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C’est par un communiqué discret du 22 mai 2023 que la Direction Générale des Collectivités Locales (DGCL) a annoncé l’entrée en vigueur de l’Accord relatif aux transferts de corps par voie terrestre des personnes décédées signé à Paris le 9 mars 2020. Outre la pandémie de la Covid-19, ce délai important trouve notamment son explication dans l’extrême complexité du système constitutionnel belge qui, pour le présent Accord, a nécessité de recueillir la signature de sept institutions (gouvernement fédéral, gouvernements des communautés flamande, française et germanophone, régions flamande, wallonne et de Bruxelles-Capitale).


La France métropolitaine partage des frontières terrestres communes avec huit États (Belgique, Luxembourg, Allemagne, Suisse, Italie, principauté de Monaco, Espagne et principauté d’Andorre). Pour déterminer les règles internationales applicables, il convient de se reporter aux traités internationaux auxquels la France est partie, que ce soient des Accords multilatéraux (Convention internationale sur le transport de corps signé à Berlin le 10 février 1937 et Accord sur le transfert des corps des personnes décédées, fait à Strasbourg le 26 octobre 1973), ou des Accords bilatéraux (Accord entre la France et la principauté de Monaco sur les transports de corps du 15 octobre 1963, Accord de coopération technique entre la France et l’Espagne en matière de transferts des corps par voie terrestre des personnes décédées signé à Malaga le 20 février 2017 et Accord franco-belge relatif aux transferts de corps par voie terrestre des personnes décédées signé à Paris le 9 mars 2020).

S’agissant cependant des Accords multilatéraux, il conviendra également de rechercher si le pays frontalier est également partie à l’Accord en cause et s’il y est applicable. Ainsi, par exemple, l’Italie n’est pas partie à l’Accord de Strasbourg de 1973. Quant à l’Allemagne, si cette dernière a signé l’Accord, elle ne l’a pas ratifié. Dans ces deux cas, il devra être fait application des dispositions de l’arrangement de Berlin que ces deux pays ont en revanche dûment ratifié.

Les règles applicables au transport transfrontalier en vertu de l’arrangement de Berlin de 1937

Les règles de l’Accord de Berlin n’auront vocation à s’appliquer qu’aux seuls pays frontaliers de la France que constituent l’Allemagne et à l’Italie. En la matière, il s’agit des principes posés à l’art. 1er : exigence d’un laissez-passer mortuaire, et à l’art. 2 : exigence de l’utilisation d’un cercueil hermétique. S’agissant cependant des transports situés dans les régions frontalières, il sera fait application de l’art. 10 alinéa 2 qui dispose que "le présent arrangement ne s’applique pas au transport des corps s’effectuant dans les limites des régions frontalières".

Bien qu’il n’existe aucune définition de la "région frontalière", la cour administrative d’appel de Nancy a jugé le 26 juin 2008 que le transport d’un corps dans un cercueil simple depuis l’Allemagne, vers un crématorium français situé à seulement "6,625 kilomètres à vol d’oiseau de la frontière", entrait dans le champ de l’art. 10.

Les règles applicables au transport frontalier en vertu de l’Accord de Strasbourg de 1973

Ces règles s’appliqueront aux États qui ont dûment signé et ratifié l’Accord et qui ne sont pas liés par un Accord bilatéral avec la France. Il s’agit donc du Luxembourg, de la Suisse et de la principauté d’Andorre. Les règles applicables ne diffèrent que peu de celles de l’arrangement de Berlin en ce qu’elles requièrent également un "laissez-passer mortuaire" (art. 3) et l’utilisation d’un cercueil "étanche" (art. 6).

En revanche, l’Accord ne prévoit aucune exception en matière de transport transfrontalier, de sorte qu’en l’absence d’Accord bilatéral, ce que prévoit l’art. 2, il ne saurait être dérogé aux dispositions des articles 3 et 6. Ainsi, les transports transfrontaliers de dépouilles entre la France et la Belgique et entre la France et l’Espagne étaient donc soumis à l’obligation de cercueil hermétique.

Cependant, l’important développement des relations transfrontalières avec ces deux pays a rendu nécessaire la conclusion d’Accords bilatéraux. Le premier Accord sera conclu avec l’Espagne en 2017, et enfin avec la Belgique en 2020. Ces deux Accords venaient s’ajouter à celui conclu entre la France et la principauté de Monaco de façon beaucoup plus ancienne le 15 octobre 1963.

