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Implantation des crématoriums, augmentation des coûts de l’énergie, accueil des familles dans les instituts médico-légaux…


Du fait de son statut constitutionnel prévu à l’art. 24 de la Constitution, le Sénat "assure la représentation des collectivités territoriales de la République". Ceci explique largement l’importance du nombre de questions parlementaires posées par les sénateurs en matière funéraire et corrélativement la rareté de celles posées par les députés. Cependant, entre le 24 janvier et le 28 février 2023, ce sont pas moins de cinq réponses ministérielles qui ont été publiées au Journal officiel de l’Assemblée nationale sur divers sujets, auxquelles s’ajoutent deux questions en attente de réponses.

I - Implantation d’un crématorium proche d’une zone résidentielle

Question n° 4043 (JOAN du 13/12/2022) – Réponse du 24/01/2023 (JOAN, p.636)

Après avoir rappelé le manque de crématoriums dans la région des Hauts-de-France et en particulier dans le département de la Somme, le député Jean-Philippe Tanguy, député de la 4e circonscription de la Somme, indique dans sa question au ministre des Collectivités territoriales et de la Ruralité que "le conseil municipal de Poix-de-Picardie a voté favorablement la création d’un crématorium" mais que "la situation géographique de ce dernier" se heurte à une hostilité des habitants de la commune.

En l’espèce, en effet, "deux lotissements se trouvent à proximité du crématorium" et leurs habitants craignent "que ce service d’utilité publique [ne donne] lieu à des nuisances sonores et visuelles ainsi qu’à des émissions de substances nocives […] [et que ces nuisances n’entraînent] une perte de valeur de l’immobilier".

En outre, les habitants de la commune craignent que "l’implantation d’un crématorium au sein d’un quartier résidentiel" ne nuise à la tranquillité des habitants eu égard à l’accroissement du trafic routier que ne manquera pas d’entraîner l’exploitation du crématorium, la commune étant de surcroît, "inscrite en tant que station verte depuis 2020".

Considérant qu’il existe "un flou juridique" et une "imprécision quant à l’implantation [des] crématoriums", le parlementaire demande au ministre "de bien vouloir prendre les mesures nécessaires afin de réglementer l’implantation de ce service d’utilité publique, au regard du trafic routier et de la distance entre ce dernier et les habitations".

En réponse, le ministre rappelle qu’en vertu du "principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, chaque collectivité ou groupement de collectivités compétent apprécie l’opportunité de la construction d’un crématorium ainsi que sa localisation". De plus l’art. L. 2223-40 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que "Toute création ou extension de crématorium ne peut avoir lieu sans l’autorisation du représentant de l’État dans le département, accordée après une enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du Code de l’environnement et un avis de la commission départementale compétente en matière d’environnement, de risques sanitaires et technologiques".

Outre, la délibération du conseil municipal et l’autorisation du préfet relatives à l’implantation d’un crématorium, celle-ci demeure "subordonnée à la réalisation d’une étude d’impact environnemental, ainsi qu’à une enquête publique".

De surcroit "Un crématorium n’ayant pas le statut d’installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE), aucune distance particulière vis-à-vis des habitations n’est prescrite par le droit en vigueur, mais cet aspect est nécessairement pris en compte lors de la réalisation de l’enquête publique".

Enfin, la conception d’un crématorium doit répondre aux exigences de l’arrêté du 28 janvier 2010 qui prescrit diverses règles relatives, notamment "à la hauteur de la cheminée des crématoriums et aux quantités maximales de polluants" rejetés dans l’air.

La réponse ministérielle conclut donc que "les dispositions des articles D. 2223-109 et suivants du CGCT, relatives aux prescriptions applicables aux crématoriums ainsi qu’aux visites de conformité, sont de nature à garantir un cadre juridique suffisamment précis de la genèse du projet de création jusqu’à l’exploitation du crématorium".

II - Augmentation des coûts de l’énergie dans le domaine funéraire

Question n° 3165 (JOAN du 15/11/2022) – Réponse du 14/02/2023 (JOAN, p.1486)

Après avoir rappelé la forte augmentation de l’indice des prix à la consommation dans le domaine funéraire au cours des dernières années, Christine Decodts, députée de la 13e circonscription du Nord, interrogeait le ministre de l’Intérieur sur la question de savoir "si des mesures seront mises en place pour limiter le coût énergétique des crémations" et des chambres funéraires.

En réponse, le ministre de l’Intérieur a rappelé que les mesures suivantes avaient été prises :
- "toutes les entreprises et les collectivités bénéficient de la baisse de la fiscalité sur l’électricité […] à son minimum légal européen et du mécanisme d’ARNH" ;
- "un bouclier tarifaire a été prévu pour toutes les petites entreprises et les collectivités territoriales employant moins de 10 salariés et disposant de moins de 2 millions de recettes" ;
- "la loi de finances pour 2023 instaure un amortisseur électricité permettant à l’ensemble des collectivités locales […] de disposer d’un soutien automatique de l’État, directement appliqué par le fournisseur d’électricité".

S’agissant de la hausse des prix du gaz, "toutes les entreprises délégataires auront accès jusqu’au 31 décembre 2023 [à un guichet] d’aide au paiement des factures de gaz plafonnées à quatre millions d’euros". L’ensemble de ces mesures ayant vocation à "contribuer à limiter les effets de la hausse des prix" dans le secteur funéraire.

III - Accueil des familles dans les instituts médico-légaux (IML)

Question n°1566 (JOAN du 27/09/2022) – Réponse du 28/02/2023 (JOAN, p.1987)

Dans une question posée par Annaïg Le Meur, députée de la 1re circonscription du Finistère, celle-ci rappelait au ministre de la Justice que "les familles [des défunts transférés dans les IML] se retrouvent souvent dans des situations de détresses émotionnelles, avec des décès survenus de manière subite et parfois violente.

Or plusieurs de ces familles se voient refuser l’accès au corps du défunt, ce qui est particulièrement mal vécu par les personnes concernées et complique leur travail de deuil. Il semblerait d’ailleurs que certains [IML] ne disposent pas de lieu où les familles peuvent voir une dernière fois le corps de leur défunt".

Elle demandait donc au ministre de la Justice si des mesures seront prises "pour faciliter l’accueil des familles".

Notons que cette question a été posée avant la publication de la circulaire interministérielle du 2 décembre 2022 relative à l’annonce des décès, que nous évoquions en janvier 2023 dans le numéro 187 de Résonance.

La réponse ministérielle s’est naturellement inscrite dans un bref rappel de ses dispositions dont l’ambition, issue d’un rapport de 2019 a pour but de limiter "le risque de victimisation secondaire pouvant résulter de l’intervention judiciaire" sur les proches du défunt, et d’améliorer la présentation des corps.

Le rapport de 2019 relevait notamment qu’"entre le jour de la mort d’un proche et ses obsèques, la famille et les amis souhaitent fréquemment pouvoir [voir le corps] une dernière fois. Cette étape de la présentation du corps, qui doit être proposée à la famille sans constituer une obligation, peut avoir lieu selon les circonstances, à domicile, en maison funéraire, dans la chambre mortuaire d’un hôpital ou à l’institut médico-légal lorsqu’une autopsie judiciaire a été pratiquée. Il doit être laissé un temps de réflexion aux proches pour leur permettre de décider s’ils veulent ou non voir le défunt, tout en tenant compte des exigences de délai liées à l’éventuelle autopsie".

Rappelons en effet qu’aux termes de l’art. 230-29 al.3 du Code de procédure pénale, "il ne peut être refusé aux proches du défunt qui le souhaitent d’avoir accès au corps avant sa mise en bière, sauf pour des raisons de santé publique. L’accès au corps se déroule dans des conditions qui leur garantissent respect, dignité, décence et humanité. Une charte de bonnes pratiques, dont le contenu est défini par voie réglementaire, informe les familles de leurs droits et devoirs. Elle est obligatoirement affichée en un lieu visible".

La réponse ministérielle conclut sur le fait que "des travaux réglementaires sont […] en cours s’agissant de l’élaboration de la charte de bonnes pratiques visée à l’art. 230-29 précité, visant à détailler les droits et devoirs des proches des défunts, notamment au stade de l’accès au corps".

On ne peut cependant que déplorer d’être toujours dans l’attente de ces précisions réglementaires eu égard au fait que ces dispositions du Code de procédure pénale sont entrées en vigueur en 2011.

IV - Établissement d’un certificat de décès par les infirmiers

Question n° 4733 (JOAN du 17/01/2023) – Réponse en attente de publication

Dans cette question posée au ministre de la Santé par Bertrand Sorre, député de la 2e circonscription de la Manche, celui-ci suggère d’accorder, en particulier aux infirmiers assurant le suivi régulier d’un patient décédé, d’être habilité à établir le certificat de décès pour pallier "la pénurie de médecins en zone rurale. Ces infirmiers pourraient accéder à une formation leur permettant d’évaluer la présence ou non d’un obstacle médico-légal, venant retarder les opérations funéraires".

Dans le numéro 186 de Résonance paru en décembre 2022, nous évoquions cette nouvelle faculté ouverte, à titre expérimental, aux infirmiers de signer les certificats de décès prévue par l’art. 36 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023. Ce dernier dispose en effet que :
"À titre expérimental, pour une durée d’un an, l’État peut autoriser les infirmières et les infirmiers à signer les certificats de décès. Les frais relatifs à l’examen nécessaire à l’établissement du certificat de décès et réalisé au domicile du patient sont pris en charge par le Fonds d’intervention régional mentionné à l’art. L. 1435-8 du Code de la santé publique, sur la base d’un forfait fixé par arrêté des ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale".

"Un décret détermine les modalités de mise en œuvre de l’expérimentation mentionnée au I du présent article. Les ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale arrêtent la liste des territoires participant à cette expérimentation, dans la limite de six régions".

Dans l’attente des dispositions réglementaires visées par cet article et de la réponse ministérielle à la question posée par ce député, nous ne pouvons que rester attentifs à la position qu’adoptera le Gouvernement en la matière.

V - Alternatives écologiques aux méthodes d’inhumation

Question n° 4922 (JOAN du 24/01/2023) – Réponse du 14/02/2023 (JOAN, p.1423)
Question n° 716 (JOAN du 09/08/2022) – Réponse du 24/01/2023 (JOAN, p.668)

Dans deux questions posées par Félicie Gérard, députée de la 7e circonscription du Nord, et par Élodie Jaquier-Laforge, députée de la 9e circonscription de l’Isère, le Gouvernement était interrogé sur sa position quant à la nouvelle pratique en vigueur dans certains pays, et réputée plus écologique, de l’humusation.

En la matière, dans des réponses particulièrement courtes et claires, le Gouvernement a rappelé qu’à ce jour, "la réglementation et la jurisprudence n’acceptent que deux modes de sépulture : l’inhumation et la crémation", et donc que "l’humusation est […] actuellement interdite".

En outre, le Gouvernement rappelle l’absence de "statut juridique des particules issues de cette technique" ainsi que son incompatibilité avec "l’art. 16-1-1 du Code civil qui dispose que les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu a crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence". En conséquence, "ces questions nécessitent une réflexion approfondie, notamment dans ses aspects éthiques, sociétaux et environnementaux".

VI - Inhumation des animaux de compagnie dans le caveau de leur maître

Question n° 3370 (JOAN du 22/11/2022) – Réponse en attente de publication

Dans cette question parlementaire posée par Alexandre Vincendet, député de la 7e circonscription du Rhône, celui-ci demande au ministre de l’Intérieur "s’il est envisagé de réglementer l’inhumation de la dépouille ou des cendres d’un animal de compagnie dans un caveau au cimetière afin de répondre à une demande de plus en plus forte des propriétaires d’animaux de compagnie".

Dans l’attente de la réponse ministérielle, on ne pourra s’empêcher de faire remarquer que si de telles demandes sont réellement croissantes, leur mise en œuvre est susceptible de poser de très nombreuses difficultés supplémentaires aux gestionnaires de cimetières déjà confrontés à une réglementation complexe et exigeante.

Élargir la destination des cimetières en en faisant des cimetières hybrides pour humains et animaux impliquerait d’envisager une réforme en profondeur de la législation applicable aux cimetières et devrait nécessairement faire l’objet d’une concertation longue et technique afin de déterminer sa faisabilité et de ne pas "surcomplexifier" la gestion des cimetières.

Rappelons en effet que la gestion d’un cimetière s’inscrit, par nature, dans le très long terme, au regard notamment de la durée des concessions attribuées et qu’une réforme à courte vue en la matière serait de nature à fragiliser un écosystème déjà fragile dans de nombreuses communes confrontées à un manque de foncier, de moyens financiers et humains ou à des difficultés d’application de la réglementation.
 
Me Xavier Anonin
Docteur en droit
Avocat au barreau de Paris

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations