Évolutions législatives, jurisprudentielles et doctrinales mai 2021.
I - Jurisprudence
1 - La réalisation d’un caveau doit respecter le droit de la construction... et le règlement du cimetière
Petit résumé de l’arrêt :
L’intérêt d’une décision est rarement fonction de son enjeu financier. L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 27 mai 2021 en est l’exemple : rendu sur pourvoi direct d’un jugement rendu en dernier ressort par l’ancien tribunal d’instance de Grenoble, il repose sur un enjeu financier largement inférieur à 4 000 €.
En l’espèce, des époux concessionnaires d’une double concession funéraire ont confié à un marbrier la réalisation d’un caveau sur l’une d’elles. Invoquant une mauvaise implantation du caveau et des désordres, les époux n’ont pas réglé le solde des travaux et ont assigné le marbrier en paiement de dommages-intérêts. Celui-ci a alors sollicité reconventionnellement le paiement du solde de son marché. Le tribunal d’instance de Grenoble a débouté les époux en estimant que le marbrier avait respecté le règlement du cimetière, et a fait droit aux demandes de ce dernier en paiement du solde du marché.
Sur la question de l’implantation du caveau et après avoir rappelé le principe selon lequel les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, la Cour de cassation a estimé que le tribunal d’instance de Grenoble n’avait pas fondé sa décision sur l’analyse du devis signé (tenant lieu de contrat entre le marbrier et les époux), mais seulement sur le règlement du cimetière : elle a logiquement cassé le jugement.
Sur la question de l’absence de règlement du solde du marché en raison de prétendus désordres sur la stèle, la Cour de cassation a cette fois confirmé le jugement du tribunal d’instance de Grenoble, en estimant dans un premier argument qu’aucun rabais ou surcoût n’avait été convenu entre les parties. Plus intéressant encore, cet arrêt donne l’illustration en matière de caveaux d’une solution désormais bien connue en droit de la construction : la condamnation au paiement des travaux réalisés de fourniture et pose du caveau est sans lien de dépendance nécessaire ou d’indivisibilité avec les demandes indemnitaires en réparation d’une mauvaise exécution de ces travaux."
À retenir :
Sur ces deux aspects, la Cour de cassation rappelle si besoin était qu’un caveau est bel et bien un ouvrage immobilier, pour lequel l’ensemble du régime juridique du contrat de louage d’ouvrage trouve à s’appliquer :
1. En matière d’implantation de caveaux, un marbrier doit non seulement respecter le règlement du cimetière, mais également le contrat signé avec ses clients. Recommandation ADALTYS : il est conseillé que le contrat se réfère directement au règlement du cimetière sur ce point.
2. Les rabais ou éventuels travaux supplémentaires faisant suite à un devis signé doivent également faire l’objet d’un contrat écrit et signé entre le concessionnaire et le marbrier.
3. Sauf s’ils sont d’une extrême gravité, la présence de désordres sur un caveau ne dispense pas les concessionnaires du paiement intégral du solde du marché conclu avec un marbrier.
Source : Cass., 3e ch. Civ., 27 mai 2021 – n° 20-10.037
2 - En l’absence de testament, il faut établir la volonté du défunt par un faisceau d’indices...
Petit résumé de l’arrêt
Une nouvelle décision sur l’appréciation de la volonté du défunt dans le cadre d’un litige opposant ses descendants. En l’espèce, une ordonnance du tribunal judiciaire jugeait que l’urne funéraire contenant les cendres de la défunte devait être placée dans un colombarium. L’une des filles de la défunte a fait appel, soutenant que sa mère souhaitait être incinérée et que ses cendres soient dispersées dans un jardin du souvenir.
La juridiction a tranché ce litige sur la base du faisceau d’indices permettant de déterminer la volonté du défunt. Il est rappelé que tout un chacun est libre de choisir sa sépulture et les conditions de ses funérailles.
La cour d’appel d’Amiens s’est ici appuyée sur le témoignage de l’aide-soignante de la défunte ainsi que sur le comportement de la défunte, qui ne se rendait pas elle-même sur les tombes de ses parents et de son fils.
En conséquence, la cour a infirmé la décision de première instance, et ordonné la remise de l’urne à l’appelante aux fins de procéder à la dispersion des cendres dans le jardin du souvenir.
À retenir
L’arrêt de la cour d’appel d’Amiens rappelle ici :
- Le délai impératif de 24 heures prévu par l’art. 1061-1 du Code de procédure civile afin d’interjeter appel d’une décision en matière de funérailles et de saisir le premier président de la cour d’appel, qui doit statuer immédiatement.
- Le juge, en l’absence d’expression de la volonté du défunt par déclaration sous forme testamentaire, cherche à déterminer la volonté du défunt grâce à l’appréciation des différents éléments en sa possession et les témoignages des parties, constituant un faisceau d’indices.
Source : CA d’Amiens, chambre solennelle, 28 mai 2021, n° 21/02655
3 - … ou déterminer la personne la mieux qualifiée pour décider…
Petit résumé de l’arrêt
La juridiction intervenait dans le cadre d’un litige familial opposant d’une part les enfants issus du premier mariage du défunt, soutenant que leur père souhaitait être inhumé en Algérie, son pays de naissance, et la fille du défunt née du second mariage, soutenant que son père souhaitait être enterré en France, à Valenciennes.
La cour d’appel a rappelé qu’en l’absence de volonté exprimée par voie testamentaire par le défunt, il appartient à la juridiction de rechercher les intentions de celui-ci et, en cas d’impossibilité d’aboutir en cette recherche, de déterminer la personne la mieux qualifiée pour décider lesdites modalités.
Les enfants issus du premier mariage soutenaient que leur père, de par son adhésion à l’association El Mekhtoub, avait exprimé son souhait d’être inhumé en Algérie, son pays d’origine.
La fille issue de la seconde noce soutenait quant à elle que son père n’avait plus de lien affectif avec l’Algérie, se considérait comme harki et souhaitait être enterré en France, et qu’il n’avait que très peu de relations avec ses premiers enfants, ces derniers pouvant difficilement connaître les volontés de leur père.
La cour d’appel de Douai a écarté le bulletin d’adhésion à l’association El Mekthoub en ce qu’il ne comportait qu’une seule signature et ne permettait pas de déterminer avec certitude la volonté du défunt, l’adhésion à l’association ayant été faite tant par monsieur que par sa seconde épouse, cette dernière souhaitant effectivement être inhumée en Algérie.
La cour d’appel s’est donc attachée aux témoignages portant sur les habitudes du défunt, ses attaches affectives, et sur son absence de lien avec son pays d’origine, dont il n’avait plus la nationalité.
Sur la base de cette analyse du faisceau d’indices, la cour d’appel de Douai a confirmé l’inhumation du défunt en France et a confirmé la désignation de la fille issue des secondes noces pour décider des modalités des funérailles, cette dernière justifiant de sa proximité avec son père.
À retenir
Le juge, qui a pour mission de déterminer la volonté du défunt en l’absence de volonté exprimées par voie testamentaire et/ou désigner la personne qui sera qualifiée pour déterminer cela, s’appuie sur tout élément composant un faisceau d’indices, en ce compris les liens affectifs, le mode de vie, les habitudes, et les attaches du défunt à un territoire ou un lieu.
Source : CA de Douai, funérailles, 15 mai 2021, n° 21/00001
4 - Assurance vie – le caractère accidentel de la mort est une question de preuve
Petit résumé de l’arrêt
Un défunt avait souscrit une assurance multirisque accident de la vie" en 2012. Son corps a été retrouvé immergé à quelques mètres du rivage d’une plage de Nice. L’intervention des sapeurs-pompiers et du SAMU, qui ont pratiqué un massage cardiaque externe, une intubation orotrachéale, posé une sonde gastrique et une voie veineuse périphérique, et injecté de l’adrénaline, n’a pas permis de le réanimer.
Les bénéficiaires de la police d’assurance ont demandé le versement de l’indemnité. L’assureur a d’abord sollicité la communication de diverses pièces, puis, mis en demeure de payer, a refusé au motif que le décès provenait d’un malaise et ne revêtait pas les caractéristiques d’un accident tel que défini par le contrat souscrit par le défunt, que les conditions générales prévoyaient la communication notamment d’un certificat médical indiquant la cause du décès, et subsidiairement que l’indemnité serait moindre que celle prévue au contrat, les modalités de calcul des indemnités étant déterminées pour chaque préjudice, selon les règles du droit commun adoptées par les juridictions françaises".
S’en est ensuivi un contentieux sur la nature du décès et la preuve de son caractère accidentel. Le tribunal de grande instance ayant donné raison aux demandeurs, la compagnie d’assurance a relevé appel.
Sur la preuve du caractère accidentel du décès, la cour retient que le contrat précisait garantir à titre principal, l’indemnisation de préjudices, conséquences de dommages corporels (incapacité permanente ou décès), résultant d’événements accidentels survenus dans la vie privée de l’assuré, et que les conditions générales valant note d’information du contrat précisaient multirisque des accidents de la vie définissant l’accident comme étant toute atteinte ou lésion corporelle non intentionnelle de la part de l’assuré, provenant de l’action soudaine, brutale, directe et exclusive, d’une cause extérieure et étrangère à la volonté de l’assuré.
La cour approuve le tribunal qui avait retenu le caractère accidentel en prenant en compte l’âge de la victime (43 ans), l’intervention rapide des sapeurs-pompiers, puis du SAMU, les soins prodigués, le fait que l’assuré pratiquait la natation et la plongée en apnée amateur de manière régulière, la présence d’un bracelet vert d’identification (numéro d’urgence et identité), le lest (une pierre de 20/30 cm) retrouvé dans son caleçon de bain, malgré le rapport du médecin légiste qui ne se prononce pas sur les causes et circonstances de ce décès", le procès-verbal de la police et le rapport du médecin précisant que cette mort doit être attribuée à une : mort accidentelle", avec visa du ministère public, pour permis d’inhumer.
La compagnie d’assurance n’avait pour tout argument que le fait que le médecin légiste ne s’était pas prononcé sur les causes de la mort et préconisait une autopsie... qui n’a pas été réalisée, alors que son rapport précisait que la plupart des traces d’ecchymoses ou de fractures pouvaient être expliquées par les secours apportés, et qu’un examen médical supplémentaire n’a finalement pas été jugé nécessaire par les autorités judiciaires pour confirmer ou infirmer le caractère accidentel du décès.
Enfin, l’audition du beau-frère de la victime effectuée par les services de police atteste qu’il pratiquait depuis de nombreuses années la plongée, qu’il avait des projets professionnels et une vie familiale apparemment épanouie, étant joyeux de nature, de sorte qu’aucun élément ne permet de penser que son décès serait la conséquence d’un acte volontaire de sa part...
À retenir
En matière d’assurance vie, le caractère accidentel de la mort est une question de preuve et tous les modes de preuves sont admis. Implicitement, il incombe à l’assureur qui remet en cause le caractère accidentel d’un décès d’apporter la preuve d’une autre cause.
Source : CA de Paris, pôle 4 – chambre 8, 18 mai 2021, n° 19/21537
II - Réponses ministérielles
1 - La taxe sur les services funéraires est toujours supprimée et n'est toujours pas compensée, même pour les petites communes.
En réponse à plusieurs questions écrites de parlementaires, par une réponse ministérielle uniforme, le Gouvernement confirme que la taxe sur les services funéraires (convois, inhumations et crémations) est supprimée par l’art. 121 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 en raison de son trop faible rendement. (voir la précédente veille – et les réponses ministérielles du 20 avril 2021).
Par une cinquième réponse publiée le 4 mai 2021, le Gouvernement confirme son raisonnement économique. Les comptes de gestion des communes et Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) à fiscalité propre pour l’année 2019 font apparaître que seulement 437 communes et 2 EPCI ont inscrit un produit de taxes funéraires au compte 7333 Taxes funéraires, pour un montant de 6,1 millions d’euros à l’échelle nationale. Or, ce produit représente au maximum 5 % et une moyenne de 0,1 % des recettes réelles de fonctionnement 2019 pour l’ensemble des bénéficiaires.
Le Gouvernement indique donc que la perte correspondante ne sera pas compensée par l’État, en rappelant aux collectivités qu’elles peuvent, si elles souhaitent retrouver l’équivalent de cette recette, simplement augmenter le prix des concessions funéraires, ce qui simplifie la gestion comptable et financière des collectivités.
La réponse visée ici précise que la règle est identique, même si la collectivité, petite commune, perd ainsi 6 % de ses recettes communales.
Question écrite n° 36093, 9 févr. 2021 – Communes - - - Mme Bérengère Poletti. Publication au JO : Assemblée nationale du 9 févr. 2021 – Réponse publiée au JO : Assemblée nationale du 4 mai 2021
À retenir
La taxe sur les services funéraires est supprimée et la perte pour les collectivités concernées ne sera pas compensée par l'État. Aux collectivités de trouver d'autres ressources...
Nota : C. Berlaud, Charge des frais d’obsèques et obligations envers l’ascendant : prise en compte de l’indignité : Gaz. Pal. 4 mai 2021, n° 420r3, p. 33 (Cass. 1re civ., 31 mars 2021, n° 20-14.107) ; Contentieux familial – Frais funéraires : exonération de l’héritier – Commentaire par Mélina Douchy-Oudot- Procédures n° 6, juin 2021, comm. 171 ; La mort nous coûte un peu moins cher... – Jean-François Boudet – AJCT 2021. 213 – mai 2021 ; Un paradoxe français : les lois de 1901 et 1904 et les congrégations religieuses – Pierre-Hugues Barré – RFDA 2021. 254 – mai 2021 ; Affaire du Baiser du cimetière du Montparnasse : quid du respect dû aux morts ? Revue Juridique Personnes et Famille, nº 5, 1er mai 2021. |
ADALTYS
Résonance n° 171 - Juin 2021
Résonance n° 171 - Juin 2021
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