Cette fiche n° 11140 est issue du service documentaire "Pratique des opérations funéraires" des Éditions WEKA, supervisé par Marie-Christine Monfort, forte de 20 ans d’expérience dans le domaine funéraire au sein de la Ville de Lille et de la Métropole Européenne de Lille. Mis à jour en permanence, ce service offre une veille juridique et réglementaire et des conseils opérationnels pour tous les professionnels pratiquant le droit funéraire.
Les premières sépultures découvertes indiquent sans conteste que, très tôt dans son histoire, l’homme a souhaité protéger les corps des défunts en les préservant des prédateurs, et leur aménager une vie confortable dans l’au-delà en plaçant dans la tombe des objets familiers, des armes, voire des dépouilles d’animaux domestiques. En Égypte, les tombes des pharaons en sont un exemple remarquable.
Si l’inhumation consiste à confier le défunt à la terre, la crémation au feu, les marins en mer confiaient leurs camarades décédés à l’eau et certaines tribus indiennes à l’air en déposant leurs défunts en haut de tours, offerts aux condors, oiseaux divins. Les 4 éléments étaient ainsi sollicités.
Depuis 1887, en France, les familles ont le choix entre 2 seuls modes de funérailles, l’inhumation et la crémation, mais d’autres pratiques jugées moins polluantes pour l’environnement voient le jour dans le monde. Cette fiche se propose de les analyser.
Pourquoi de nouveaux modes de funérailles ?
À l’heure où la sauvegarde de la planète devient une préoccupation de premier plan, certains scientifiques ont souhaité revisiter le traitement post-mortem de la dépouille mortelle humaine et son incidence sur l’environnement.
En effet, certains constats mettent à mal le recours traditionnel à l’inhumation puisque, alors qu’il suffisait de 8 à 10 ans autrefois pour que les cadavres soient complètement décomposés, aujourd’hui, leur durée de conservation est plus longue. Ce phénomène se retrouve dans beaucoup de villes d’Europe, notamment en Allemagne, où un tiers des corps enterrés il y a 40 ans ne sont pas encore tout à fait décomposés. Si la présence de conservateurs dans l’alimentation a été mise en cause dans un premier temps, il semble plus probable que l’usage intensif de produits désherbants dans les cimetières ait fini par faire disparaître les bactéries qui assuraient la décomposition des corps.
La crémation, qui connaît un essor important en Europe et en France ces dernières décennies, ne trouve pas non plus grâce, et a ses détracteurs (nous ne reviendrons pas sur le débat philosophique et religieux autour de cette pratique). Il est en effet reproché à la crémation son recours aux énergies fossiles et, au-delà, l’enfouissement définitif des déchets ultimes issus des dispositifs de filtration (charbon actif chargé d’acide chlorhydrique, de dioxyde de soufre, de mercure, dioxydes et furanes).
L’actualité internationale amène les pouvoirs publics à remettre en cause l’utilisation généralisée des énergies fossiles dans l’industrie et dans la vie quotidienne des Français. À terme, le funéraire n’échappera pas à cette réflexion qui, si elle est menée à son terme, représentera un bouleversement majeur dans notre société.
L’aquamation
En opposition frontale à la crémation, l’aquamation est une pratique qui utilise l’eau à la place du feu. Cette alternative consiste à plonger le corps dans une eau en mouvement enrichie d’agents chimiques alcalins chauffée à 93 °C. Après environ 4 heures d’immersion, les tissus ont été dissous, pour ne laisser subsister que les os.
À l’instar des calcius, les os sont pulvérisés ensuite et remis à la famille dans une urne. Dans l’absolu, l’eau utilisée pourrait être transformée en engrais destiné aux cultures. L’aquamation présente le double avantage de ne pas générer de rejets dans l’atmosphère et de nécessiter beaucoup moins d’énergie que la crémation.
Symboliquement, la disparition du corps dans l’eau peut être considérée comme un retour du défunt dans les eaux primordiales. L’aquamation est une technique ancienne qui a été brevetée aux États-Unis en 1888 pour éliminer les restes des animaux, tout en s’assurant de la destruction des virus dont ils seraient porteurs, notamment celui de la maladie de la vache folle.
La résomation
Cette alternative, la résomation, est proche de la précédente aquamation. On l’appelle également bio-incinération. Mise en place il y a une dizaine d’années par une société écossaise, elle consiste à plonger le corps du défunt dans de l’eau et de l’hydroxyde de potassium chauffés entre 150 et 180 °C avec une mise sous pression. Le procédé est ensuite identique, puisque les os sont pulvérisés et remis à la famille dans une urne. La consommation d’énergie est plus importante que pour l’aquamation, mais le procédé est plus rapide.
À noter
Le terme générique de ces 2 pratiques d’aquamation et de résomation est la liquéfaction, ou l’hydrolyse alcaline. Les termes d’aquamation et de résomation correspondent au nom qui leur est donné par les sociétés qui les développent respectivement. Elles ont la particularité de supprimer le recours à l’usage d’un cercueil.
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La promession
Cette pratique funéraire au caractère hautement écologique a été développée en Suède par le docteur Wiigh-Mäsak. Elle consiste à congeler le corps du défunt et son cercueil à -18 °C pendant 10 jours, puis à le plonger dans l’azote liquide à -196 °C. Placés ensuite sur une table vibrante, les éléments solides du corps devenus friables se pulvérisent. Vient ensuite la lyophilisation destinée à débarrasser les résidus de toute trace d’eau et la filtration dans un dispositif aimanté qui extrait les éléments étrangers (métaux, appareillages divers, mercure, prothèses…).
