Mon attention a été attirée par plusieurs responsables de la gestion des cimetières sur les difficultés rencontrées afin de mettre en œuvre une procédure de reprise de concessions cinquantenaires. "Je dédie cet article à Angélique et à tous les agents territoriaux qui ont la charge de la gestion des concessions en France."
Préalablement, il sera rappelé que la création de concessions dans un cimetière ne constitue nullement une obligation, mais une simple faculté. En effet, aux termes de l’art. L. 2223-13 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) : "Lorsque l’étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs. Les bénéficiaires de la concession peuvent construire sur ces terrains des caveaux, monuments et tombeaux. Il peut être également concédé des espaces pour le dépôt ou l’inhumation des urnes dans le cimetière. Le terrain nécessaire aux séparations et passages établis autour des concessions de terrains mentionnées ci-dessus est fourni par la commune."
L’art. L. 2223-14 détermine les conditions dans lesquelles les concessions peuvent être délivrées aux personnes physiques, uniquement, puisque l’art. L. 2223-13 précité fait expressément référence aux "personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs, ce qui exclut les personnes morales, qui ne peuvent générer des enfants ou des successeurs à ceux-ci.
Cette faculté est énoncée à l’art. L. 2223-14 du CGCT en ces termes :
"Les communes peuvent, sans toutefois être tenues d’instituer l’ensemble des catégories ci-après énumérées, accorder dans leurs cimetières :
1° Des concessions temporaires pour quinze ans au plus ;
2° Des concessions trentenaires ;
3° Des concessions cinquantenaires ;
4° Des concessions perpétuelles.
Mais, lorsqu’une commune décide d’instaurer une ou plusieurs de ces catégories, l’art. L. 2223-15 du CGCT confère au conseil municipal le pouvoir de création et de détermination des conditions tarifaires.
Il dispose :
"Les concessions sont accordées moyennant le versement d’un capital dont le montant est fixé par le conseil municipal (donc, sans délibération du conseil municipal statuant sur les redevances, il ne peut exister de concessions funéraires dans un cimetière). Les concessions temporaires, les concessions trentenaires et les concessions cinquantenaires sont renouvelables au prix du tarif en vigueur au moment du renouvellement.
À défaut du paiement de cette nouvelle redevance, le terrain concédé fait retour à la commune. Il ne peut cependant être repris par elle que deux années révolues après l’expiration de la période pour laquelle le terrain a été concédé. Dans l’intervalle de ces deux années, les concessionnaires ou leurs ayants cause peuvent user de leur droit de renouvellement."
Le principe désormais affirmé clairement par la loi (ordonnance du 28 juillet 2005 et loi du 19 décembre 2008) implique que, les concessions étant situées sur le domaine public, inaliénable et imprescriptible, les bénéficiaires de ces concessions ne peuvent prétendre à une occupation permanente et durable.
A/ La procédure de reprise d’une concession temporaire, trentenaire ou cinquantenaire, après l’expiration de la durée de celle-ci, et l’observation d’un délai de carence de deux années
C’est pourquoi l’art. L. 2223-15 a prévu une procédure de reprise des concessions temporaires, des concessions trentenaires et des concessions cinquantenaires, dès lors que le concessionnaire ou ses enfants et successeurs ne procéderaient pas au renouvellement de la concession après son échéance, sauf à mettre en exergue ce que j’ai qualifié dans mon ouvrage, "Le Traité de Législation et Réglementation Funéraire" – (SCIM RÉSONANCE, éditeur) de délai de carence, d’une durée de deux ans.
Il sera rappelé, opportunément, que, contrairement à ce que de nombreux gestionnaires de cimetières estimaient en matière de choix du tarif, qu’ils considéraient comme étant celui en vigueur au jour du renouvellement effectif de la concession, donc intervenu durant ou à l’issue du délai de deux ans octroyé par la loi aux concessionnaires ou à leurs ayants droit ou ayants cause, le Conseil d’État, dans son arrêt en date du 21 mai 2007, req. n° 281615, a statué en ces termes :
"Dans l’intervalle de ces deux années, les concessionnaires ou leurs ayants cause, peuvent user de leur droit de renouvellement ; qu’il résulte de ces dispositions, que le titulaire d’une concession funéraire temporaire, trentenaire ou cinquantenaire, bénéficie, à la date d’expiration de la période pour laquelle le terrain a été précédemment concédé, d’un droit au renouvellement de sa concession et que, s’il dispose d’un délai de deux ans pour exercer ce droit en formulant une demande en ce sens et en acquittant la redevance capitalisée payable par avance au titre de la nouvelle période, celle-ci court dans tous les cas à compter de la date d’échéance de la précédente concession, qui est celle à laquelle s’opère le renouvellement ; que, dès lors, le montant de la redevance due est celui applicable à cette date."
Il s’ensuit que ce doit être le tarif adopté par le conseil municipal en vigueur à la date anniversaire de l’échéance du contrat de concession, qui sera, de fait et de droit, appliqué.
1°) En matière de reprise d’une concession cinquantenaire (il sera fait remarque que la procédure est identique pour les concessions temporaires et trentenaires), la première conséquence que l’on peut tirer de cet art. L. 2223-15, alinéa 3e, est que la commune dispose d’un droit de reprise de la concession échue et non renouvelée à l’issue du délai de deux années octroyé par le législateur. Cette concession retourne alors dans le domaine public communal (ou intercommunal en cas de création de cimetières communautaires).
À propos de l’obligation d’information des concessionnaires, leurs ayants droit ou ayants cause par la commune, en cas de procédure de reprise d’une concession temporaire, trentenaire ou cinquantenaire, après expiration du délai de la concession majoré de deux années, longtemps la doctrine a considéré que la collectivité territoriale ou l’établissement public de coopération n’étaient tenus à aucune démarche particulière.
Ainsi, il résultait de réponses à questions écrites posées par des parlementaires au ministre de l’Intérieur que la commune n’avait pas spécifiquement une obligation d’informer les ayants droit, sauf si un article du règlement intérieur du cimetière le prévoyait (voir en ce sens la question écrite, n° 16-485, publiée au JO du Sénat le 10/03/2005, page 653, posée par M. Gérard Longuet au ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire, et la réponse publiée au JO du Sénat du 14/07/2005, page 1911).
Le ministre recommandait, cependant, à la commune, dès lors que la reprise de la concession était actée, d’effectuer les actes matériels de reprise dans les meilleurs délais, afin d’éviter des contentieux ultérieurs.
À la question écrite n° 04374 de M. Jean-Pierre Sueur (Loiret – SOC), publiée dans le JO Sénat du 07/02/2013 – page 393, donc plus récente que celle exposée précédemment, le ministre de l’Intérieur énonçait les mêmes règles, dans sa réponse publiée dans le JO Sénat du 20/06/2013 – page 1872, en ces termes : "Les concessions dans un cimetière peuvent être reprises par la commune lorsqu’elles sont arrivées à échéance et qu’elles n’ont pas fait l’objet d’un renouvellement. S’agissant des concessions arrivées à échéance, tout en rappelant l’existence du délai de 2 ans octroyé aux familles pour faire valoir leur droit à renouvellement à défaut du paiement d’une nouvelle redevance, "le terrain concédé retourne à la commune". Ce terrain ne peut cependant être effectivement repris par cette dernière que deux années révolues après l’expiration de la période pour laquelle le terrain a été concédé. Ce délai permet de s’assurer que le concessionnaire ou ses ayants droit ont renoncé définitivement à la concession."
Important
"La loi ne fixe pas les règles applicables pour la conduite de la procédure de reprise. La jurisprudence a rappelé à plusieurs reprises que, lorsque les concessions sont arrivées à échéance, la commune peut reprendre, "sans aucune formalité", les terrains objets de l’ancienne concession. Bien qu’il n’y ait pas d’obligation légale, les communes prennent souvent des mesures pour informer les familles, lorsqu’elles sont connues, de la reprise des concessions, et pour les aviser, le cas échéant, des exhumations consécutives à une reprise au cas où elles désireraient être présentes ou représentées."
La pratique la plus courante est d’apposer sur la concession des plaques imputrescibles, que l’on trouve chez des fournisseurs spécialisés, comportant la mention : "Cette concession est concernée par une procédure d’état d’abandon. Prière de s’adresser au bureau du conservateur ou en mairie". Un avis peut également être affiché à la porte du cimetière sur lequel une liste des concessions échues est dressée.
Dès lors que l’on opérerait un parallèle avec le régime juridique des contrats en droit civil, il serait, à notre sens, possible d’accorder à cette faculté octroyée à la commune la nature d’un régime de responsabilité contractuelle, puisque l’acte attributif d’une concession, quelle que soit sa forme (contrat ou arrêté du maire constituant un acte administratif individuel), ont été qualifiés de tout temps par les juridictions administratives de contrats administratifs.
Le défaut de renouvellement, justifiant la reprise, pourrait être alors analysé comme une sanction contractuelle comparable à celle énoncée aux articles 1134 et 1135 du Code civil, qui énoncent :
Art. 1134 : "Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi."
Art. 1135 : "Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature."
En cas d’inexécution des obligations nées d’un contrat civil, la sanction est énoncée à l’art. 1147 du Code, savoir : "Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part."
Certes, ces règles ne sont pas applicables à la matière administrative, mais force était d’opérer un parallèle entre les sanctions de l’art. L. 2223-15 du CGCT et celles des défections contractuelles civiles. Dans un article publié dans les colonnes de Résonance, le 8 août 2020, intitulé : "La procédure de reprise d’une concession temporaire, d’une durée de quinze ans. Les garanties apportées au concessionnaire ou à ses ayants droit", j’écrivais :
"En matière de législation et réglementation funéraires, les procédures de reprises des concessions funéraires, dites temporaires, de 15 ans au plus, tout comme d’ailleurs celles afférentes aux autres concessions à durée limitée (30 et 50 ans), sont peu explicites, comparées à celles relevant de la reprise d’une concession perpétuelle, voire centenaire, qui sont soumises à un formalisme particulièrement abondant.
Mais les règles doctrinales en matière de liberté totale pour la commune de procéder à la reprise des concessions temporaires, trentenaires et cinquantenaires ont été remises en cause par le Conseil d’État dans son arrêt en date du 11 mars 2020, n° 436693, à propos d’un appel du jugement du 2 mai 2019 par lequel le TA de N… avait rejeté la demande d’un concessionnaire tendant à ce que la commune d’E… soit condamnée à lui verser une somme de 25 000 € en réparation du préjudice subi du fait qu’une nouvelle concession funéraire avait été attribuée sur l’emplacement de la sépulture de sa fille, a statué en ces termes :
"Enfin, il appartient au maire de rechercher par tout moyen utile d’informer les titulaires d’une concession ou leurs ayants droit de l’extinction de la concession et de leur droit à en demander le renouvellement dans les deux ans qui suivent." Cette proposition a été réitérée dans le paragraphe 6 de cet arrêt : "Enfin, ainsi qu’il a été dit au point 3, il appartient au maire de rechercher par tout moyen utile d’informer les titulaires d’une concession ou leurs ayants droit de l’extinction de la concession et de leur droit à en demander le renouvellement dans les deux ans qui suivent."
Au bénéfice de tout ce qui précède, l’intérêt de cet article réside, non seulement, dans l’examen des deux procédures afférentes à la reprise des concessions temporaires, trentenaires et cinquantenaires, mais, également, dans l’actualisation des règles à observer lors de la mise en œuvre de cette procédure liée au défaut de renouvellement, car, contrairement à ce qui fut soutenu durant des décennies par la doctrine, le Conseil d’État est largement plus sévère dès lors qu’il fait obligation à la commune de respecter l’information des familles à l’égard de l’existence de procédures de reprises de telles concessions.
B/ La deuxième procédure permettant à une commune ou à un groupement de communes chargé de la gestion des cimetières de procéder à la reprise d’une concession cinquantenaire est fondée sur les articles L. 2223-17 et suivants du CGCT, en mettant en œuvre la procédure de reprise d’une concession funéraire en état d’abandon
Que dit cet art. L. 2223-17 du CGCT ?
"Lorsque, après une période de trente ans, une concession a cessé d’être entretenue, le maire peut constater cet état d’abandon par procès-verbal porté à la connaissance du public et des familles. Si, trois ans après cette publicité régulièrement effectuée, la concession est toujours en état d’abandon, le maire a la faculté de saisir le conseil municipal, qui est appelé à décider si la reprise de la concession est prononcée ou non. Dans l’affirmative, le maire peut prendre un arrêté prononçant la reprise par la commune des terrains affectés à cette concession."
Les articles L. 2223-17 et R. 2223-12 du CGCT fournissent les conditions à respecter en cette circonstance
1) Selon l’art. L. 2223-17, 1er alinéa, la concession doit d’abord avoir plus de trente ans d’existence, et avoir cessé d’être entretenue ; elle doit être en état d’abandon. L’état d’abandon n’a jamais fait l’objet d’une définition légale, ni réglementaire. Il semble, cependant, impliquer un défaut d’entretien, sans que celui-ci se traduise par l’état de ruine de la sépulture. Cet état doit, néanmoins, se caractériser par des signes extérieurs nuisibles au bon ordre et à la décence du cimetière. Il s’agit d’un critère matériel.
2) Un autre critère, plus subjectif et immatériel, a été dégagé par la jurisprudence administrative, dès lors que l’état de la concession délaissée par son titulaire ou ses ayants droit ou ayants cause porterait une atteinte suffisamment grave au respect dû aux morts, qui constitue une faute dirimante.
3) Selon le 2e alinéa de l’art. R. 2223-12 du CGCT, "la procédure prévue par les articles L. 2223-4, R. 2223-13 à R. 2223-21 ne peut être engagée que dix ans après la dernière inhumation faite dans le terrain concédé".
Si ces trois conditions sont remplies, la procédure de reprise peut alors être déclenchée selon les conditions exposées aux articles R. 2223-13 et suivants du CGCT, savoir : "L’état d’abandon est constaté par un procès-verbal dressé par le maire ou son délégué après transport sur les lieux, en présence d’un fonctionnaire de police délégué par le chef de circonscription ou, à défaut de ce dernier, d’un garde champêtre ou d’un policier municipal.(1)
Les descendants ou successeurs des concessionnaires, lorsque le maire a connaissance qu’il en existe encore, sont avisés un mois à l’avance, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, du jour et de l’heure auxquels a lieu la constatation. Ils sont invités à assister à la visite de la concession ou à se faire représenter. Il est éventuellement procédé de même à l’égard des personnes chargées de l’entretien de la concession. Dans le cas où la résidence des descendants ou successeurs des concessionnaires n’est pas connue, l’avis mentionné ci-dessus est affiché à la mairie ainsi qu’à la porte du cimetière."
L’art. R. 2223-14, créé par le décret 2000-318, du 7 avril 2000, publié au JORF du 9 avril 2000, fournit une liste des éléments qui doivent figurer sur le procès-verbal
"Le procès-verbal :
– indique l’emplacement exact de la concession ;
– décrit avec précision l’état dans lequel elle se trouve ;
– mentionne, lorsque les indications nécessaires ont pu être obtenues, la date de l’acte de concession, le nom des parties qui ont figuré à cet acte, le nom de leurs ayants droit et des défunts inhumés dans la concession.
Copie de l’acte de concession est jointe si possible au procès-verbal. Si l’acte de concession fait défaut, il est dressé par le maire un acte de notoriété constatant que la concession a été accordée depuis plus de trente ans. Le procès-verbal est signé par le maire et par les personnes qui, conformément à l’art. R. 2223-13, ont assisté à la visite des lieux. Lorsque les descendants ou successeurs des concessionnaires ou les personnes chargées de l’entretien de la tombe refusent de signer, il est fait mention spéciale de ce refus."
L’art. R.2223-15 du CGCT (cf. décret du 7 avril 2000) prescrit
"Lorsqu’il a connaissance de l’existence de descendants ou successeurs des concessionnaires, le maire leur notifie dans les huit jours copie du procès-verbal et les met en demeure de rétablir la concession en bon état d’entretien. La notification et la mise en demeure sont faites par une seule lettre recommandée avec demande d’avis de réception."
L’art. R. 2223-16 énonce
"Dans le même délai de huit jours, des extraits du procès-verbal sont portés à la connaissance du public par voie d’affiches apposées durant un mois à la porte de la mairie, ainsi qu’à la porte du cimetière. Ces affiches sont renouvelées deux fois à quinze jours d’intervalle. Un certificat signé par le maire constate l’accomplissement des ces affichages. Il est annexé à l’original du procès-verbal."
Puis, l’art. R. 2223-17 fait obligation à la commune de tenir "en mairie une liste des concessions dont l’état d’abandon a été constaté, conformément aux articles R. 2223-12 à R. 2223-16 du CGCT. Cette liste est déposée au bureau du conservateur du cimetière, si cet emploi existe, ainsi qu’à la préfecture et à la sous-préfecture. Une inscription placée à l’entrée du cimetière indique les endroits où cette liste est déposée et mise à la disposition du public".
La suite de la procédure sera, ici, synthétisée afin de ne pas alourdir le texte du présent article. La commune doit, ensuite, respecter un délai de trois ans. À l’issue de cette période, si la concession est toujours en état d’abandon, un nouveau procès-verbal est dressé par le maire et notifié aux intéressés, constatant la persistance ce cet état d’abandon. Un mois après cette notification, c’est le conseil municipal qui décide, ou non, de la reprise de la concession.
Si le conseil municipal la valide, le maire prend un arrêté prononçant la reprise (art. R. 2223-18 du CGCT). L’arrêté doit être publié et notifié pour devenir exécutoire. La procédure concernant les monuments et emblèmes funéraires et les restes exhumés est la même dans le cas d’un non-renouvellement ou d’une procédure pour état d’abandon. Une fois la concession reprise, donc de retour dans le domaine public de la commune, le maire peut, d’abord, faire enlever les monuments et emblèmes funéraires restés sur la concession.
Les monuments funéraires appartiennent au domaine privé de la commune, dans la mesure où les familles ne les ont pas récupérés. "La commune en dispose donc librement, dans la limite du respect dû aux morts et à leur sépulture, qui interdit toute aliénation de monuments ou emblèmes permettant l’identification des personnes ou de la sépulture et toute autre utilisation contraire à ce principe." (Réponse ministérielle n° 04702, JO Sénat du 14 mai 2009) Il en résulte que toutes les inscriptions doivent être supprimées. La concession est ensuite libérée de tout corps.
Le maire "fait procéder à l’exhumation des restes des personnes inhumées. Pour chaque concession, ces restes sont réunis dans "un cercueil de dimension appropriée", nommé reliquaire ou boîte à ossements (art. R. 2223-20 du CGCT). La présence de la famille ou d’un mandataire n’est pas obligatoire. Les restes seront à nouveau inhumés dans l’ossuaire. Les communes ont l’obligation d’en posséder un, sauf si elles ne disposent pas d’espace suffisant (art. L. 2223-4 du CGCT et R. 2223-6 du CGCT).
Dans ce cas, les restes mortels peuvent être transférés par décision du maire dans l’ossuaire d’un autre cimetière appartenant à la commune, ou, si celle-ci appartient à un groupement de communes, dans l’ossuaire de l’une d’entre elles. En l’absence d’opposition connue du défunt (loi du 19 décembre 2008), le maire peut faire procéder à la crémation du corps avant la mise en place dans l’ossuaire.
Après la crémation, les cendres des restes exhumés sont disposées dans un columbarium ou dans l’ossuaire, sous la condition que ledit ossuaire soit spécifiquement aménagé à cet effet, afin de séparer physiquement les espaces dédiés aux boîtes à ossements ou reliquaires et les urnes cinéraires. Les cendres peuvent, également, être dispersées dans le lieu spécialement affecté à cet effet, soit dans un cimetière soit dans un site cinéraire, souvent qualifié de "jardin du souvenir".
Les noms des personnes exhumées des concessions ainsi reprises par la commune, même si aucun reste n’a été retrouvé, sont consignés dans un registre tenu à la disposition du public, et peuvent être gravés sur un dispositif établi en matériaux durables dans le lieu spécialement affecté à cet effet, ou au-dessus de l’ossuaire (art. R. 2223-6 du CGCT).
La jurisprudence en matière de placement définitif des restes mortels exhumés des concessions reprises par une commune a évolué, car, si, dans un premier temps, il semblait acquis que ce placement était définitif (les restes reposaient à perpétuité dans l’ossuaire), l’arrêt du Conseil d’État du 21 novembre 2016, n° 390298, a modifié cette perception de l’impossibilité de restituer ces restes en assujettissant sa position à la condition suivante : "L’exhumation d’un ossuaire ne peut être autorisée par le maire, en vertu des articles R. 2213-40 à R. 2213-42 du CGCT, que lorsqu’elle n’est pas matériellement possible pour y procéder par des moyens raisonnables."
Il convient, cependant, de tempérer la portée de cet argument, car, dans ses considérants, la Haute Assemblée avait rejeté la demande de restitution des corps exhumés après reprise d’une concession, en édictant, certes, ce critère de "s’il n’est pas matériellement possible d’y procéder par des moyens raisonnables", mais en assortissant sa décision, sur la constatation que la reprise de la concession avait été effectuée légalement.
D’où le questionnement qui m’interpellait dans mon article précité, la restitution des corps exhumés d’une concession reprise et placés dans un ossuaire peut être envisageable, tout autant que, d’une part, elle serait matériellement possible en utilisant des moyens raisonnables et, d’autre part, lorsque la reprise de la concession aurait été effectuée en toute illégalité. Un cumul de conditions peu favorable aux membres d’une famille désireux de donner une sépulture plus décente à leurs parents disparus.
La conclusion sera donc brève : oui, il existe bien deux procédures de reprise des concessions funéraires d’une durée de cinquante ans, soit celle relevant des articles L. 2223-15 et L. 2223-17 du CGCT, sanctionnant le défaut de renouvellement dans le délai de deux ans succédant la fin du contrat, soit la procédure applicable à la reprise des concessions perpétuelles, centenaires et cinquantenaires (articles R. 2223-12 à R. 2223-21), dès lors que leur durée d’existence serait supérieure à trente ans, qu’aucune inhumation n’aurait été effectuée depuis moins de dix ans, et qu’elles seraient dans un état d’abandon manifeste, avéré et constaté dans les formes de droit.
Jean-Pierre Tricon
Chevalier dans l’Ordre national du Mérite
Maître en droit
DESS en gestion des collectivités locales
Co-auteur du "Traité de Législation et Réglementation Funéraire"
Consultant en droit public et droit funéraire
Formateur
Nota :
(1) Dans l’hypothèse où la commune serait dépourvue de garde champêtre ou d’agents de police municipale, le maire se fera accompagner par un adjoint, puisque les maires et les adjoints possèdent la qualité d’officier de police judiciaire.
Résonance n° 167 - Février 2021
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