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Il peut arriver que le cimetière, aussi bien géré qu’il soit, soit perturbé par son proche voisinage qui peut générer des troubles par ses activités peu en rapport avec le caractère qui devrait s’attacher à ces lieux, ou au contraire, comme en l’espèce par l’absence d’entretien d’une propriété voisine. C’est dans ce contexte qu’intervient ce récent jugement.


Tribunal administratif de Cergy-Pontoise 12 mai 2023, n° 2105356

Les faits : un manque d’entretien d’une propriété privée

Un maire met en demeure, sur le fondement d’une police administrative spéciale, un voisin du cimetière d’entretenir sa parcelle voisine de celui-ci. Il prend alors un arrêté qui constate le défaut d’entretien de cette parcelle, met en demeure les propriétaires de procéder aux opérations d’entretien requises dans un délai de trente jours, et a indiqué qu’il serait sinon procédé d’office par la commune, à l’issue de ce délai, au nettoyage du terrain ainsi qu’à la mise à leur charge des dépenses engendrées.

En effet, il ressort de cet arrêté que des plantes, arbres et végétations, laissés à l’abandon sur la parcelle voisine, ont non seulement envahi le mur mitoyen du cimetière communal, mais aussi certaines concessions, et que celles-ci ainsi que le sol du cimetière subissent des dégradations en raison notamment de leurs racines. On relève également la prolifération de rats dans les propriétés voisines. Le propriétaire voisin demande alors l’annulation de cette procédure.

Les limites de la police administrative générale

L’art. L. 2212-2 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) confie au maire la police administrative générale, c’est-à-dire la police de la sécurité, de la salubrité, de la tranquillité publiques ainsi que de l’ordre public. Il apparaît alors envisageable assez facilement de justifier que la prolifération de nuisibles et de plantes peut justifier un arrêté de police du maire fondé sur l’un de ces motifs.

Néanmoins ce n’est pas cette voie qui fut choisie en l’espèce. On rappellera alors que le fait pour le maire, comme pour toute autre autorité de police, d’exécuter soi-même les prescriptions d’un arrêté de police pris sur le fondement de la police administrative générale de l’art. L. 2212-2 CGCT est constitutif d’une exécution d’office normalement proscrite.

Ainsi, l’Administration ne peut réagir à une illégalité par une autre et n’a que très rarement l’autorisation d’exécuter par la force ses propres décisions : elle doit la plupart du temps préalablement faire constater l’illégalité de la situation par le juge (TC, 2 déc. 1902, Sté immobilière de Saint-Just, Rec. CE, p. 713). Le juge punit alors le contrevenant et autorise l’Administration à user de moyens de coercition comme l’injonction assortie ou non d’astreintes financières pour assurer le respect de ses décisions.

Dans le cas contraire s’appliquerait alors la théorie de la voie de fait qui engagerait la responsabilité de l’Administration. On tempérera cette position en n’oubliant pas d’évoquer la possibilité de dérogation liée à l’urgence. En effet, l’art. L. 2212-4 du CGCT énonce "qu’en cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l’art. L. 2212-2, le maire prescrit l’exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances.

L’utilisation de l’art. L. 2212-4 du CGCT permet par exemple d’ordonner la réalisation d’office de travaux à la condition stricte d’être confronté à un danger grave et imminent qui autorise expressément à prescrire "l’exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances" sous réserve d’en informer d’urgence le représentant de l’État dans le département. Cette formulation permet alors au maire d’agir au mieux pour résoudre une dangerosité immédiate.

Cette disposition est la seule, qui hors texte précis, permet en toutes circonstances au maire de réagir sans formalisme excessif à une situation. Il conviendra néanmoins d’être prudent car le juge sera vigilant sur l’imminence et la gravité du danger, source de l’action municipale. Le Conseil d’État dans un arrêt du 10 octobre 2005, Commune de Badinières, permet même qu’"en présence d’une situation d’extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent, le maire peut, quelle que soit la cause du danger, faire légalement usage de ses pouvoirs de police générale, et notamment prescrire l’exécution des mesures de sécurité qui sont nécessaires et appropriées" (CE 10 oct. 2005, Commune de Badinièresc/Arme, req. n° 259205).

Ainsi, l’urgence exonère la commune de l’application du bon texte, dans le cas de cet arrêt, le maire a pu valablement utiliser ses pouvoirs de police générale pour abattre un immeuble dangereux, alors que le recours à la procédure des édifices menaçant ruine aurait été normalement plus approprié. Dans le même esprit, la commune pourra être dispensée de toute mise en demeure, ou bien sera autorisée à pénétrer dans une propriété privée (CE ass. 24 janvier 1936, Mure, Lebon 105 ; CE sect. 29 avril 1949, Dastrevigne, Lebon 185).

Le juge acceptera même que le maire ne prenne aucun arrêté et se contente d’ordres verbaux. Néanmoins, ici aucune urgence de cette nature ne semble pouvoir être invoquée et c’est plutôt en optant pour un autre de ses pouvoirs que le maire va obtenir satisfaction…

L’intérêt du recours à une police spéciale

En l’espèce, l’arrêté du maire ne se fonde pas sur la police administrative générale de l’art. L. 2212-2 du CGCT mais sur une autre disposition du même Code. En effet, l’article L. 2213-25 du CGCT énonce que :
"Faute" pour le propriétaire ou ses ayants droit d’entretenir un terrain non bâti ou une partie de terrain non bâtie situé à l’intérieur d’une zone d’habitation ou à une distance maximum de 50 mètres des habitations, dépendances, chantiers, ateliers ou usines lui appartenant, le maire peut, pour des motifs d’environnement, lui notifier par arrêté l’obligation d’exécuter, à ses frais, les travaux de remise en état de ce terrain après mise en demeure.

Si, au jour indiqué par l’arrêté de mise en demeure, les travaux de remise en état du terrain ou de la partie de terrain prescrits n’ont pas été effectués, le maire peut faire procéder d’office à leur exécution aux frais du propriétaire ou de ses ayants droit. Si le propriétaire ou, en cas d’indivision, un ou plusieurs des indivisaires n’ont pu être identifiés, la notification les concernant est valablement faite à la mairie.

Cet article, en dépit de son dernier alinéa qui subordonne son entrée en vigueur à l’intervention d’un décret qui n’a jamais été pris est applicable directement selon le juge administratif (Conseil d’État, 11 mai 2007, Mme Pierres, req. n° 284681). On remarquera, en sus de son formalisme d’ailleurs respecté par la commune qu’il doit être fondé, non pas sur la sécurité, la salubrité ou le bon ordre mais pour des "motifs d’environnement".

C’est indubitablement le cas ici, puisque sont visées au sens large des atteintes à l’environnement comme la prolifération de nuisibles tant végétaux qu’animaux (déjà visées dans l’arrêt de 2007 d’ailleurs). Il y a un véritable intérêt à l’emploi de cette police lorsque ses conditions d’application sont réunies puisque s’agissant d’une police spéciale, elle peut déroger tant aux buts qu’à la procédure de la police administrative générale.

On remarque alors que cet article permet à l’Administration d’exécuter d’office l’arrêté si les propriétaires ne le font pas et surtout que ce même article permet de leur facturer les frais engagés par la commune pour le nettoyage du terrain.
 
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon
Chargé de cours à l’université de Valenciennes

Résonance n° 192 - Juin 2023

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