Votre panier

Panier vide
Le propriétaire d’un monument dont la stèle a chuté sur la concession voisine est responsable des dommages causés, même si la cause du dommage trouve son origine dans une intempérie.


C’est à l’issue d’un contentieux de près de trois ans que la cour d’appel de Besançon a considéré que le concessionnaire, propriétaire d’un monument dont la stèle a chuté, du fait des intempéries, sur le monument voisin, était responsable des dommages causés. Retour sur le raisonnement de la cour…

Dans la nuit du 5 au 6 mars 2017, à la suite de rafales de vent, une stèle funéraire a chuté sur le monument voisin, provoquant des dommages matériels. C’est dans ces conditions que la victime a fait assigner le propriétaire du monument en cause en indemnisation de ses préjudices sur le fondement de l’art. 1242 du Code civil, qui dispose que l’on "est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde".

En défense, les propriétaires du monument faisant quant à eux valoir "qu’il n’était pas démontré que la stèle leur appartenant ait été en mauvais état, et que la survenue d’une tempête constituait un cas de force majeure exonératoire de responsabilité". Rappelons en effet que la force majeure se définit comme "tout événement échappant au contrôle […], qui ne pouvait être raisonnablement prévu […] et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées" (art. 1218, C. civ).

La décision de première instance

Pour débouter les victimes de leurs demandes, le tribunal a retenu : "Que la responsabilité du fait des choses n’était engagée qu’en cas de preuve par le demandeur du rôle causal actif de la chose dans la production du dommage : que ce rôle actif était présumé lorsque la chose en mouvement était entrée en contact avec le siège du dommage ; que dans le cas d’une chose inerte, il appartenait à la victime de démontrer qu’elle avait été l’instrument du dommage allégué du fait de son caractère anormal ou de son mauvais état."

"Qu’en l’espèce, il résultait des expertises que la stèle était fixée sur un tenon métallique encastré avec du mortier sur une pierre de 40 cm de hauteur et que ce type de tenue était courant pour les stèles ; que les trois experts mandatés […] s’étaient unanimement accordés sur la cause du sinistre, à savoir l’effet du vent ; qu’en conséquence, aucun élément objectif ne permettait de caractériser le caractère d’anormalité et de justifier le rôle actif de la stèle dans la survenance du dommage."

Dès lors, le tribunal conclura à l’absence de responsabilité des propriétaires du monument dont la chute de la stèle a causé les dommages. Cependant, la cour d’appel saisie par les victimes réformera la décision de première instance en tenant un raisonnement très différent.

Le raisonnement tenu par la cour d’appel

Devant la cour d’appel, les propriétaires du monument dont la chute de la stèle a causé les dommages tentent de faire écarter les dispositions de l’art. 1242 du Code civil précitées, au profit de celles de l’art. 1244, qui dispose que : "Le propriétaire d’un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu’elle est arrivée par une suite du défaut d’entretien ou par le vice de sa construction."

En effet, il ressortait des pièces produites aux débats que "la chute de la stèle n’était imputable ni à un défaut d’entretien, ni à un vice de construction, mais à l’effet de vents tempétueux."

Cependant, la cour rappelle à juste titre que, si "la stèle funéraire litigieuse peut être considérée comme constituant un bâtiment au sens de l’art. 1244, dès lors qu’il s’agit d’une construction résultant d’un assemblage de matériaux qui, d’une part, sont reliés artificiellement de façon à procurer une union durable, et, d’autre part, sont incorporés au sol ou à un immeuble par nature […], la seconde condition d’application de ce texte, savoir la ruine de ce bâtiment, n’est pas remplie en l’espèce, dès lors que rien ne permet d’accréditer l’hypothèse selon laquelle la chute du monument serait imputable à un défaut d’entretien ou à un vice de construction".

Il en découle donc que, si la responsabilité des propriétaires de la stèle "ne peut pas être engagée sur le fondement de la responsabilité du fait de la ruine des bâtiments […], la responsabilité du propriétaire d’un bâtiment qui est à l’origine d’un dommage pour une cause autre que sa ruine peut être engagée, en sa qualité de gardien, sur le fondement de l’art. 1242 du Code civil".

Pour parfaire son raisonnement, la cour précise que :

1. "La stèle étant une chose par nature inerte, il incombe à l’appelante de démontrer qu’elle occupait une position anormale, ou qu’elle était en mauvais état. Ce dernier élément a déjà été précédemment écarté, comme n’étant pas suffisamment démontré par les pièces produites aux débats."
2. "Contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, la position anormale de la stèle au moment du dommage est quant à elle parfaitement établie, dès lors qu’en suite de sa déstabilisation sous l’effet du vent, elle a basculé sur la sépulture voisine, avec laquelle elle n’aurait pas dû entrer en contact si elle avait conservé sa position normale."
3. "Enfin, aucun des intimés ne caractérise dans la mise en mouvement de la stèle par l’effet du vent l’existence d’un cas de force majeure de nature à faire obstacle à la mise en œuvre de la responsabilité des gardiens, dès lors que, pour être relativement commune, la survenance de tempêtes hivernales dans la région […] ne constitue en rien un événement climatique imprévisible, étant observé par ailleurs que la vitesse des vents enregistrés à la date concernée varie de 52 à 105 km/h, ce qui ne constitue aucunement une force exceptionnelle pour la région considérée."

Conclusion

C’est bien en qualité de "gardien de la stèle" que la cour portera à la charge de ses propriétaires la "responsabilité de plein droit" des entiers dommages causés au monument des victimes "les obligeant à réparer le préjudice subi du fait de sa chute sur la concession funéraire voisine".

En conséquence, on ne peut qu’attirer l’attention des marbriers et des opérateurs funéraires d’adapter aux conditions locales particulières, en particulier climatiques, dans la pose des monuments, mais également, par exemple, dans le scellement des urnes.

S’il ne ressort pas de cette affaire une mise en cause de l’opérateur funéraire ou du marbrier qui a procédé à la pose du monument, ne perdons pas de vue que, sous réserve de l’écoulement du délai de prescription de l’action en responsabilité, les parties aux litiges auraient pu faire engager, sans doute avec succès, la responsabilité du marbrier s’il était démontré la nécessité particulière dans cette région de prendre des mesures de nature à renforcer la solidité de l’assemblage et de la pose des monuments.

Référence : Cour d’appel de Besançon, 24 janvier 2023, n° 21/00602
 
Me Xavier Anonin
Docteur en droit
Avocat au barreau de Paris

Résonance n° 190 - Avril 2023

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations