Évolutions législatives, jurisprudentielles et doctrinales mai 2022.
I - Jurisprudence
1 - La preuve d’une commande de travaux funéraires peut être apportée par tous moyens
Cour d’appel, Limoges, chambre civile, 11 mai 2022 - n° 21/00732
Dans cette affaire, la Cour d’Appel (CA) de Limoges a eu à statuer sur un litige opposant une société de travaux funéraires ayant assigné un client pour le paiement d’une facture. La société avait réalisé des travaux de restructuration sur une concession familiale. Le client considérait ne pas avoir à régler la facture émise au motif qu’aucun contrat n’aurait été signé par lui avec l’entreprise et qu’à supposer le contraire, il serait tenu partiellement au paiement avec un autre membre de sa famille.
La CA de Limoges a apprécié les éléments de preuve apportés par les parties afin de déterminer l’engagement du client à l’égard de l’entreprise de travaux funéraires. La CA a considéré même en l’absence de contrat, que la production par l’entreprise d’un devis, d’un ordre de service signé et de la demande d’exhumation déposée par son client auprès de la commune attestant être le seul ayant droit, justifie de la réalité de la commande passée auprès de l’entreprise.
Enfin, la cour considère que les accords passés entre le client identifié avec un tiers pour le paiement des travaux sont inopposables à l’entreprise, cette dernière étant liée avec l’ayant droit ayant été son interlocuteur. Ainsi, la cour admet que la preuve de l’engagement et la naissance d’une obligation de paiement pour le client peut être apportée par l’entreprise, même en l’absence de contrat écrit.
2 - Concessions funéraires : les volontés exprimées par l’héritier d’une concession de famille relatives à l’usage de la sépulture ne s’imposent pas à ses propres héritiers après son décès.
Tribunal administratif de Paris, 28-01-2022, n° 2000957
Le titulaire d’une concession s’opposait à la Ville de Paris qui refusait d’autoriser par anticipation l’inhumation de son nouveau compagnon au motif que la dernière titulaire de la concession avant lui, et dont il est le légataire universel, avait limité l’usage de la concession à certaines personnes.
La précédente titulaire avait elle-même hérité de la concession, eu trois enfants, mais avait survécu aux trois, et autorisé l’un d’entre eux, par anticipation, à inhumer son compagnon le jour venu. C’est ce compagnon qu’elle a ensuite désigné comme légataire universel.
Saisi de ce litige, le Tribunal Administratif (TA) de Paris a annulé la décision de refus de la Ville de Paris. Il est rappelé que le maire est en charge de la police des funérailles et des cimetières. À ce titre il peut octroyer des concessions funéraires.
Le TA s’appuie sur le règlement général des cimetières de la Ville de Paris qui prévoit que "les concessions ne peuvent recevoir que le corps du concessionnaire, de son conjoint, de ses parents, alliés ou successeurs. Toutefois, les concessionnaires peuvent demander l’inhumation des personnes, avec lesquelles ils avaient un lien particulier d’affection ou de reconnaissance".
Le juge administratif retient que le maire n’a pas de pouvoir d’appréciation du choix des titulaires d’une concession sur les personnes pouvant être ou non inhumés dans ladite concession. Par ailleurs, le juge se fonde également sur les dispositions de droit civil relatives aux successions pour considérer que le légataire universel est titulaire de l’ensemble des biens du décédé. Au cas d’espèce, la mère de l’ancien compagnon du requérant lui avait légué l’ensemble de ses biens.
Le juge administratif a considéré, indépendamment des volontés des anciens titulaires de la concession, qu’il revenait au titulaire actuel et vivant de la concession de déterminer et choisir l’usage de la concession et de désigner les personnes pouvant y être inhumés.
Il est intéressant de noter que le juge administratif, contrairement au juge civil, ne s’interroge pas ici sur la volonté du défunt mais seulement sur la volonté du titulaire du titre de concession, de facto encore vivant. La décision instille un doute inutile, selon nous, en précisant que le tout premier titulaire de la concession n’avait lui-même pas limité les personnes pouvant être inhumées. Précision surabondante, puisqu’à suivre le propre raisonnement du tribunal, ce titulaire initial l’aurait-il fait que le nouveau n’en avait pas moins le droit de décider autrement...
3 - Recyclage des métaux issus de la crémation : du bon emploi des marchés publics
Cour administrative d’appel, Toulouse, 2e chambre, 10 mai 2022 – n° 20TL22631
Toulouse Métropole a lancé une procédure de publicité et de mise en concurrence pour attribuer un marché de collecte et de recyclage des métaux issus de la crémation, pour le crématorium métropolitain. À l’issue de la procédure, un attributaire a été désigné.
Un concurrent évincé a engagé un recours tendant à l’annulation du marché et à la condamnation de Toulouse Métropole à lui verser 3 500 924,80 € au titre du préjudice qu’il estime avoir subi du fait de ses droits lésés. De façon plus originale, le concurrent évincé sollicitait également d’ordonner avant dire droit la communication des justificatifs de l’origine de la subvention exceptionnelle de 1 200 000 € sur le budget 2015 du crématorium, ainsi que les justificatifs des redevances versées pour l’attributaire pour chaque année d’exécution du marché.