L’Accord entre la France et la principauté de Monaco sur le transport de corps du 15 octobre 1963

Les années 1960 constituent une période d’intense développement économique de la principauté de Monaco aboutissant à la conclusion de nombreux Accords avec la France, dont celui de 15 octobre 1963, quoique anecdotique, constitue l’un d'eux. Aux termes de son art. 1er, les autorisations de transport sont délivrées, en France, "par le maire de la commune où le décès a eu lieu, sous réserve d’en rendre compte dans les vingt-quatre heures au préfet compétent" et, "dans la principauté de Monaco, par le ministre d’État".

S’agissant du cercueil, l’art. 2 dispose que "le corps doit être placé dans un cercueil hermétique […] 1° Lorsque le trajet à parcourir, quels que soient la durée et le mode de transport, est supérieur à 200 kilomètres ; 2° Lorsque le délai compris entre le moment de la mise en bière ou de l’exhumation et celui de l’inhumation ou de la réinhumation doit dépasser quarante-huit heures" ; (3° et 4°) Lorsque le corps était atteinte d’une maladie contagieuse ou lorsqu’une telle maladie est suspectée.

L’Accord de coopération technique entre la France et l’Espagne en matière de transfert des corps par voie terrestre des personnes décédées signé à Malaga le 20 février 2017

Aux termes de l’art. 3 de l’Accord, "le seul document sanitaire exigé lors des transferts entre l’Espagne et la France de corps de personnes est le laissez-passer mortuaire prévu par l’Accord de Strasbourg". En outre, "s’il est prévu que l’arrivée du corps à sa destination finale ne pourra pas se produire dans un délai de 72 heures, celui-ci devra être placé dans un cercueil de transfert remplissant les conditions prévues au paragraphe 1 de l’art. 6 de l’Accord de Strasbourg".

Ainsi, cet Accord bilatéral pose le principe de l’emploi d’un cercueil simple dès lors que le transport s’effectue dans un délai inférieur à 72 heures. Cependant, l’utilisation d’un cercueil hermétique demeurera requise "en cas d’épidémies, de calamités publiques, de maladies contagieuses ou autres, définis par Accord entre les directeurs généraux de la santé publique des deux États".
 
Me Xavier Anonin
Docteur en droit
Avocat au barreau de Paris

L’Accord relatif aux transferts de corps par voie terrestre des personnes décédées signé à Paris le 9 mars 2020

Le Gouvernement du Royaume de Belgique,
Le Gouvernement de la Communauté flamande,
Le Gouvernement de la Communauté française,
Le Gouvernement de la Communauté germanophone,
Le Gouvernement de la Région flamande,
Le Gouvernement de la Région wallonne,
Le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale,

d’une part,
et
Le Gouvernement de la République française,
d’autre part,
Ci-après dénommés les "Parties" ;
Conscients de la tradition de mobilité des populations et de la richesse de la coopération sanitaire transfrontalière entre la France et la Belgique ;
Conscients de l’importance de leur frontière commune pour leurs populations respectives et de la nécessité d’une gestion concertée des problématiques communes ;
Considérant l’Accord sur le transfert des corps des personnes décédées, signé à Strasbourg le 26 octobre 1973, ci-après "l’Accord de Strasbourg", et notammnent son art. 2 qui autorise les Parties contractantes à Accorder des facilités plus grandes par application d’Accords bilatéraux ;
Considérant la résolution du Parlement européen du 4 décembre 2003, sur l’adoption de mesures concemant le rapatriement de la dépouille des personnes décédées (2003/2032[INI]), et notamment ses points 1 et 2 ;
Considérant l’Accord-cadre entre le Gouvernement du Royaume de Belgique et le Gouvernement de la République française sur la coopération sanitaire transfrontalière signé le 30 septembre 2005 à Mouscron ;
Désireux de renforcer les liens unissant les deux États ;
Désireux de simplifier les modalités de transferts de corps des personnes décédées par voie terrestre entre les deux États ;
Sont convenus de ce qui suit :

Art. 1er
Le présent Accord établit un cadre de réciprocité pour faciliter Ie transfert transfrontalier, par voie terrestre exclusivement, du corps d’une personne décédée sur Ie territoire de l’une des Parties vers Ie territoire de l’autre Partie.
Le présent Accord s’applique au territoire métropolitain de la République française et au territoire du Royaume de Belgique.

