Évolutions législatives, jurisprudentielles et doctrinales juillet-août 2023.
1 - Quand les collectivités invitent les vivants à réfléchir à la mort
Pour renouer avec l’idée de cycle de la vie et répondre aux problèmes de place dans les cimetières, des collectivités cherchent des alternatives aux rites "classiques". Le grand public, les professionnels et les élus participent à des réflexions portant sur les enjeux du funéraire de demain afin de faire évoluer les usages.
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Source : Boucault Sarah, "Quand les collectivités invitent les vivants à réfléchir à la mort", La Gazette des communes, 13 juillet 2023.
2 - Une proposition de loi pour l’humusation
Sépulture-Inhumation – Demain – L’humusation : un retour à la terre – Veille par Élodie Jacquier-Laforge
La Semaine Juridique Édition Générale n° 30-34, 31 juillet 2023, doctr. 943
Veille par Élodie Jacquier-Laforge vice-présidente de l’Assemblée nationale, députée de la 9e circonscription de l’Isère
Sépulture-Inhumation
Si peu de parlementaires s’intéressent et travaillent sur les questions funéraires, ce sont pourtant bien des enjeux d’actualité. Et c’est par le biais de l’écologie qu’elles reviennent dans le débat public. En effet, les aléas climatiques, tempêtes, sécheresses, inondations, mégafeux, nous rappellent sans cesse à notre propre fragilité : nous étions poussière, nous redeviendrons poussière. Cette réflexion pousse aussi nos concitoyens à se soucier, au-delà de leur mort, des conséquences de leurs choix de vie. Les élus locaux aussi, en charge de la gestion des cimetières, s’interrogent sur les évolutions des demandes sociétales en la matière.
À l'heure actuelle, deux possibilités sont autorisées lors d'un décès : l’inhumation ou la crémation, le cercueil ou l’urne. Procédés anciens, ces deux options proposées lors de la mort d’une personne sont extrêmement polluantes. En effet, la crémation dégage près de 3 % des émissions annuelles de CO2 d’un citoyen, l’inhumation quatre fois plus. Elles nécessitent un cercueil ainsi que des soins de conservation du corps avec des produits polluants, comme le formol. Outre leur procédé, la place prise post-mortem par les corps enterrés pose question, notamment pour les collectivités locales : face à la pression sur le foncier, elles travaillent d’ores et déjà ce sujet en termes d’aménagement de l’espace.
C’est dans cette perspective que le processus d’humusation, soit la dégradation naturelle et contrôlée du corps en humus, est apparu comme une nouvelle méthode funéraire répondant à une demande de préservation de notre environnement. En matière de choix funéraires, il est essentiel que chacun et chacune puisse être respecté dans ses convictions. L’humusation notamment répond à ces aspirations, et son expérimentation puis son éventuelle légalisation permettraient d’ouvrir cette possibilité.
En Belgique, une réflexion est d’ores et déjà en cours, et, outre-Atlantique, l’humusation est légalisée dans sept États nord-américains. En France, c’est à Bilieu, en Isère, que l’humusation est évoquée pour trouver des solutions face à l’agrandissement du cimetière. Plus récemment, la métropole de Grenoble s’est également investie sur le sujet pour avancer à plus grande échelle. D’autres collectivités me font part régulièrement de leur souhait de soutenir cette démarche.
Ce procédé, naturel et écologique, ne porte pas atteinte à la dignité, à la décence et au respect du corps. À l’instar des cendres issues de la crémation, le statut juridique des particules pourrait facilement être défini. Secteur exigeant, les professionnels des pompes funéraires sont d’ores et déjà formés à la technique de la crémation et de l’inhumation. Et nombre d’entre eux ont manifesté leur intérêt pour une légalisation du procédé. Ce travail de concertation, d’analyse, de recherche et d’échange est voué à s’inscrire dans le temps long. Les acteurs professionnels, associatifs et institutionnels sont marqués par une volonté d’avancer, et, face à la sensibilité du sujet, il est important de prendre le temps d’écouter et d’expliquer.
La proposition de loi que j’ai déposée fin janvier vise, dans le cadre d’une expérimentation, à préparer la définition du cadre juridique en termes de formation, à préciser les lieux de recueil du corps vis-à-vis des habitations ou des nappes phréatiques en s’appuyant sur la recherche, et à préparer les applications adaptées pour les collectivités, compétentes en la matière. Dans un souci de lisibilité, les cadres d’ores et déjà existants pour la crémation et l’inhumation seront pris en compte pour déterminer les normes juridiques.
Demande locale, exigence citoyenne environnementale, la proposition que je porte pourrait s’inscrire aussi dans une réflexion plus large sur notre rapport à la mort, qui reste un sujet tabou et finalement peu évoqué, même dans les familles, pour mieux les accompagner dans leur deuil.
3 - Les obstacles juridiques à la légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie
Jean Morange, professeur agrégé des Facultés de droit – RFDA 2023 p. 493
La légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie est-elle inéluctable ? Au vu de la situation actuelle, il y a de sérieuses raisons de le penser ou de le craindre. En effet, le 3 avril dernier, le président de la République a demandé au Gouvernement de "bâtir un projet de loi d’ici la fin de l’été 2023".
(1) Le projet envisagé s’insère dans une sorte de chronique d’un droit à la mort annoncé... Annoncé par les demandes de groupes de pression très organisés et actifs, utilisant des faits, réels et dramatiques, fortement médiatisés, pour réclamer la reconnaissance d’un droit au suicide assisté ou à l’euthanasie. Les recours intentés devant les plus hautes juridictions n’ayant pas abouti, les actions ont été reprises sur le plan politique au nom d’un droit de mourir dans la dignité, en invoquant des exemples étrangers. Dans certains États, très peu nombreux, on a fait preuve d’une certaine tolérance ou utilisé des failles dans la législation. C’est le cas en Suisse, où l'assistance au suicide n'est pénalement réprimée que lorsqu'elle est motivée par un "mobile égoïste".
(2) De façon disparate, d’autres États, dont des États fédérés aux États-Unis ou en Australie, ont admis des possibilités de recourir à l’euthanasie ou au suicide assisté.
(3) Les Pays-Bas, suivis par la Belgique puis par le Luxembourg, ont fait figure de précurseurs.
(4) Ils ont constitué un "modèle" pour étayer les revendications. Le "modèle belge", très proche de celui des Pays-Bas dont il s’est inspiré, a été le plus souvent cité en France.
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Adaltys Avocats
Résonance n° 195 - Septembre 2023
Résonance n° 195 - Septembre 2023
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