Cette fiche n° 6476 est issue du service documentaire "Pratique des opérations funéraires" des Éditions WEKA, dirigé par Marie-Christine Monfort, cheffe de service des crématoriums de la Métropole Européenne de Lille. Mis à jour en permanence, ce service offre une veille juridique et réglementaire et des conseils opérationnels pour tous les professionnels pratiquant le droit funéraire.
Si le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) fait peser sur la commune l’obligation de pourvoir d’urgence à ce que toute personne décédée soit ensevelie et inhumée décemment sans distinction de culte ni de croyance (art. L. 2213-7), la prise en charge financière de ces funérailles n’est clairement prévue que dans le cas où le défunt était dépourvu de ressources suffisantes, personnes pour lesquelles le service est gratuit (art. L. 2223-27).
Quelle procédure mettre alors en œuvre dans le cas où le défunt, sans famille connue, n’a pris aucune disposition pour régler ses funérailles ? Comment la commune, dans l’hypothèse d’un actif successoral suffisant, peut-elle obtenir le remboursement des frais engagés ? À quelle hauteur ?
Quelles sont les situations rencontrées ?
Le législateur a disposé que la commune devait prendre en charge l’organisation des funérailles des personnes décédées sur son territoire en l’absence de personnes habilitées à le faire. Cette obligation s’inscrit dans les pouvoirs de police dont est détenteur le maire, garant du maintien de la salubrité, puisqu’un corps doit impérativement être soit enseveli, soit crématisé, en raison des problèmes d’hygiène rapidement posés par sa dégradation.
Deux situations peuvent alors se présenter :
- le défunt n’avait pas de famille, mais dispose d’un actif successoral permettant le financement des obsèques ;
- le défunt ne dispose pas d’actif successoral suffisant et sa famille est retrouvée après les funérailles.
Les frais d’obsèques sont prélevés en priorité sur les biens de la succession. Si l’actif successoral est insuffisant, ils sont assimilés à une dette alimentaire et les descendants et les ascendants du défunt sont tenus au règlement des frais d’obsèques, même s’ils ont renoncé à la succession. Si leurs moyens sont insuffisants, la procédure prévue pour les obsèques des personnes dépourvues de ressources suffisantes doit être mise en œuvre.
La participation de chacun est calculée au prorata de ses ressources. Les dépenses engagées ne doivent pas être somptuaires, c’est-à-dire d’un montant excessif imputable à des prestations luxueuses. C’est le juge qui statuera en cas de litige entre les obligés alimentaires.
En savoir plus
Les frais funéraires sont des frais analysés par le Code civil comme des frais liés à la succession de la personne décédée. Ils font d’ailleurs l’objet d’un privilège général institué sur les meubles (C. civ., art. 2331). Il s’agit d’une priorité de paiement dont jouit le bénéficiaire sur la vente des meubles du défunt. Ce privilège est placé en seconde position après les frais de justice. Il n’est dû qu’à concurrence des frais strictement nécessaires aux obsèques.
Les frais funéraires sont assimilables à l’obligation alimentaire : 1re chambre civile de la Cour de cassation du 14 mai 1992 : "Lorsque l’actif successoral ne permet pas de faire face aux frais d’obsèques, l’enfant, tenu de l’obligation alimentaire à l’égard de ses ascendants, doit, même s’il a renoncé à la succession, assumer la charge de ces frais, dans la proportion de ses ressources".
D’autres articles du Code civil peuvent être rappelés :
- l’art. 205 du Code civil : "Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin".
- l’art. 371 du Code civil : "L’enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses père et mère".
- l’art. 806 du Code civil : "Le renonçant n’est pas tenu au paiement des dettes et charges de la succession. Toutefois, il est tenu à proportion de ses moyens au paiement des frais funéraires de l’ascendant ou du descendant de la succession duquel il renonce".
|
Par ailleurs, lorsqu’un des parents est désigné comme bénéficiaire d’une assurance décès souscrite par son fils, l’autre parent doit néanmoins payer sa part des frais d’obsèques du fils au titre de son obligation alimentaire, même si le montant de la somme
versée correspond au coût des obsèques effectivement payé, puisque la somme payée par la compagnie d’assurances non seulement ne fait pas partie de la succession, mais encore ne connaît pas d’affectation juridique au paiement des funérailles (Cass. 1re civ., 25 juin 2002, n° 99-16391). Ce principe est confirmé dans un arrêt de la Cour de cassation, 1re chambre civile, 17 mars 2010, Mme Élisabeth Pieters.
L’organisation des obsèques par la commune
En application de l’art. L. 2213-7 du CGCT, le maire ou, à défaut, le représentant de l’État dans le département pourvoit d’urgence à ce que toute personne décédée soit ensevelie et inhumée décemment sans distinction de culte ni de croyance. Si une personne décède sur le territoire d’une commune et qu’aucune famille ou personne se présentant comme étant chargée de pourvoir aux funérailles ne se manifeste, il revient donc au maire d’organiser et de payer les obsèques des défunts non réclamés par leur famille.
Dans ce cas, quand la commune n’assure pas en régie l’organisation du service extérieur des pompes funèbres, elle doit désigner l’opérateur privé qui se chargera des obsèques. Si le cahier des charges le mentionne expressément, elle peut faire appel à l’entreprise chargée de réaliser les obsèques des personnes dépourvues de ressources suffisantes (à titre exceptionnel, il peut être procédé à une réquisition dans le cas d’enlèvement de corps trouvés sur la voie publique, de découvertes… ce afin d’assurer l’ordre public).
Les obsèques seront organisées a minima, c’est-à-dire en pleine terre dans le terrain commun. Elles seront respectueuses du défunt. Elles comporteront les prestations obligatoires rappelées en annexe de l’arrêté du 23 août 2010 relatif au modèle de devis réglementaire.
En application de la réglementation funéraire, seules les prestations suivantes sont obligatoires :
- fourniture d’un véhicule agréé pour le transport du corps (avant ou après la mise en cercueil),
- fourniture d’un cercueil de 22 mm d’épaisseur – ou 18 mm en cas de crémation – avec une garniture étanche et quatre poignées et, selon le cas, les opérations nécessaires à l’inhumation et/ou à la crémation (avec fourniture d’une urne cinéraire permettant de recueillir les cendres issues de la crémation).
Une créance autrefois aléatoire à recouvrer
Suivant la politique propre à chaque établissement bancaire, il était jusqu’alors envisageable que les communes soient autorisées à prélever, dans la limite de 3 050 €, sur les comptes de dépôt du défunt, les sommes permettant de régler tout ou partie des frais engagés. Cette pratique se fondait sur une instruction de la Direction de la comptabilité publique du 31 mars 1976 visant les comptes de dépôt ouverts par les particuliers auprès du Trésor public et devenue sans objet depuis que les comptables du Trésor ont mis fin à la gestion de comptes de particuliers (le 31 décembre 2001). Cette pratique était donc depuis 2002 à la merci du bon vouloir des établissements détenteurs des comptes des défunts.
À une question écrite qui lui était posée par un parlementaire, le ministre de l’Économie répondait en 2003 : "En l’absence de référence publique, la Direction du Trésor a suggéré à l’Association française des établissements de crédit, des entreprises d’investissement, par courrier en date du 11 décembre 2001, de recommander à ses adhérents qui souhaiteraient avoir une référence au niveau de la profession de retenir un montant en euros proche de la référence actuelle, soit 3 050 € à compter du 1er janvier 2002".
L’indication donnée à l’époque par le ministre prorogeait au-delà du 31 décembre 2001 la possibilité pour les établissements adhérents à AFECI d’autoriser des prélèvements sur les comptes des défunts à hauteur d’un montant converti en euros.
Les effets de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013
La loi de séparation et de régularisation des activités bancaires prévoit désormais la possibilité de procéder au paiement des frais d’obsèques au moyen d’un prélèvement opéré sur le compte bancaire du défunt, dans la mesure où le montant des sommes disponibles le permet.
L’art. 72 de cette loi, qui a été codifié par l’art. L. 312-1-4 du Code monétaire et financier, indique : "La personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles du défunt peut obtenir sur présentation de la facture des obsèques le débit sur les comptes de paiement du défunt, dans la limite du solde créditeur de ou des comptes, des sommes nécessaires au paiement de tout ou partie des frais funéraires auprès des banques teneuses desdits comptes, dans la limite d’un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l’Économie". Ce texte récent donne enfin un fondement légal au prélèvement du montant des frais d’obsèques sur le compte bancaire du défunt.
L’arrêté du 7 mai 2015 pris en application de l’art. L. 312-1-4 du Code monétaire et financier (lui-même modifié par l’art. 4 de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015) précise la somme qu’il est possible de prélever sur le compte du défunt afin d’organiser ses funérailles. Elle est désormais fixée à 5 000 € revalorisés annuellement en fonction de l’indice Insee des prix à la consommation hors tabac.
Recouvrer une créance auprès des obligés alimentaires
Pour mémoire, l’art. 806 du Code civil dispose qu’un descendant, même s’il a renoncé à la succession, reste tenu, à hauteur de ses ressources, au paiement des frais funéraires de son ascendant. L’actif successoral du défunt peut ne pas couvrir l’intégralité des frais engagés par la commune chargée de pourvoir aux funérailles et les sommes non recouvrées seront alors prises en charge par le budget communal.
Toutefois des investigations menées postérieurement aux funérailles permettent parfois aux services municipaux de découvrir des membres de la famille du défunt, obligés alimentaires. Ces derniers peuvent également se manifester tardivement. Dans ce cas, il appartient à la commune de solliciter du Trésor l’émission d’un titre de recette à l’encontre de ces obligés alimentaires en fournissant un justificatif des dépenses engagées pour l’organisation des funérailles.
Attention
Ils peuvent se retourner contre la commune qui aurait engagé des dépenses somptueuses lors des funérailles du défunt.
|
Ils peuvent également être déchargés de l’obligation alimentaire si, de son vivant, l’ascendant a gravement manqué à ses obligations envers les débiteurs (Cass. 1re civ., 31 mars 2021, n° 20-14107).
Notre conseil
Il ne faut pas hésiter à mener quelques investigations rapides dans les fonds disponibles de la commune afin de déterminer si le défunt était réellement sans famille. L’étude de l’acte de naissance donnera des indications sur les parents du défunt, éventuellement une région d’origine. Les listes électorales peuvent également être d’un grand secours. Dans le cas de patronymes peu courants, Internet peut également livrer des informations utiles.
Erreurs à éviter
Les obsèques, lorsqu’elles sont organisées par la commune, ne doivent comporter que les prestations obligatoires et être dépourvues de prestations "luxueuses". À défaut, la commune pourrait être mise en cause par des héritiers potentiels qui se manifesteraient ultérieurement.
FAQ
Quand un défunt a été inhumé dans le cadre de l’indigence et qu’une famille se manifeste ultérieurement, peut-on ouvrir une procédure de recouvrement des sommes engagées ?
La jurisprudence a donné aux frais funéraires un caractère alimentaire. Or, comme une créance d’aliment peut être exigée, de la part d’une personne dans le besoin, aux membres de sa famille, cette nuance permet également à la commune organisatrice des funérailles de réclamer le remboursement des frais engagés aux débiteurs d’aliment, voire au plus solvable d’entre eux (C. civ., art. 1197 et suiv.).
Une commune où un centre hospitalier est implanté peut-elle demander une prise en charge par l’État des funérailles qu’elle est amenée à organiser ponctuellement du fait de la présence de cet établissement sur son territoire ?
Les frais d’obsèques et les obsèques des personnes dépourvues de ressources suffisantes sont des dépenses obligatoires, pour la commune, prévues par la loi. Il lui est possible de solliciter le remboursement par prélèvement sur le compte bancaire du défunt ou auprès de ses obligés alimentaires, mais en aucun cas auprès de l’État.
Aller plus loin
Références juridiques
CGCT : art. L. 2213-7 qui oblige la commune à pourvoir aux funérailles des personnes décédées sur son territoire art. L. 2213-27 qui oblige la commune à prendre en charge les funérailles des défunts dépourvus de ressources suffisantes.
Code civil : les articles du Code civil intéressant l’obligation alimentaire (205, 371 et 806), les créances privilégiées (2331), la notion de créanciers solidaires (1197 et suivants).
Loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 portant séparation et régularisation des activités bancaires relative au prélèvement des frais d’obsèques sur le compte du défunt, art. 72.
Arrêté du 7 mai 2015 pris en application de l’art. L. 312-1-4 du Code monétaire et financier.
Arrêté du 25 octobre 2013 relatif au règlement des frais funéraires.
Arrêté du 23 août 2010 portant modèle de devis réglementaire pour les prestations funéraires.
Cass. 1re civ., 31 mars 2021, n° 20-14107.
Question écrite n° 2469 du 10 février 2003 du député François Rochebloine et réponse du ministre portant sur les anciennes dispositions concernant le prélèvement sur le compte bancaire du défunt.
Amendement n° 713 déposé dans le cadre du vote de la loi du 26 juillet 2013.
Site Internet
https://obseques.ooreka.fr/comprendre/frais-d-obseques : cette page d’Ooreka fournit un aperçu des frais engendrés par les obsèques accessibles par le chemin Comprendre > Frais d’obsèques.
Julien Prévotaux
Responsable éditorial publishing & Media, WEKA
Résonance n° 175 - Novembre 2021
Résonance n° 175 - Novembre 2021
Suivez-nous sur les réseaux sociaux :