Par un jugement du 18 juin 2020, le Tribunal Administratif (TA) de Toulouse a rejeté ses demandes. Le concurrent évincé a alors interjeté appel devant la Cour Administrative d’Appel (CAA) de Bordeaux, qui a plus tard transféré le dossier à la toute nouvelle CAA de Toulouse. Aux termes d’un jugement du 10 mai 2022, la cour a rejeté l’intégralité des demandes du concurrent évincé, après avoir analysé certaines particularités du marché du recyclage des métaux issus de la crémation.
Sur le critère de la redevance, elle a considéré que le concurrent évincé n’était pas fondé à soutenir qu’il n’avait pas été suffisamment informé de ses conditions de mise en œuvre, spécifiques au marché des métaux issus de la crémation : le montant de la redevance du marché correspond au montant devant être reversé au crématorium après recyclage des métaux, en prenant en compte les frais de traitement, d’échantillonnage et de collecte, sachant que le prix de collecte des métaux résulte de l’application des cours correspondants le jour de la collecte.
Sur les frais de collecte, la cour a rejeté l’argumentaire du concurrent évincé, en considérant que la société attributaire pouvait régulièrement faire bénéficier Toulouse Métropole d’économies d’échelle en raison de son activité avec de nombreux crématoriums français, lui permettant de diminuer ses frais de déplacements.
II - Réponses ministérielles
Difficultés dans l’obtention d’un certificat de décès
Question écrite n° 26830 de M. Jérôme Bascher (Oise - Les Républicains), publiée dans le JO Sénat du 17/02/2022 - page 850
Réponse du ministère des Solidarités et de la Santé, publiée dans le JO Sénat du 28/04/2022 - page 2397
Le ministère des Solidarités et de la Santé a été interpellé sur la difficulté des maires, très pratique, à obtenir des certificats médicaux de décès, faute de trouver un médecin pour faire constater le décès d’un proche, notamment à cause de la désertification médicale dans certains territoires et de la surcharge de travail des praticiens habilités à établir ces documents.
Or, le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) art. L. 2223-42 indique à l’origine que "L’autorisation de fermeture du cercueil ne peut être délivrée qu’au vu d’un certificat attestant le décès, établi par un médecin […]".
Le ministre rappelle que certaines mesures ont été d'ores et déjà adoptées, notamment par la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé (art. 12) qui a modifié l’art.
L. 2223-42 du CGCT en ajoutant, après le mot "médecin", "en activité ou retraité, par un étudiant en cours de troisième cycle des études de médecine en France ou un praticien à diplôme étranger hors Union européenne autorisé à poursuivre un parcours de consolidation des compétences en médecine, dans des conditions fixées par décret pris après avis du Conseil national de l’ordre des médecins".
C’est ensuite le décret n° 2020-446 du 18 avril 2020 relatif à l’établissement du certificat de décès qui est venu préciser les conditions de recours à ces autres avis médicaux.
Le ministre souligne également, d’autre part, un certain nombre de dispositions incitatives déployées par les pouvoirs publics et les collectivités locales pour lutter contre la désertification médicale, parmi lesquelles la détermination de zones sous-denses prenant en compte l’évolution démographique des professionnels. Des dispositifs d’aide à l’installation de médecins généralistes ont ainsi été déployés, tels que le contrat de début d’exercice, le contrat d’engagement de service public et le dispositif "400 médecins généralistes".
Un arrêté ministériel modifiant la méthodologie du zonage des médecins généralistes sera prochainement publié, qui permettra, selon le ministre "de répondre au mieux aux réalités et aux spécificités locales, et de faciliter l’accès à un médecin pour la certification d’un décès". À ce jour, il n’est, et on le comprend, pas envisagé de passer outre la nécessité de ce certificat. Ce document, on le rappelle, permet le transfert du défunt par les pompes funèbres.
On notera cependant que concernant les médecins retraités, il faut que ceux-ci soient volontaires et inscrits sur une liste auprès de l’Ordre, et que les candidats ne sont pas forcément nombreux. Quant aux autres, étudiants, praticiens étrangers, leur présence sur les territoires n’est pas plus évidente... Les maires, et les familles, ne sont donc pas au bout de leurs difficultés.
III - Divers / Bibliographie
Vers plus de respect et de dignité à l’occasion du don du corps à des fins d’enseignement médical et de recherche
Décr. n° 2022-719 du 27 avr. 2022, JO 28 févr.
Isabelle Corpart, maître de conférences émérite, Université de Haute-Alsace
Dalloz actualité 12 mai 2022
Résumé :
Un décret n° 2022-719 du 27 avril 2022 relatif au don de corps à des fins d’enseignement médical et de recherche a été publié au Journal officiel du 28 avril.
Le don du corps consiste à donner son corps au moment du décès à des fins d’enseignement médical et de recherche. C’est une démarche personnelle, volontaire qui est soumise à plusieurs règles. Cette démarche est encadrée par la loi et, précisément, des modifications viennent de lui être apportées, remplaçant pour l’essentiel le don de corps à la science par un don de corps à des fins d’enseignement médical et de recherche.
En effet, le décret n° 2022-719 du 27 avril 2022 pris en application de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique (art. 13 ; E. Supiot, loi bioéthique : les grandes lignes d’une réforme attendue, Dalloz actualité, 7 sept. 2021) a supprimé l’appellation "don de son corps à la science".
ADALTYS
Résonance n° 181 - Juin 2022
Résonance n° 181 - Juin 2022
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