opposable, ce sont ces éléments de légalité externe et interne qui seront contrôlés par le juge administratif dans le cadre d’un contentieux. Le juge pourra alors annuler tout ou partie de l’acte. Le maire et les agents de la police municipale devront quant à eux veiller au respect des dispositions du règlement du cimetière et, le cas échéant, initier des sanctions sur le terrain administratif et/ou pénal (III).
J’évoquerai donc dans trois parties :
- les aspects de légalité externe du règlement du cimetière ;
- ses aspects de légalité interne ;
- et enfin les moyens mis à disposition de la commune pour faire connaître et respecter le règlement.
Première partie
(I) - Le règlement du cimetière : aspects de légalité externe
Les principaux éléments de légalité externe tiennent à la compétence de l’auteur de l’acte, à la procédure d’adoption de l’acte et à la forme de l’acte.
- L’incompétence peut être largement rencontrée en matière de règlement de cimetière.
En effet, en raison de la frontière parfois étroite entre les compétences du conseil municipal et celles du maire sur certains sujets, il n’est pas rare qu’une des deux autorités empiète sur les compétences de l’autre. Dans ce cas de figure, tant la délibération illégale à ce titre que l’arrêté de police pourront, en tout ou partie, être annulés par le juge administratif. Cependant, il peut arriver que la jurisprudence ne soit pas très rassurante sur ce point, pourtant bien défini par le législateur.
À titre d’exemple, la cour administrative d’appel de Paris, dans un arrêt du 20 avril 2005, vise un règlement de cimetière adopté par délibération d’un conseil municipal, sans se préoccuper de la compétence de l’auteur de l’acte. La compétence de l’auteur constitue pourtant un moyen d’ordre public qu’elle aurait dû soulever d’office. En matière funéraire, les actes entachés d’un vice d’incompétence ne sont pas rares, et traduisent le plus souvent une méconnaissance du droit applicable par les autorités communales.
- Les vices de procédure. Le règlement du cimetière n’est, en principe, pas réellement concerné par le risque d’être entaché d’un vice de procédure. L’élaboration de l’arrêté portant règlement du cimetière n’est en effet soumise à aucune procédure préalable.
- Les vices de forme. Il s’agit de vices affectant l’apparence extérieure de l’acte. En la matière, le droit administratif est assez peu formaliste, à l’exception de l’obligation de motivation en matière de règlement de police. Ainsi, un règlement de cimetière pourra indifféremment s’intituler "Règlement du cimetière", "Règlement municipal du cimetière", "Règlement intérieur du cimetière", "Règlement des cimetières" ou "Règlement général des cimetières" lorsque la commune en comporte plusieurs. C’est ainsi bien plus le contenu de l’acte qui importe que le titre que son auteur a voulu lui donner.
Sur l’exigence de motivation, notons qu’elle est obligatoire en matière de police administrative au titre de l’art. L. 211-2 (1°) du Code des relations entre le public et l’Administration. Cependant, en pratique, force est de constater que les dispositions restreignant l’exercice des libertés présentes dans les règlements des cimetières sont souvent peu, ou pas, motivées.
Doit-on en conclure que cette absence de motivation est de nature à entacher le règlement d’un vice de forme pour défaut de motivation ? Pas nécessairement s’agissant des restrictions usuelles de liberté, de même s’agissant de définir les modalités pratiques d’application de normes supérieures. En revanche, s’agissant de restrictions plus importantes et moins usuelles, une motivation semble devoir être requise. Et l’on peut constater qu’elle est souvent présente même de façon sommaire dans la rédaction des arrêtés.
Une jurisprudence relativement récente, quoique isolée, rappelle cette exigence de motivation en matière de police des funérailles (TA Lille, 13 novembre 2012, n° 1002567). Ce sont en revanche les moyens de légalité interne qui nourrissent le plus la jurisprudence. Et la position des juridictions administratives en la matière est particulièrement utile pour appréhender la rédaction régulière d’un règlement de cimetière.
Me Xavier Anonin
Docteur en droit
Avocat au barreau de Paris
Résonance n° 195 - Septembre 2023
Résonance n° 195 - Septembre 2023
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