Les poudres récupérées sont rendues à la famille dans une urne biodégradable qui a vocation à être inhumée dans la terre et à se transformer en compost au bout d’une année. La famille peut immortaliser le lieu d’inhumation de l’urne par la plantation d’un arbre sur l’emplacement. Symboliquement, le corps est rendu à la terre où il se régénère sous forme végétale.
L’humusation
Ce procédé va encore plus loin dans la démarche écologique, puisqu’il consiste, comme son nom l’indique, à transformer le corps du défunt en humus. Pratiquement, le défunt emmailloté dans un seul linceul de lin ou de coton est déposé sur un tapis de 50 cm d’épaisseur composé de bois d’élagage et de lignite broyés. Il est recouvert de 2 m3 de feuilles mortes, de paille broyée et des mêmes éléments que ceux constituant la couche.
Cette préparation constitue un lieu où la famille peut se recueillir durant l’année que nécessite la transformation du corps du défunt en humus (la quantité estimée est de 1 à 2 m3). La famille se voit proposer un seau de cet humus dans lequel sera insérée la pousse d’un arbre préalablement choisi destinée à être plantée dans une forêt dédiée, substitut du cimetière traditionnel.
À noter
Cette technique a été testée à l’université de Washington, où 6 corps humains ont été transformés en compost. Les résultats probants de cette expérience ont amené le gouverneur de l’état de Washington à signer un texte de loi autorisant ce mode de funérailles sur son territoire en 2019. Le Colorado et l’Oregon ont suivi en 2021, rejoints en 2022 par le Vermont et la Californie. Depuis le 1er janvier 2023, l’humusation des dépouilles humaines est désormais autorisée dans l’État de New York.
En France, se pose le problème de la compatibilité de l’humusation avec l’article 16-1-1 du Code Civil, qui prescrit respect, dignité et décence dans le traitement des restes des personnes décédées. La question avait été posée au Gouvernement sur une éventuelle légalisation de l’humusation. Arguant de l’incompatibilité de ce procédé avec l’article 16-1-1 du Code civil, qui consacre le respect, la dignité et la décence obligatoirement apportés au traitement des restes des personnes décédées ainsi que l’absence de statut juridique des matières organiques issues de l’humusation, le Gouvernement a renvoyé cette demande à la nécessité d’une réflexion approfondie.
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Ces pratiques, pour écologiques qu’elles soient, engendrent un temps d’attente accru avant de pouvoir restituer les "cendres" aux familles. Là où la crémation requiert 2 heures en moyenne, les candidats à la liquéfaction ou à la promession devront compter entre 4 et 10 heures suivant le gabarit du défunt. La perspective dans les années à venir d’un prochain papy-boom et son incidence prévisible sur le nombre de décès annuels risquent d’engendrer un encombrement des sites spécialisés dans ces nouvelles opérations funéraires.
Notre conseil
- L’aménagement de cimetières verts
Pour répondre au ralentissement du processus de décomposition des dépouilles mortelles, l’aménagement de cimetières naturels commence à se généraliser dans les pays anglo-saxons, et plus récemment en France (par exemple, le cimetière de Niort en 2014).
Ils sont régis par une charte obligatoirement signée par les familles, qui proscrit la pose de caveaux au profit de l’inhumation en pleine terre, la pose de monuments, l’utilisation d’engins motorisés pour creuser les fosses, et interdit d’utiliser des herbicides (la végétation y poussant de manière naturelle est uniquement entretenue par des méthodes naturelles) et de déposer des fleurs artificielles. Les défunts, exempts de soins de conservation, sont vêtus de fibres naturelles et déposés dans des cercueils entièrement biodégradables et non traités.
Erreurs à éviter
Les méthodes alternatives à la crémation rencontrent un succès croissant en Europe. Nombre de nos compatriotes sont tentés par l’humusation, et un collectif s’est récemment constitué en Belgique pour sa légalisation. Pour autant, l’autorisation de recourir à ces techniques en France ne va pas de soi, et il serait hasardeux d’imaginer leur mise en place rapide. Le Code civil a en effet une vision très restrictive de la notion de respect du corps humain, qui écarte depuis des décennies toute alternative aux modes de funérailles classiques.
Le fait d’indiquer dans ses dernières volontés le choix de l’humusation n’implique pas que les proches puissent y souscrire le moment venu. En effet, les pratiques funéraires, même quand elles participent de vœux post-mortem, doivent dans tous les cas être compatibles avec la législation en vigueur. Il est donc préférable dans ce cas de préciser un choix alternatif à cette méthode.
FAQ
Existe-t-il d’autres méthodes actuellement ?
Nous aurions pu également citer la sublimation, qui consiste à transformer en quelques minutes un corps de l’état solide à l’état gazeux, l’énergie utilisée étant l’hydrogène. Cette technique a été proposée par un industriel français.
Ces pratiques sont-elles déjà mises en place dans certains pays ?
Oui, la résomation et l’aquamation, très similaires, sont autorisées dans quelque 15 États américains, dont la Floride et, à compter du 1er juillet 2020, en Californie. Elles se développent également au Québec et en Australie. La promession est pratiquée en Scandinavie.
Références juridiques
• Code civil
• Code général des collectivités territoriales (CGCT)
• Code de la Santé Publique (CSP)
• Loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire
• Loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles
• Rép. min. n° 20504, JO Sénat, 20 octobre 2016
Marie-Christine Monfort
Transmis par Julien Prévotaux
Directeur éditorial, WEKA
Résonance n° 189 - Mars 2023
Résonance n° 189 - Mars 2023
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