Voici un arrêt relatif à un problème d’habilitation préfectorale. Ce type de contentieux est plutôt rare, et mérite donc par son caractère inédit que l’on s’y intéresse.
Cour d’appel, Versailles, 13e chambre, 15 décembre 2020 - n° 19/06511
Banalement, oserions-nous dire, il s‘agissait d’une opération de rachat par une société de l’intégralité des parts sociales d’une autre qui gérait diverses installations funéraires. L'opération se déroule mal et un litige se noue entre les parties où, notamment, le problème se pose de l’utilisation de l’habilitation préfectorale du cédant pour exploitation de l’activité funéraire du cessionnaire. C'est cet aspect du contentieux qui va nous intéresser.
L'acquéreur soutient en effet que, par exemple, le crématorium racheté ne nécessitait pas une nouvelle habilitation puisqu'il continuait d'être géré par la même société. Elle soutient d'ailleurs avec justesse que l'habilitation préfectorale est délivrée à la société, et non à son représentant légal. Le juge rappelle alors que : "L’art. L. 2223-23 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) prévoit que les régies, les entreprises ou les associations et chacun de leurs établissements qui, habituellement, sous leur marque ou non, fournissent aux familles des prestations énumérées à l’art. L. 2223-19 ou définissent cette fourniture ou assurent l’organisation des funérailles doivent être habilités à cet effet selon des modalités et une durée prévues par décret en Conseil d’État.
Pour accorder cette habilitation, le représentant de l’État dans le département s’assure :
1° Des conditions requises des dirigeants telles que définies à l’art. L. 2223-24 ;
2° De conditions minimales de capacité professionnelle du dirigeant et des agents. Dans le cas d’une régie non dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière, seuls les personnels de la régie doivent justifier de cette capacité professionnelle.
L’art. R. 2223-63 du même Code dispose que tout changement dans les indications prévues à l’art. R. 2223-57 (qui concerne les demandes d’habilitation) doit être déclaré dans un délai de deux mois au préfet qui a délivré l’habilitation."
Or, l’art. R. 2223-57 du CGCT en son premier alinéa énonce que la demande d’habilitation comprend :
Une déclaration indiquant la dénomination de la régie, de l’entreprise, de l’association ou de l’établissement, sa forme juridique, son activité, son siège ainsi que l’état civil, le domicile et la qualité du représentant légal et du responsable de l’établissement et, le cas échéant, un extrait du registre du commerce et des sociétés ou du répertoire des métiers, si l’entreprise y est immatriculée, ou lorsque le demandeur sollicite l’application de l’art. L. 2223-47, une attestation certifiant qu’il remplit la condition prévue au 1° de cet article.
En l'espèce, l'acquéreur ne justifie pas avoir rempli cette condition de déclaration du changement du représentant légal de la société dans ce délai de deux mois, mais seulement près d'une année plus tard par une demande de modification de l'habilitation funéraire. Le juge en tire alors la conséquence selon laquelle les cédants des parts de la société ont subi un préjudice moral évalué à 2 000 € dans la mesure où la gérante de cette société a légitimement pu penser que sa responsabilité administrative et pénale pouvait être encore engagée à raison de l’utilisation de l’habilitation qui avait été délivrée à la société pendant sa gérance.
Voici donc un arrêt qui rappelle opportunément la rigueur du formalisme afférent aux habilitations funéraires.
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT
Résonance n° 166 - Janvier 2021
Résonance n° 166 - Janvier 2021
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