Art. 2
Par dérogation à l’art. 6 de l’Accord de Strasbourg, les Parties contractantes conviennent que, pour Ie transfert par voie terrestre, vers le territoire d’une Partie, des corps des personnes décédées sur Ie territoire de l’autre Partie :

L’usage d’un cercueil en bois étanche d’au moins 22 mm est obligatoire. L’usage d’un cercueil en zinc ou tout autre métal reste, Ie cas échéant, autorisé ;

La dérogation mentionnée à l’alinéa précédent ne s’applique pas si Ie décès est dû à l’une des maladies contagieuses suivantes : rage, orthopoxviroses, choléra, peste, charbon et fièvres hémorragiques virales, toute maladie émergente infectieuse transmissible (Syndrome respiratoire aigu sévère...). Cette liste de maladies contagieuses est susceptible d’être actualisée par chacune des Parties, sur avis des autorités compétentes décrites à l’art. 4 paragraphe 3, du présent Accord ;

Le seul document exigé lors des transferts des corps de la Belgique vers la France est un laissez-passer mortuaire spécifique transfrontalier Belgique-France (intitulé LPM/BF) délivré sur la base de l’acte de décès et du cettificat de non-contagiosité ;
Le seul document exigé lors des transferts des corps des personnes décédées de la France vers la Belgique est un laissez-passer mortuaire ;

Les soins de conservation des corps des personnes décédées, y compris l’embaumement, ne sont pas requis pour leur transfert entre les deux pays ;

S’il est prévu que l’arrivée des corps des personnes décédées au lieu d’inhumation ou de crémation ne peut pas s’effectuer dans un délai de 72 heures, ceux-ci doivent être placés dans un cercueil de transfert remplissant les conditions prévues à l’art. 6, paragraphe 1, de l’Accord de Strasbourg ;

L’autorisation des autorités judiciaires est requise pour le transport des corps des personnes décédées lorsqu’une autopsie doit être effectuée avant de transférer du corps en vue de son inhumation ou de sa crémation.

Art. 3
En dehors des facilités prévues par le présent Accord, son application n’ affecte pas Ie respect des obligations qui incombent aux Parties dans ce domaine au titre de leurs engagements intemationaux respectifs.

Art. 4
La commission mixte intergouvernementale créée par l’art. 7 de l’Accord-cadre entre Ie Gouvernement du Royaume de Belgique et le Gouvernement de la République française sur la coopération sanitaire transfrontalière du 30 septembre 2005 est compétente pour assurer Ie suivi de l’application du présent Accord de coopération, et associera, pour ce suivi, les représentants des Régions et de la Communauté germanophone du Royaume de Belgique et du Ministère de l’lntérieur de la République française.

Les différends relatifs à l’interprétation ou à l’application du présent Accord sont réglés, soit au sein de la commission mixte, soit par voie de consultation ou de négociation directes entre les Parties.

Les points focaux nationaux du règlement sanitaire international de 2005 sont chargés de l’évaluation en temps réel du risque représenté par une incidence sanitaire grave.

Art. 5
Les frais éventuels afférents à cet Accord ne supposent, en aucun cas, une hausse de la dépense publique et sont imputés sur les budgets annuels de fonctionnement courant des administrations concemées.

Art. 6
Chaque Partie notifie, par la voie diplomatique, à l’autre Partie l’accomplissement des procédures requises par sa législation pour l’entrée en vigueur du présent Accord. L’Accord entre en vigueur à la date de réception de la seconde de ces notifications. Il est conclu pour une durée indéterminée.

Le présent Accord peut être amendé d’un commun Accord entre les Parties. Ces amendements entrent en vigueur après accomplissement des formalités intemes requises.

Il peut être dénoncé à tout moment, par l’une ou l’autre des Parties. Toute dénonciation doit être notifiée par écrit, par la voie diplomatique, avec un préavis de six (6) mois.

Fait à Paris, le 9 mars 2020, en deux exemplaires originaux en langues française, néerlandaise et allemande, les trois versions linguistiques faisant également foi.


Résonance n° 192 - Juin 2023

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations